REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

dimanche 31 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)

La même impression de beauté et d'harmonie devait être ressentie par les pèlerins quand, après une longue marche, ils arrivaient à Nazareth, lieu de l'Annonciation ; pour ces pèlerins, va commencer la seconde partie de leur trajet, celle de la vie terrestre de Jésus et de ses œuvres.

 La ville est étagée sur les flancs de la colline et on y distingue bien l'ancienne basilique. Actuellement une grande église moderne la remplace, elle surmonte les ruines de la maison (supposée) de Marie. Face à cet humble et simple édifice, on ressent une étrange impression et sans doute aussi les mêmes sentiments que ceux des pèlerins de l'époque des croisades.


Apres Nazareth, les pèlerins gagnaient le lac de Tibériade où ils pouvaient suivre pas à pas, en longeant la berge, les hauts faits de Jésus dans sa vie terrestre. Sur la gravure, les paysages respirent la paix, la sérénité et la quiétude, : un moutonnement de collines et de basses montagnes aux formes arrondies et douces, une corolle végétative autour des eaux calmes du lac créent les conditions de la réminiscence de tout ce qui se passa ici : la pêche miraculeuse, la tempête calmée, la multiplication des pains, la maison de Pierre, le sermon sur la montagne...

Paradoxe de cette époque et des mentalités croisés pour qui violence et sauvagerie sont de mise, les pèlerins entendent évoquer cette phrase des béatitudes  : " Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" !

Cette évocation des pèlerinages par les gravures anciennes est sans doute un peu trop idyllique, ils faudrait la corriger pour évoquer les conditions pratiques dans lesquelles ils s'accomplissaient : les longues marches, la chaleur (le trajet de Ramleh à Jérusalem se faisait de nuit pour y pallier), les possibles attaques des brigands, la fatigue et l'épuisement, les maladies, l'impossibilité de se rendre à certains endroits à cause de la guerre... Tous ces aléas doivent être cependant relativisés, d'abord parce qu'on voyageait en groupes dans lesquels la charité et la solidarité devaient jouer à fond, ensuite par le fait que les voies de pèlerinage étaient jalonnées de lieux d'accueil (monastères, hôpitaux) où l'on pouvait être hébergé, nourris et soigné, enfin et surtout parce que les pèlerins étaient animés par leur foi qui devait tempérer et même faire oublier la dureté des conditions de voyage.

samedi 30 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (80) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)



Le pèlerinage se poursuivait ensuite vers Bethléem où l'on priait sur le lieu de la Nativité puis vers Hébron où se trouvaient les tombes des prophètes. Ces deux villes, représentées par des gravures du XIXè siècle, étaient de petites bourgades de maisons cubiques blanches serrées les unes contre les autres pour se protéger des dangers et établis dans des vallées plantées d'oliviers et sans doute de cultures variées. Les pèlerins devaient, une nouvelle fois, ressentir la douceur et l'harmonie des paysages ainsi que la sensation d'être dans un monde très différent de le leur. Le dépaysement devait cependant être atténué par le fait qu'au dessus des maisons s'élevaient les clochers des églises qui remplaçaient à l'époque des croisades les minarets des mosquées que les gravures représentent.

Les bords du Jourdain étaient, comme je l'ai écrit, un lieu d'une grande importance pour les pèlerins qui viennent rituellement se baigner près du lieu où se produisit le baptême de Jésus. L'endroit est bucolique, l'eau et les arbres composent un paysage de quiétude et de paix. J'ai visité cet endroit il y a longtemps et j'ai ressenti la même impression de sérénité et d'apaisement que celle révélée par la gravure.

Il est facile d'imaginer la ferveur des pèlerins qui s'y baignent et renouvellent les engagements du baptême qui leur avait permis dès leur naissance d'entrer dans l'espérance de la vie éternelle. En ce sens, l'immersion dans les eaux du Jourdain allait de pair avec la prière au Saint-Sépulcre : l'une permettait la rémission des péchés, l'autre renouvelaient la promesse de la vie éternelle : pur de tout péché, le pèlerin était sûr d'obtenir son salut.

