REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 30 septembre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (6)

SUITE DE L'ARTICLE PRÉCÉDENT
LES EAUX THERMALES

Le premier schéma montre la manière dont se constitue l'eau thermalo-minérale.

Pour que l'on obtienne une eau thermale, il faut d'abord qu'existe un ensemble géologique composé :
   -  d'une strate aquifère (roche poreuse ou fissurée capable de contenir une nappe d'eau) comportant un pendage assez important,
  - de deux couches imperméables qui la cernent de part et d'autre : celle du dessus est appelée le toit (couverture), celle du dessous,  le mur.

1- strate aquifère,
la strate aquifère se charge au moyen de l'eau de pluie (3 à 10%) et par les infiltrations des lits des rivières. Ensuite, l'eau circule lentement dans la couche aquifère et se charge en sels minéraux émanant de la roche. Cette eau est à une pression supérieure à la pression atmosphérique, ce qui explique qu'elle ait tendance à remonter vers le sol.
2- roche imperméable dit "du toit".
3- roche imperméable dit "du mur".
4- niveau piézométrique, défini comme le niveau le plus haut atteint naturellement par l'eau si on effectue un forage jusqu'à la nappe aquifère : ce niveau s'établit selon la méthode des vases communicants.
5- nappe dite captive : l'eau accède au niveau piézométrique mais il faut une pompe pour qu'elle arrive au sol.
6- nappe captive débouchant à un niveau du sol inférieur au niveau piézométrique : elle prend la forme d'un puits artésien

Il n'est pas toujours besoin de forages pour que cette eau arrive à l'air libre naturellement : elle peut remonter par capillarité jusqu'au sol en profitant des fissures et failles de la roche du toit et forme alors de petites mares, c'est comme cela que de nombreuses sources thermales furent découvertes.

Tout cela paraît très simple, pourtant la situation est souvent beaucoup plus complexe que ce qui précède. Pour le montrer, je vais reprendre l'exemple des eaux de Vittel.

Sur la coupe géologique simplifiée de direction NO-SE de Vittel, sont représentées :
    . Les couches géologiques surmontant le socle de granite vosgien, elles sont toutes de l'époque du Trias (première époque de l'ère mésozoïque ou ère secondaire), les couleurs employées permettent de différencier les strates aquifères et les strates imperméables,
   . La faille de Vittel et les failles adjacentes,
   . Les gîtes des eaux thermales :
           - gîte A dans les dolomies du Muschelkalk supérieur,
           - gîte B dans les calcaires à entroques et les dolomies des Muschelkalk supérieur et moyen,
           - gîte C dans les grès.
   . La localisation des sources mises en bouteilles (traits verticaux bleus). Elles résultent toutes de forages à l'exception d'une des sources du Gîte A qui s'écoulait naturellement sur le sol en petites mares ; c'est d'ailleurs une de ces mares qui fut à l'origine de la station de Vittel quand Jean Bouloumié, venu à Contrexéville pour se soigner de coliques néphrétiques, la découvrit, en étudia l'action et se soigna. Au vu de l'amélioration de son état, il fit l'acquisition du terrain pour y fonder une station thermale.

De cette structure géologique découle la nature des eaux thermales (utilisées dans les thermes pour les soins) et minérales (consommées en boisson)

À SUIVRE.

lundi 29 septembre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (5)

SUITE DE L'ARTICLE PRÉCÉDENT

La deuxième allégation que l'on entend souvent concernant les cures thermales est qu'elles ne servent à rien, qu'elles ne sont aptes ni à guérir ni même à soulager les maux.

Cette allégation soulève une question très complexe à plusieurs points de vue :

   . D'abord, pour s'informer convenablement, il faudrait trouver une documentation objective ; cela est très difficile tant les positions des tenants des cures et de leurs adversaires sont éloignées et que chacun est convaincu d'avoir raison.

   . Ensuite, parce que les mécanismes d'action des eaux thermales et des médicaments dans le corps et dans la circulation sanguine sont à peine connus : on peut suivre à peu près correctement  la manière dont le médicament ou l'eau thermale passent dans la circulation sanguine ; par contre, après, on se trouve en terre quasiment inconnue.

   . En conséquence, le niveau d'efficacité tant des médicaments que des eaux thermales ne peut être mesuré que par des contrôles à-posteriori :
           - pour les médicaments, la méthode est bien connue : essais sur des personnes volontaires  qui acceptent de tester de nouveaux "principes actifs"  puis comparaison statistique des résultats obtenus avec ceux des molécules déjà mises sur le marché afin de déterminer si la nouvelle molécule est plus efficace que les anciennes et si elle a moins d'effets secondaires nocifs.
          - pour les cures thermales, le niveau d'efficacité est beaucoup plus difficile à mesurer : on ne peut le faire que par des études statistiques effectuées auprès de personnes ayant suivi une cure thermale ou auprès des médecins qui les soignent  sur l'évolution survenue de leur état de santé. Bien évidemment, il y a de gros risques de subjectivité dans les réponses données qui peuvent largement obérer le sérieux de ces analyses.

Avant de se résoudre à utiliser ces ressources statistiques, il convient  pour mieux les comprendre, de définir ce qu'est une eau thermale et de déterminer de la manière dont cette eau peut soigner. Pour cela, il faut faire appel à des notions de géologie, d'hydrologie et de chimie...

À SUIVRE.

dimanche 28 septembre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (4)

SUITE DE L'ARTICLE PRÉCÉDENT

Pour se rendre compte de ce dualisme entre soins et loisirs, il suffit d'entrer dans un établissement de thermes et en particulier à Vittel, établissement que je connais bien.

Passé le grand hall d'accueil, on va d'abord chercher son peignoir afin de se mettre en tenue de curiste. Ensuite un fléchage conduit soit aux soins, là où se déroulent les cures médicalisées, soit aux zones de détente et de loisirs qualifiés ici de "Thermal Spa". Le sigle affiché par le Thermal Spa est tout un programme : " forme et beauté"

Ce secteur du Spa est essentiellement fréquenté par des gens venus de l'extérieur et ayant pris un forfait de quelques jours ou d'un week-end. Dans cet endroit, l'eau thermale n'a qu'une très faible part dans les activités proposées, on ne la trouve que dans la piscine pourvue de jets et dans les jacuzzi ; toutes les autres activités n'ont rien à voir avec les pratiques thermales : outre les habituels sauna et Hammam, on trouve diverses formes de douches relaxantes et parfumées ainsi que de nombreuses cabines de massage qui permettent de se régénérer (1) (ou plutôt, selon moi, de se ravaler). Le prix élevé de ces pseudo-soins détermine la clientèle qui peut y prétendre.

On voit ces curistes arriver le samedi, tous en pleine forme, bronzés, venant passer un moment agréable. Pour eux, ce lien avec l'eau thermale qui servait d'alibi à la bonne société d'antan pour fréquenter les villes thermales,n'existe pas ; on pourrait d'ailleurs installer ce type de Spa n'importe où, sans lien avec de l'eau thermale, on y trouverait les mêmes massages, les mêmes activités et sans doute la même ambiance.

De l'autre côté du Thermal Spa se trouvent les installations de soins, là la clientèle est totalement différente : c'est un patchwork de gens abîmés par la vie ou par les excès commis antérieurement qui essaient de retrouver une meilleure santé : on y côtoie une majorité de personnes âgées, souvent des femmes, en surpoids et même obèses, marchant parfois avec des cannes, qui souffrent d'arthrose, de rhumatismes, et subissent toutes les pathologies liées à l'âge. il y a aussi des gens qui tentent d'atténuer, par la cure, les séquelles d'accidents subis. C'est une humanité souffrante qui peine à marcher, à monter les escaliers... Leurs conversations ne portent que sur leurs maux, chacun raconte ses maladies et tous expriment l'impression que la cure les fatigue mais leur fait du bien et atténue leur douleur.

Cette clientèle n'est pas fortunée, elle ne fréquente pas les grands hôtels ; les gens qui habitent loin trouvent des pensions de famille ou de petits hôtels tout simples pour les héberger pendant leurs trois semaines de cure, d'autres rentrent chez eux les soirs ; certains même s'installent sur les terrains de camping ou à l'hôpital (en cas d'obésité nécessitant un suivi constant avec nécessité de repas diététiques) (2)

Alors que le Thermal Spa est moyennement fréquenté,  cette partie des thermes fonctionne à plein, pratiquement toute la journée ; il y a même des semaines où les thermes affichent complet, c'est dire la confiance que les gens ont dans ces soins spécifiques.