À suivre...

vendredi 29 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (79) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Pour illustrer  en quelques images les chapitres précédents concernant les forteresses des Etats francs de Terre sainte et les paysages des lieux saints, je n'utiliserai pas de photos actuelles car, selon moi, aucune de ces photos ne rend l'atmosphère si particulière de la Terre sainte. En outre,  les paysages ont été tant bouleversés par la civilisation moderne qu'ils ne signifient plus rien à l'exception toutefois des lieux saints proprement dits, conservés à l'intérieur des églises du  saint Sépulcre, de Bethléem et de Nazareth.

IMAGES DES PÈLERINAGES

Afin de tenter de retrouver les impressions mentales des pèlerins venant prier sur les lieux saints, mieux vaut se référer aux gravures et tableaux peints par des artistes du 19ème siècle, ils représentent en effet des paysages qui devaient largement ressembler à ceux de l'époque des Etats francs

Les pèlerins arrivaient à Jaffa ou à Acre. Ils avaient accompli un long trajet généralement maritime ; partis pour la plupart d'Italie du sud, il leur avait fallu plus d'un mois pour arriver en Terre Sainte. Ainsi Philippe Auguste, parti de Messine le 30 mars 119,  arrive devant Acre le 20 avril, le Cardinal Thiard Visconti se trouve à Acre quand il apprend qu'il a été élu pape (Grégoire X), il part d'Acre le 11 ou le 18 novembre 1271 et arrive à Brindisi le 1er janvier 1272, soit un trajet de 20 jours pour le roi de France et de 42 ou 50 jours pour le nouveau pape.

Les deux gravures (Jaffa de Woodward et Acre de Bartlett) représentent ces deux ports. Outre le soulagement d'avoir atteint la Terre Sainte, ce qui devait frapper les pèlerins en arrivant à Acre ou Jaffa, c'était la puissance des remparts bordant la mer et battus par les flots ; on devait ressentir un sentiment d'indestructibilité de ces murailles que la mer ne faisait d'effleurer sans pouvoir les détruire ; on avait aussi cette impression que rien ne pourrait chasser les francs de ces terres,  considérées comme conquises pour l'éternité. Puis ils rentraient dans le port et accostaient enfin ; la ville leur apparaissait alors avec ses petites maisons cubiques ; leur étonnement devait être grand face à ce paysage qui ressemblait un peu à l'Italie mais surtout manifestait le dépaysement de l'orient.

Puis les pèlerins s'organisaient pour le départ vers les Lieux-Saints. En général, ils s'agrégeaient à un groupe,  partaient à pieds accompagnés de quelques mules et  louaient souvent les services d'un guide local. S'ils étaient arrivés à Jaffa, ils se rendaient d'abord à Jérusalem. Les deux gravures (Miller 1860 et Stanfield 1852) présentent Jérusalem sans doute comme la virent les pèlerins du 13eme siècle

La vue générale est celle qu'ils aperçurent de la ville sainte depuis le mont des Oliviers, ils furent sans doute immédiatement saisis par la beauté du lieu et surtout par sa sacralité. En un regard, toute l'histoire sainte se déployait devant leurs yeux : l'esplanade du Temple, l'ancien dôme du Rocher, devenu une église que les francs avaient surmontée d'une croix, la Porte Dorée, encore ouverte à cette époque, par où Jésus serait entré à Jérusalem  le jour des rameaux et où il réapparaîtra pour le jugement dernier, le jardin des oliviers de l'agonie..

Le moment le plus fort du pèlerinage était bien entendu la visite au Saint-Sépulcre, quand les pèlerins arrivaient devant l'entrée que l'on aperçoit ci dessus, il est probable qu'ils devaient ressentir une forte émotion assortie d'une ferveur exaltée et d'une grande allégresse, ils étaient enfin arrivés ! Pourtant, autrefois comme aujourd'hui, ils ne pouvaient effectuer qu'un bref séjour devant la pierre sur laquelle fut, selon la tradition, déposé le corps du Christ, tant il y a de monde. Il est probable néanmoins qu'en sortant, beaucoup de pèlerins devait se sentir soulagés et heureux à la fois d'avoir accompli leur vœu et, en conséquence, d'avoir obtenu la rémission de leurs péchés. Ensuite, il leur était possible d'être hébergé à l'hôpital  des hospitaliers de saint Jean de Jérusalem qui se trouvait à quelques pas du Saint Sépulcre.