Ainsi les cures thermales ne sont ni fréquentés par des nantis, ni par des gens venus en vacances, elles le sont par des malades qui espèrent, par l'eau, atténuer leurs maux.

À SUIVRE

(1) L'un de ces massages, " le Peel resufaçant, une peau plus nette comme rénovée après un soin seulement", témoigne du genre de clientèle qui fréquente ce Thermal Spa, des gens attirés par la mode de ce stupide sabir mélangeant mot anglais et mot français dénaturés et dont le "snobisme" confine au ridicule ! (J'ai cherché la signification du mot Peel, j'ai trouvé épluchure)

(2) indépendamment de ces remarques concernant les cures, je voudrais ajouter que,dans cette partie des thermes, les employés sont d'une gentillesse surprenante, les malades ne sont jamais traités comme des pions ou des numéros, on les appelle par leur nom et on les respecte. Le personnel est aussi aux petits soins pour eux, toujours de bonne humeur et soucieux de rendre service pour permettre à chacun d'accomplir sa cure dans les meilleures conditions possibles. Il se crée alors entre les malades et les employés une complicité qui donne envie de continuer à lutter contre la maladie. 

samedi 27 septembre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (3)

suite de l'article précédent

La vie mondaine ayant déserté les villes thermales, les grands hôtels sont soit en ruines, soit ont été démolis, soit ont été reconvertis :
   . à Contrexeville par exemple, beaucoup  ont été transformés en appartements et vendus par lots, un hôtel est devenu un lycée hôtelier, un autre accueille actuellement la mairie...
   . À Vittel, les hôtels les plus prestigieux ont été rachetés par une société privée de loisirs qui offre à ses clients toute une gamme d'activités (golf par exemple) sans aucun rapport avec le thermalisme, un autre hôtel est devenu l'hôpital local, un autre la mairie...

Les ruines du principal hôtel de MARTIGNY LES BAINS dans les Vosges témoignent de cette dégradation. : le grand hôtel de l'établissement a été amputé d'un étage puis abandonné, il n'en subsiste que les murs qui menacent de s'écrouler.

Les casinos existent toujours mais ils accueillent surtout une clientèle venue des villes avoisinantes, par contre, autant que j'ai pu le constater, on n'y voit guère de curistes.

De même beaucoup des villas construites à l'époque de la splendeur des villes d'eaux sont fermées et se dégradent lentement et sûrement.

Sous les pavillons où jaillissent les sources, toute vie conviviale et mondaine a pratiquement disparu, les gens viennent, pour beaucoup, remplir les bouteilles d'eau de leur consommation quotidienne.

Les thermes menacés de fermeture ont du s'adapter pour survivre. Elles le firent au moyen d'une double mutation de leurs clientèle :

      . elles se mirent à soigner les malades en faisant reconnaître la qualité de leurs eaux par les services publics afin de se faire agréer par la sécurité sociale pour traiter certaines pathologies. Cet agrément, est un double sésame :
           - il est communiqué aux médecins qui peuvent prescrite une cure de trois semaines adaptée à chaque malade,
           - il permet aux malades de demander une prise en charge de la cure par la sécurité sociale, ce qui ouvrit la pratique des cures à toutes les couches de la société.

     . À côté de cela fut conservé un secteur destiné à une clientèle riche de gens bien-portants, venus uniquement par souci de remise en forme, de bien être, de loisirs et de paraître. Bien évidemment, ce secteur n'est pas pris en charge ni par la sécurité sociale ni par les mutuelles ; sont-ils les héritiers de la bonne société qui venaient aux eaux au 19ème siècle? Absolument pas, car la notion de soins thermaux n'entre aucunement dans leur motivation.
À SUIVRE

vendredi 26 septembre 2014

IMPRESSIONS DE CURE THERMALE (2)

Je commencerai cette série d'articles par la dernière allégation, celle qui assimile curiste et nantis venus en cure pour passer des vacances. C'est d'ailleurs la plus facile à démolir car elle se réfère à une situation qui a disparu depuis presque cent ans.

L'utilisation de l'eau thermale remonte sans doute à la nuit des temps. Cependant  la mode des cures se développa principalement au 19ème siècle, selon moi, grâce à Napoléon III qui souffrant de ce qu'on appelait alors la maladie de la Pierre, cherchait désespérément une eau thermale qui pourrait l'apaiser. La présence de l'empereur dans les villes thermales suscita la venue de la bonne société qui prit coutume de " venir aux eaux".

Selon Ambroise Bouloumié, fils du fondateur des thermes de Vittel et son continuateur, la journée d'un curiste en 1875 se déroule comme suit : " le buveur se lève entre cinq et sept heures, descend aux sources et boit ses verres d'eau tous les quarts d'heure.. Le dernier verre est pris à 9 heures afin de pouvoir déjeuner à 10 heures. Après déjeuner, chacun dépouille sa correspondance et y répond, on lit les journaux, fait la sieste, va à la salle de jeu...

À trois heures, l'animation dans le parc recommence, le traitement reprend ses droits, il consiste à boire quelques verres d'eau. Après le dîner, une promenade d'une heure environ soit sur la terrasse du parc, soit en ville, précède généralement l'entrée dans les salons pour le théâtre, le bal.  À onze heures au plus tard, toutes les lumières sont éteintes."


Comme on le constate à la lecture de ce texte, les cures consistent essentiellement à boire de l'eau thermale.

Pour accueillir leur riche clientèle, les villes d'eaux s'équipèrent : les petites cabanes qui surmontaient les sources se muèrent en de magnifiques pavillons souvent grandioses. Sous ces pavillons somptueux, les curistes se rassemblaient pour boire l'eau chaque jour mais aussi pour discuter et se retrouver entre gens de la bonne société. Les pavillons de source devinrent le lieu par excellence de la sociabilité des villes d'eau de la "belle époque"

Tout autour des thermes , sont construits de beaux hôtels pour accueillir la riche clientèle qui vient parfois avec ses domestiques. Ce sont des édifices imposants pourvus d'une façade construite sur ossature métallique recouvert d'un parement de pierres ayant des allures néoclassiques ou éclectiques et dont l'architecture est à la mesure des clients qu'ils accueillent. Certains habitués  se firent même construire de belles villas entourées de parcs dont la magnificence tranchait singulièrement avec l'habitat traditionnel des autochtones.

De même, entre les prises d'eau, il fallait permettre aux curistes de mener la vie à laquelle ils étaient habitués, les villes thermales s'équipèrent dans cette perspective : grands parcs généralement à l'anglaise, hippodrome, kiosque à musique où se produisaient les harmonies locales ou les fanfares militaires, galeries servant de promenoir bordées de boutiques de luxe, stand de tir.... et surtout casino où se trouvaient outre des salles de jeux, des salons, des fumoirs, des bars, des salles de bal  et même des théâtres.

Aller actuellement en cure pour retrouver cette vie mondaine est impossible car elle a totalement disparu, au moins dans les stations thermales où je me suis rendu, depuis la première moitié du 20ème siècle.

jeudi 25 septembre 2014

IMPRESSIONS DE  CURE THERMALE (1)

Quand on annonce à quelqu'un que l'on part en cure thermale pour trois semaines, on constate généralement chez ses interlocuteurs trois types  de réactions : 

   . La plus constante est l'incrédulité : à quoi cela sert-il d'aller en cure ? La plupart des gens estiment en effet que seule la médecine chimique des laboratoires pharmaceutiques est efficace ; cette idée, également colportée par beaucoup de médecins, concerne non seulement les cures thermales mais aussi toutes les sortes de médecines qui sortent du moule  : acupuncture, homéopathie, ostéopathie..

   . Cette incrédulité se mue quasiment en colère quand ils apprennent que les cures thermales sont prises partiellement en charge par la sécurité sociale et par les mutuelles : ils prétendent que cela augmente encore plus le déficit de l'assurance maladie.

   . Enfin pour beaucoup de gens, une cure thermale est le fait de nantis, qui utilisent le prétexte des cures pour passer un séjour agréable dans un environnement dominé par les loisirs.