La représentation du saint Sépulcre sur cette gravure montre l'édifice après sa reconstruction terminée en 1149.

mercredi 27 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (78) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LA MISE EN DEFENSE DES POSSESSIONS ORIENTALES DU ROYAUME DE JERUSALEM (suite)

La SEIGNEURIE D'OUTRE-JOURDAIN était dans une situation très différente de la TERRE de SUETE au niveau de son système de défense comme au niveau de sa géographie.

Elle se déploie en bandes longitudinales avec d'Est en Ouest :
     . Le fossé d'effondrement qui se poursuit de la vallée du Jourdain à la mer Morte puis au Wadi Araba jusqu'à la mer Rouge. Dans sa partie nord, cette région était, à l'époque des croisades, bien cultivée.
     . A l'est de ce fossé se trouve le rebord de faille qui constitue un massif montagneux échancré de vallées courtes descendant vers le fossé.
     . Au piémont oriental de ce massif se trouve une bande nord-sud de zones cultivées au moyen de l'irrigation ainsi que des espaces propices à l'élevage.
    . Au delà, se développe un plateau qui descend insensiblement jusqu'au désert. Ce plateau devient de plus en plus aride vers l'est.

La Seigneurie d'Outre-Jourdain ne comportaient pas de villes et était peuplée essentiellement de semi-nomades, capables de se muer en pillards et dont il fallut contrôler les déplacements.

La frontière orientale présente les mêmes caractéristiques que la frontière sud du royaume, elle est imprécise et fluctuante, de ce fait, le système défensif comporte une chaîne de fortins et de forteresses d'arrêt destiné à stopper toute invasion. En ce sens, la Seigneurie d'Outre-Jourdain présente une situation très différente de celle de la TERRE DE SUETE qui pouvait compter sur l'arrivée rapide de l'ost venu de Galilée en cas d'invasion ; la seigneurie d'Outre-Jourdain ne possédait pas le même avantage : très éloignée du reste du royaume, ( il fallait pour y accéder contourner la Mer Morte)  elle ne devait compter que sur ses propres structures défensives.

On pourrait penser que cette seigneurie qui comporte en grande partie des déserts inhabités serait pauvre et de faible revenu, ce n'est cependant pas le cas car une route très importante la parcourt du Nord au Sud.

Cette route passe au pied des montagnes qui constituent le rebord de faille et correspond :
      - en premier lieu à une voie commerciale qui mène à la Syrie et à la mer Rouge  ; par là, passent les caravanes menant vers le Nord les produits venus des Indes, d'Afrique et d'Arabie,  passant par la mer Rouge et transitant à Eilat. En retour, les caravanes emmènent les produits des contrées septentrionaux vers l'orient.
     - En deuxième lieu, à la route des caravanes de pèlerins venus du nord se rendant puis revenant du pèlerinage à La Mecque et Medine. Ils arrivent par cette route jusque Eilat, prennent un bateau et débarquent à Djeddah.

Dans ces conditions, il est évident que les forteresses des francs et les fortins épars ont été établies le long de cette voie ou à faible distance de celle-ci. En effet, le seigneur d'Outre-Jourdain percevait un péage sur les caravanes, en échange, il devait assurer la sécurité sur leur parcours.

Ainsi les forteresses et fortins avaient un double rôle local :
     . Surveiller les mouvements des pillards venus de l'est,
     . Sécuriser la voie des caravanes tant de commerçants que de pèlerins.
A ce double rôle s'ajoutait une fonction d'ensemble qui était de constituer une marche frontière protégeant le royaume de Jérusalem en avant de la mer Morte.

Le seigneur d'Outre-Jourdain disposait également d'un revenu annexe sous forme d'un droit sur les flottilles de bateaux qui parcouraient la Mer Morte alors navigable, menant vers le nord les produits des oasis établies à la frange montagneuse du rebord oriental de faille.