Bref, si j'associe tous ces lieux communs, je peux formuler l'aphorisme suivant : " un curiste est quelqu'un qui, sous prétexte de soins inutiles, prend des vacances aux frais de la sécurité sociale".

j'essaierai dans les articles qui vont suivre de donner mon témoignage à propos de ces accusations en le basant sur l'expérience que j'en ai...

mercredi 24 septembre 2014

LE SYSTÈME SERE DE RIVIÈRES  : LE FORT DE DOUAUMONT

Le plan présenté du fort de Douaumont montre bien l'unicité des structures des forts Séré de Rivières modifiés puisqu'on retrouve la même organisation que celle du fort d'Uxegney avec son tracé de fossé en polygone et son casernement enterré. 

Le plan ci-dessous présente néanmoins quelques différences par rapport à celui d'Uxegney :
  . L'entrée protégée par un coffre double située de part et d'autre de celle-ci,
  . La présence d'un sous-sol qui comporte, entre autre les citernes, essentielles en cas de siège prolongé,
  . La présence d'une rue circulaire tantôt à ciel ouvert, tantôt en galerie qui fait le tour du casernement et dessert les galeries menant aux coffres de contre-escarpe, aux tourelles et aux guérites.

1- coffre double de contre-escarpe,
2- coffre simple,
3- tourelle de 75 avec son observatoire,
4- tourelles de mitrailleuse et leurs observatoires,
5- casemates de Bourges,
6- entrée et casemates défensives de l'entrée,
7- casernement.
8- tourelle Galopin de 155,
9- chemin reliant entre elles toutes les parties du fort,
10- traverses-abris pour les munitions et pour les troupes,
11- parapet d'infanterie.

Les parties du casernement colorées en mauve correspondent au sous-sol avec citernes, divers magasins ainsi que quelques chambrées pouvant être utilisées en temps de guerre

Le dessin et la photo qui suivent montrent, à gauche, une reconstitution possible du fort et à droite, le fort en 1916  au moment où les français le reconquièrent le 24 octobre 1916 après sept mois d'occupation allemande.

Il convient de rappeler que, par le décret du 5 août 1915, il fut décidé le désarmement des forts. Cette décision fut inspirée  par le général Joffre pour au moins deux raisons :
   . Dans la nouvelle forme de guerre apparue depuis la fin de 1914, les forts ne servent plus à rien, en plus, ils monopolisent des moyens en hommes, matériel et armement qui seraient beaucoup plus utiles ailleurs.
   . La prise du fort de Manonvillers, proche de Lunéville a montré que les forts sont vulnérables et qu'il faut mieux ne pas compter sur leur efficacité.

En conséquence, le fort de Douaumont  fut vidé de tout son armement à l'exception des tourelles des canons de 155 et de 75 trop difficiles à démonter ; le fort qui pouvait accueillir de 500 à 800 hommes, fut laissé à une petite garnison. Celle-ci ne pût résister à l'attaque que les allemands lancèrent le 15 février 1916, ces derniers occupèrent le fort jusqu'à la reconquête effectuée par les français le 24 octobre .

Sur la photo aérienne, chaque cône renversé représente un cratère d'obus. Pourtant, malgré ce déluge de feu, des hommes ont continué à vivre dans la forteresse.  C'est dire la qualité et la solidité des forts du système Séré de Rivières !


mardi 23 septembre 2014

LE SYSTÈME SERE DE RIVIÈRES : LA PLACE-FORTE DE VERDUN.

La création de la place forte de Verdun dans le cadre de la fortification des frontières consécutive à la défaite de 1870, fut décidée à la fin de l'année 1873. Verdun se trouve située dans la vallée de la Meuse qui s'encaisse dans le revers de la côte calcaire. De part et d'autre de la vallée se trouvent donc des zones en surplomb qui constituent des sites idéaux pour la construction de forts. Le général Seré de Rivières prévoit la construction de 13 forts formant ceinture autour de la ville qui comporte déjà une citadelle construite à l'époque de Louis XIV.

Tandis que les travaux de terrassement commencent, une alerte en 1874-75 fait imaginer une attaque imminente de l'Allemagne, cinq redoutes sont construites en urgence dans l'entourage immédiat de la cité, elles sont dites "redoutes de la panique" ; complétées ensuite et qualifiées de forts, elles serviront de ceinture défensive intérieure mais ne présenteront guère d'intérêts stratégiques.

Les travaux s'échelonnent de 1875 à 1885 avec construction des treize forts prévus, que j'ai qualifié de "première génération".

La crise de "l'obus torpille" va conduire à la modernisation de la place-forte avec, dans un premier temps :
   . Le transfert des canons des forts dans 42 batteries d'artillerie  et 28 magasins d'armement.
   . La création du chemin de fer à voie étroite pour relier les forts. les ouvrages échelonnés sur la ceinture et la citadelle.
   . Le premier réaménagement des forts : protection des casernes par du béton spécial, remplacement des caponnières par des coffres de contrescarpe,
   . La construction de nouveaux forts dans les intervalles des anciens : les forts ayant désormais pour rôle dominant la protection des flanquements afin d'interdire à l'ennemi la traversée de la ceinture fortifiée, il faut qu'ils soient assez rapprochés l'un de l'autre, ce qui explique ces constructions nouvelles.

À partir de 1900 se produit la deuxième phase d'aménagement avec :
   - l'emploi du béton armé,
   - la construction de 46 tourelles à éclipse, de 23 casemates de flanquement (casemates de Bourges armées de canons de 75) et de 47 observatoires cuirassés. ..
 
Ces modifications furent menées dans la quasi totalité des forts de la ceinture extérieure, cela explique l'inexpugnabilité de la place forte qui sera manifeste lors de la bataille de Verdun.

lundi 22 septembre 2014

LE SYSTÈME SERE DE RIVIÈRES : un fort modernisé : UXEGNEY

Le fort d'Uxegney faisait partie de la place forte d'Epinal (voir les articles précédents consacrés au système Seré de Rivières) . Il a été construit de 1882 à 1884 antérieurement à la "crise de l'obus torpille" et il fut modernisé à partir de 1892 ; en 1914, cette modernisation qui n'était pas encore terminée, fut interrompue par la guerre.

L'étude des plans de ce fort permet de mesurer l'évolution survenue entre la première construction et sa modernisation.

Le premier fort comporte les éléments habituels à toutes les constructions du système Séré de Rivières : il est quasiment dissimulé sous un remblai de terre de protection, seuls apparaissent à l'air libre, les fossés, les deux cours ainsi que les façades des casernements des officiers de part et d'autre de la porte d'entrée, les façades des caponnières, des traverses-abris et les façades des bâtiments enterrés donnant sur la cour (dont les façades des chambrées des hommes de troupes) .

Le dessin ci-dessous présente la structure enterrée :
   1- infirmerie,
   2- commandant du fort,
   3- logement des officiers et mess,
   4- citerne,
   5.6- cuisines et réserves,
   7- magasin à poudre et casemates servant à l'armement (magasins et ateliers),
   8- chambrées des hommes de troupe et des sous-officiers,
   9- escaliers permettant de gagner les traverse-abris et les postes d'artillerie,
 11- caponnières,
 12- galeries reliant les caponnières à la partie centrale du fort.

Il existe aussi un télégraphe situé dans le tunnel d'accès de la porte à la cour.

Le deuxième plan représente les modifications du fort d'Uxegney dans le cadre de la modernisation qui s'est, comme ailleurs, déroulé en deux phases :
   . La première période est celle du béton spécial, de la création du chemin de fer aux voies de 60 et du transfert de l'artillerie et des magasins dans les intervalles.
   . La deuxième est celle des grands aménagements pour le réarmement.

1- deux des trois caponnières sont remplacées par des coffres de contrescarpe, l'un double, l'autre simple. Seule une caponnière (2) est maintenue sur le fossé de gorge. Ces coffres de contrescarpe sont reliés à la partie centrale du fort par des galeries souterraines (3) passant sous les fossés.

2-il apparaît une différenciation entre les chambrées de temps de paix (5) restées en maçonnerie et les chambrées de temps de guerre (4) couvertes de béton spécial puis de béton armé. Près des chambrées du temps de guerre se trouvent les cuisines (6). On trouve aussi une entrée de guerre accessible par les fossés en dessous de l'entrée normale.