La construction des forteresses importantes de la Seigneurie d'Outre-Jourdain est étroitement dépendante de la phase de constitution de la Seigneurie qui débute en 1116 :
     - en 1116, le roi Baudouin 1er effectue plusieurs expéditions pour réaliser la conquête de l'Outre-Jourdain, il arrive jusqu'au port d'ELATH qu'il fortifie et construit les forteresses de VAL-MOYSE située près de PETRA et du KRAK DE MONTRÉAL qui devient le centre de la seigneurie. Cette seigneurie est donnée en fief en 1118 à Romain du Puy mais celui-ci sera dépossédé de ses terres en 1132 par le roi Foulques pour cause de félonie.
     - le fief est ensuite remis à Payen le Bouteiller qui va faire construire la forteresse du KRAK DE MOAB (KERAK) en 1142 afin de protéger la partie nord de la seigneurie des incursions des nomades.
     - enfin, en 1162, un accord entre Baudouin II et Philippe de Milly seigneur de Naples (Naplouse) indique que le roi recevra tous les fiefs possédés par Philippe à Naplouse et Tyr ; en échange, Philippe recevra toutes les possessions royales outre Jourdain, ce qui unifie la seigneurie autour du même vassal. Philippe de Milly entrera dans l'ordre du Temple et il cédera la forteresse d'AHAMANT (Amman) à l'ordre dont il deviendra le maître.

Jusque 1170, la seigneurie d'Outre-Jourdain vit dans une paix relative : elle est, en quelque sorte, un no-man's-land entre deux Etats qui ne sont pas en bons termes, l'émirat de Damas sunnite et le califat fatimide d'Egypte chiite. D'ailleurs, aucun des deux Etats ne formule de revendications particulières sur ces territoires.

Tout va changer à l'époque de Nur al Din et surtout de Saladin qui prit le pouvoir en Égypte en abolissant le califat fatimide en 1171 etse rendit maître de Damas en 1174. Pour Saladin, la Seigneurie d'Outre-Jourdain était devenu un obstacle majeur pour l'unification de ses Etats. Pourtant il ne fut pas à l'origine de la guerre qui aboutit à la conquête de l'Outre Jourdain et au quasi-anéantissement du royaume de Jérusalem après la bataille de Hattin ;  celui qui en fut responsable fut un aventurier cupide et un brigand sans scrupules, Renaud de Châtillon.
   

mardi 26 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (77) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LA MISE EN DEFENSE DES POSSESSIONS ORIENTALES

les possessions du royaume de Jérusalem à l'est du Jourdain forment, comme il a été dit plus avant, deux excroissances : la TERRE DE SUETE et la SEIGNEURIE D'OUTRE-JOURDAIN. Chacune possède ses spécificités et sont très différentes l'une de l'autre.

La TERRE DE SUETE est une région peuplée comportant de nombreux villages. Elle constitue une sorte de marche frontière en tant que position avancée du royaume de Jérusalem face aux positions damascènes et à Damas qu'elle menace directement. En conséquence, sa frontière est fluctuante dépendant des rapports de forces entre le roi de Jérusalem et l'atabeg de Damas.

Cette caractéristique a pour conséquence le fait qu'on ne trouve pas dans cette terre de Suete  de grandes forteresses ; la seule que les francs tentèrent de construire fut démantelée avant son achèvement ; en effet, la construction d'une grande structure prend beaucoup de temps et pendant cette période, elle est vulnérable aux attaques. Dans cette région peuplée, il était préférable, pour contenir une attaque ennemie, de compter sur un maillage assez dense de nombreux petits fortins d'arrêt entourés d'un lacis de villages fortifiés appelés casal.

Le rôle militaire de ces fortins est néanmoins limité : elles ne servent qu'à arrêter l'ennemi en attendant l'arrivée de troupes venues du royaume. La terre de Suete est en effet proche de la Galilée et d'ailleurs, elle est possession de son prince. En cas d'attaque, ces fortins peuvent contenir l'avancée de l'ennemi en attendant l'arrivée de l'ost princier.