Le fort a été équipé d'un certain nombre de tourelles et guérites cuirassées :
   . 7- tourelle de 155R mais dont le système de relevage du contrepoids moteur de la tourelle ne sera pas encore installé en 1914.
   . 8- tourelle de 75. Les monte-charges permettant de monter les obus dans la tourelle ne seront pas non plus installés en 1914.
   . 9- tourelles de mitrailleuses.
   .10- guérite et observatoires blindés.

11- de même ont été construites sur la terrasse qui recouvre le casernement, deux casemates de Bourges destinées à protéger les intervalles entre les forts.

12- le fort est aussi équipé d'une usine électrique comportant trois groupes électrogènes, chacun ayant une puissance de 12 KW  produisant du 110 volts pour l’éclairage et la ventilation des casernements. Cependant, l'installation électrique ne sera pas terminée en 1914.

13- les magasins à poudres et ateliers de préparation de l'armement ont été dispersés près des lieux d'utilisation.

dimanche 21 septembre 2014

LE SYSTÈME SERE DE RIVIÈRES : EXEMPLES DE TOURELLES.

UNE TOURELLE A ECLIPSE POUR DEUX CANONS DE 75R (raccourci) (portée de tir de 4,9 km, cadence de tir 11 coups par minute, fonctionnement au moyen de 15 servants)

(1) chambre de tir établie sur une colonne servant de pivot. Lors du tir, la chambre de tir se soulève jusqu'à découvrir la bouche du canon. Après le tir, la chambre de tir redescend en sorte que le dôme abaissé se raccorde aux avant-cuirasses qui l'entourent.

(2) la colonne-pivot est mobile dans le sens vertical, elle est mue par le mouvement d'un balancier (3) pourvu d'un contrepoids (4), elle est capable aussi d'effectuer une rotation pour pour positionner le canon selon l'objectif. Cette colonne est creuse et permet d'évacuer les fumées qui émanent du canon après le tir.

le contrepoids et la totalité de la structure (colonne-pivot et chambre de tir) possèdent le même poids et donc s'équilibrent si parfaitement qu'il suffit d'une manivelle (6) pour actionner la tourelle

(7) poste de commandement qui reçoit les informations et où se règle le tir (rotation des canons par pivotement de la chambre de tir toute entière, et angle de tir), là se trouvent des armoires (8)  où sont entreposées les obus, ceux-ci sont montés dans la chambre de tir par un système de type noria fixée sur la colonne centrale.

(9) escalier reliant la tourelle au casernement qui se trouve en contrebas

Ces tourelles à canon de 75 servaient surtout au flanquement des intervalles.

UNE TOURELLE GALOPIN À DEUX CANONS
La tourelle Galopin est inventée par le Commandant Alfred Galopin en 1889. C’est une tourelle à éclipse qui abrite deux canons de 155 de Bange sous un dôme d’acier de 5,5 mètres de diamètre et de 40 centimètres d’épaisseur. Son poids est de 200 tonnes. Il faut 4,5 secondes pour effectuer la manœuvre complète (sortir la tourelle, tirer, la rentrer),  la portée de tir est de 7,5 km, et on peut tirer deux coups à la minute.

La tourelle comporte trois étages, comme celle de 75 :
   . Une chambre de tir qui peut se lever et effectuer une rotation sur elle-même,
   . Un étage intermédiaire servant de poste de commandement,
   . Un étage inférieur pourvu du mécanisme.
Le poids très important de la tourelle nécessita la construction de deux balanciers comme on le voit sur le dessin.

   . 1 avant-cuirasse,
   . 2 dôme ici abaissé mais qui peut se soulever,
   . 3 canons,
   . 4 système permettant de régler la position du canon selon l'angle de tir,
   . 5 monte-charge permettant de monter les obus,
   . 6 Colonne-pivot de la tourelle permettant de faire monter la chambre de tir pour le tir,
   . 7 double balancier de levage de la colonne-pivot,
   . 8 contrepoids équilibrant exactement le poids de la tourelle,
   . 9 fosse du contrepoids,
   . 10 fosse dans laquelle se trouve le mécanisme du balancier et du contrepoids.


samedi 20 septembre 2014

LE SYSTÈME SERE DE RIVIÈRES : L'EVOLUTION DES FORTS APRÈS 1885.