Ces petites structures sont de trois sortes :
     . Des tours-donjons établies sur des hauteurs réputées  inaccessibles,
     . La réutilisation de ruines antiques ( temple de Zeus à Jerash par exemple)
     . Des châteaux troglodytes dans les grottes des versants.

A ce rôle militaire limité s'ajoutaient deux autres fonctions plus immédiates :
     . Imposer et affirmer la souveraineté des francs sur les villages,
     . Assurer la sécurité moyennant péage des caravanes parcourant le pays sur la grande voie qui mène de Syrie à l'Arabie et à l'Egypte.

lundi 25 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (76) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

 Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières (suite)

La frontière sud.

La défense  de la limite sud du royaume de Jérusalem n'était pas organisée selon nos concepts actuels, on ne pouvait en effet pas parler de frontière fixe mais plutôt d'un glacis aux limites imprécises et fluctuantes : cette caractéristique s'explique sans peine : le sud du royaume est constitué d'un désert coupé seulement de quelques oasis dans lequel une limite frontalière est exclue à cette époque,

Ces caractéristiques expliquent la manière dont est organisée la défense de cette partie du royaume : elle se compose de forteresses verrouillant les voies d'invasion possible et permettant de lancer des offensives vers le sud.

Une telle structuration de l'espace qui avait été réalisée pour le siège d'Ascalon était parfaitement adaptée à la défense du sud du royaume, ce qui explique qu'elle n'a pas été ni modifiée ni même complétée :
     . IBELIN  (11) gardait la route côtière au nord.
     . GAZA (12) et DARUM (13) contrôlaient la voie littorale provenant d'Égypte, barraient toute incursion provenant du sud mais aussi permettaient aux francs de lancer des attaques contre l'Egypte.
     . BETHGIBELIN (10) et  BLANCHE GARDE (9) puis au delà, le TORON DES CHEVALIERS (4) protégeaient la route  partant de Gaza vers Jérusalem et Hebron.

La partie Sud-Est du glacis frontalier au delà d'Hebron ne disposait que quelques postes de défense échelonnés sur la piste qui part d'Hebron, contourne la mer Morte et se continue dans la Seigneurie d'Outre-Jourdain ; cette quasi-absence de système défensif s'explique sans peine :
     . D'abord, on se trouve dans un désert à l'écart des voies de communication et d'invasion, la route par où les armées fatimides attaquaient était essentiellement celle du littoral.
     . Ensuite, cette zone était englobée dans les Etats francs puisque la Seigneurie d'Outre-Jourdain se déployait largement à l'est de la mer Morte. La ligne défensive était donc reportée plus à l'Est.

dimanche 24 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (75) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

 Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières (suite)

La partie centrale du royaume de Jérusalem 


En arrière du littoral à l'ouest et de la route Jérusalem-Nazareth se trouve une ligne intermédiaire de châteaux comportant deux tronçons :
     . Dans sa partie sud, ont été construites  des forteresses au niveau du piémont montagneux ; elles  peuvent constituer une seconde ligne de défense du littoral, cependant leur rôle primordial semble être plutôt de former le centre des seigneuries que les francs se sont constitués et qui dominent la plaine où sont établis les villages et terres assujetties. C'est le cas pour le château de MIREBEL (37), de CACHON (38) ou de CALENSUE (38) qui fut cédé ensuite aux Hospitaliers. Gardant la route de Naplouse à Cesarée se trouvait le CASTELLUM AERAE (39) appartenant aux templiers.
     . Le deuxième tronçon correspond à la vallée de l'Esdrelon qui est située entre les monts Carmel au sud et les derniers contreforts du mont Liban au nord. Cette plaine se termine par une large baie entre Haiffa et Acre. Ont déjà été cités les deux forteresses templières de SAFRAN (21) et de SAPHORIE (20) au nord de la plaine, protégeant la route des pèlerins de TIBERIAS (17) à ACRE. Au sud de la plaine se trouve, entre autre, le château de LA FEVE (40)