La crise de "l'obus torpille" (1) rendit largement obsolète la première génération de forts qui se caractérisaient par des casernements en pierres de taille surmontés d'un remblai de terre formant une plateforme sur laquelle étaient établis les postes d'artillerie à l'air libre.

Structure des défenses d'un fort antérieur à 1885

Il fallut donc adapter ces forts au nouvel armement d'attaque : pour cela, il fut nécessaire d'obtenir des crédits supplémentaires mais aussi d'inventer les moyens techniques qui pouvaient permettre cette modernisation. En attendant, entre 1885 et 1895, les systèmes fortifiés furent aménagés selon une instruction ministérielle de 1887 et avec les moyens dont on disposait :
   . En premier lieu, on remplaça, au niveau des points les plus sensibles, la couche de terre surmontant les voûtes en maçonnerie par du béton dit spécial.
   . On retira les canons des plateformes des forts et on les installa sur des batteries d'artillerie dispersées au niveau des intervalles entre les forts, ce qui densifia la ceinture défensive ; on construisit aussi des magasins d'artillerie enterrés ainsi que des positions d'infanterie.
   . Pour permettre le ravitaillement de tous ces ouvrages dispersés tant en vivres qu'en munitions, il fallut créer un chemin de fer à voie étroite de 60 cm de large, où circulaient des locomotives Péchot à deux chaudières.

Les forts perdirent dans ces circonstances leur rôle primitif de défense de la place-forte : ils furent désormais utilisés seulement :
   . pour la défense des intervalles entre deux forts (tirs de flanquement) avec des pièces d'artillerie que l'on installa parfois dans des tourelles " cuirassées" (couvertes d'un dôme de fonte) selon un système apparu en 1875,
   . En tant que poste d'observation et de commandement.

À l'extrême fin du siècle, apparurent un certain nombre d'innovations qui vont permettre le réarmement des forts.

Ce réarmement s'effectue d'abord au moyen des tourelles cuirassées , le système inventé vers 1875 avec dôme de fonte ne sera pas généralisé car la fonte est jugée trop fragile pour résister aux obus.  Le cuirassement ne se développa vraiment qu'avec l'utilisation du fer laminé ou de l'acier.

C'est alors qu'apparaît la tourelle à éclipse qui se soulève pour permettre le tir et redescend immédiatement pour se raccorder au niveau du blindage de la calotte.

Ce type de tourelles comporte principalement trois variantes :
   . Les deux tourelles du commandant Galopin :
          . L'une, modèle 1890 à deux canons de 155 long, efficace mais très coûteuse,
          . L'autre datant de 1907 à un seul canon de 155mm raccourci. 12 exemplaires sont installées en 1914 sur les 22 prévues.
   . Des tourelles équipées de canons de 75 raccourci, 55 seront installées en 1914,
   . Des guérites et cloches blindées d'observation.

Il apparaît aussi des batteries-casemates, dit "casemates de Bourges" du nom du camp où elles furent testées, pourvues de deux canons de 75 :  elles ont pour mission de battre les intervalles entre chaque fort

À ce réarmement s'ajoutent de nombreuses autres innovations :
   . L'utilisation du béton armé plus solide et capable de résister aux obus de 270mm tout en étant d'une épaisseur moindre que le béton spécial, fut généralisé dans les forts modernisés.
  . Les magasins à poudre ayant montré leur fragilité, on les supprima en répartissant la poudre dans tout le fort et en créant des magasins enfouis (les magasins-caverne),
  . Les caponnières trop exposées sont remplacées par des coffres de contre-escarpe reliés au fort par des galeries passant sous le fossé.
  . On différencia les casernements de temps de paix et ceux du temps de guerre.
  . L'escarpe, trop vulnérable par des attaques de face, est remplacée par des glacis pourvus d'obstacles empêchant la progression d'assaillants.

1 voir mes articles précédents sur le système SERE DE RIVIÈRES (par les mots-clés)