Ainsi, dans cette partie centrale apparaissent nettement cinq bandes longitudinales :
     . La bande littorale associant ports fortifiés et forteresses qui gardent la route longeant le rivage.
     . Une bande établie au niveau du piémont des monts de Judée comportant des châteaux qui forment  le cœur des seigneuries se développant en contrebas.
     . La voie des pèlerins de Jérusalem à Nazareth protégée par quelques fortins.
     . La ligne de forteresses au niveau des voies de passage possible à travers les monts de Judée.
     . La ligne naturelle des crêtes des mont de Judée et du Jourdain.

samedi 23 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (74) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières 

La protection de la Galilée et du nord de la Judée 

Cette zone qui jouxte l'état de Damas est une des plus sensibles du royaume par le fait qu'on y trouve les seules voies de communication entre le royaume franc et l'émirat voisin, ces voies de communication devenant épisodiquement des routes d'invasion et d'incursions dans un sens ou dans l'autre. Hormis dans cette région, la protection du Nord du royaume de Jérusalem est assurée par les reliefs naturels, mont Liban au nord et monts de Judée au sud.

Une première voie de passage est constituée par une dépression qui sépare la Haute-Galilée de la Basse. Elle est parcourue par une voie importante partant d'Acre et conduisant à Damas en passant par un gué sur le Jourdain appelé le GUÉ DE JACOB. Ce chemin qui servait aussi aux pèlerins était gardé par la puissante forteresse de SAFED (19) construite dans les années 1100 et cédée aux templiers en 1168.

Pour les templiers, cette forteresse ne suffisait pas, c'est pourquoi l'Ordre décida en 1178 d'en construire une nouvelle plus l'est, au niveau même du fleuve et du GUÉ DE JACOB, LE CHASTELET. (25) La construction de ce château  posa problème au roi de Jerusalem Baudouin V (roi de 1183 à 1186) qui avait, à l'époque, signé une trêve avec Saladin. Ce dernier était en pleine constitution de son état, il s'était rendu maître de l'Egypte en mettant fin au califat fatimide en 1171, il s'était emparé de l'émirat de Damas en 1174 puis avait entamé la conquête de l'émirat d'Alep en s'emparant de Homs et de Hama ; la construction du CHASTELET risquant de faire rompre la trêve, le roi de Jérusalem  était venu avec l'ost royal protéger la construction.

Au sud du lac de Tibériade,  le long du Jourdain se trouvent deux forteresses :
     . LE BESSAN, (26) la première de Galilée, construite par Tancrède à qui Godefroy de Bouillon a concédé le titre de prince de Galilée et qui devait conquérir son fief. Ce château servait à la fois de refuge et de base de départ pour des razzias à l'Est du Jourdain.
     . Beaucoup plus importante pour la défense du royaume était la forteresse de BELVOIR (27) tenue par les Hospitaliers et située au débouché d'un pont  sur le Jourdain, appelé pont de la Judaire. Outre ce passage sur le Jourdain, le château, situé sur un promontoire, surveille la route qui part de Tibériade et permet de gagner le BESSAN et Naplouse(13)

En haute Galilée, on trouve d'abord en remontant vers le Nord, les trois forteresses qui ont servi à la prise de Tyr en effectuant un blocus terrestre autour de la cité et en contrôlant les voies de communication qui aboutissaient la ville : CHASTEL IMBERT (28), SANDELION (29), LE TORON (30).

 A ce niveau, le prince de Galilée voulut étendre sa domination vers l'est, il s'empare en 1129 de BELINAS (31), l'ancienne Cesarée de Philippe, il construisit pour contrôler la région et barrer la route à une invasion venue de Damas la forteresse de SUBEIBE (32) sur les dernières pentes du mont Hermon. Cette conquête fut cependant éphémère : dès 1140, la zone est perdue pour le prince de Galilée ; ces événements sont exactement semblables à ceux qui eurent lieu dans le comté de Tripoli avec la prise de Rafanée, la construction de Montferrand et la perte de ces deux sites.

Il fallut reporter la défense le la région plus à l'ouest avec la construction de CHATEAUNEUF (33) par le sire de Toron.

Plus au nord, se trouve la vallée du Litani, ce fleuve coule du Nord au Sud empruntant la vallée de la Beqa puis il oblique à angle droit et se jette dans la mer au nord de Tyr. Cette voie possible d'attaque est gardée par la puissante forteresse de BEAUFORT (34) , elle est établie sur un promontoire suffisamment élevé pour que du haut, on aperçoive la mer. Le château appartenait à l'origine à l'émirat de Damas, il fut abandonné au roi Foulques de Jérusalem par l'atabeg de Damas puis concédé au sire de Sagette qui le fit reconstruire.

Au nord de la vallée du Litani, se déploie la partie du mont Liban formant une barrière massive et peu franchissable, avec de courtes vallées  comme celle du Nahr Aouli ; deux forteresses ont été construites pour surveiller cette vallée : BELHACEM (35) établie sur le versant escarpé d'un coude de la rivière et le château troglodyte de CAVE DE TYRON (36).

vendredi 22 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (73) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses bordant les chemins de pèlerinage (suite)

De Jérusalem, les pèlerins se rendaient aussi vers la Galilée pour y prier aux endroits les plus importants de la vie et de la prédication de Jésus . Le chemin passe d'abord près du MONT DE LA TENTATION (12) gardé par une tour appartenant aux templiers, puis les pèlerins prennent la route de NAPLES (Naplouse) (13) A quelques distances de cette ville, ils peuvent se rendre au PUITS DE JACOB où Jésus rencontra la samaritaine. Ensuite, le chemin passe par la ville de SÉBASTE (14), l'ancienne Samarie dans laquelle ils prient sur la tombe de saint Jean le Baptiste ; c'est ensuite NAZARETH (15) avec la possibilité pour les plus valides de monter en haut du MONT THABOR, là où eut lieu la transfiguration (selon certains la transfiguration aurait eu lieu au mont Hermon, dans cette hypothèse, le mont Thabor aurait été le lieu du sermon sur la montagne : il convient de ne pas en tenir compte, ce qui est important, c'est ce que les pèlerins pensaient)

Cette partie de la route n'est gardée par quelques fortins et casaux ( villages fortifiés), cela s'explique par le fait qu'elle est relativement sûre :
     . elle longe en effet sur le haut versant des monts de Judée, montagne massive et retombant en un versant abrupt sur la vallée du Jourdain, ce qui exclut toute attaque de ce côté,
     . elle est protégée à l'est par de grandes forteresses établies aux lieux  stratégiques où se trouvent les rares lieux de passages possibles et à l'ouest par une ligne de fortins situés au pied des monts de Judée et que j'évoquerai dans le cadre des forteresses gardant les frontières et les points stratégiques.

Après Nazareth, les pèlerins se rendent à au lieu présumé des noces de CANA (16) (où Jésus transforma l'eau en vin) puis ils arrivent sur la voie menant vers TIBERIAS (17) et suivront les rives du lac jusque MAGADA ( Jésus y remis ses péchés à Marie Madeleine), TAGBHA ( mont des béatitudes où Jésus fit son sermon sur la montagne et enfin CAPHARNAÜM. (18) au cours de ce périple, ils pourront prier sur les lieux où Jésus fit de nombreux miracles et où se trouvaient les maisons de la plupart des apôtres dont saint Pierre.

Comme pour l'étape précédente, on ne trouve pas de grandes forteresses sur cette partie de l'itinéraire, le lac de Tibériade est en effet une zone bien protégée par les francs :
      . A l'est, se trouvent la TERRE de SUETE qui constitue un glacis de protection,
      . Au nord comme au sud du lac de Tibériade se trouvent de puissantes forteresses qui gardent les gués sur le Jourdain et la frontière.

Les pèlerins prennent ensuite le chemin du retour, plusieurs chemins sont possibles : de TIBERIAS, on peut remonter vers le Nord pour rejoindre la route d'Acre mais on peut aussi prendre une route plus au sud qui aboutit au littoral. Sur ces deux routes se trouvent des forteresses :
     . Sur la route du Nord se trouve SAFED (19), forteresse  des templiers dont le rôle premier est de surveiller la route de Damas,
     . Sur la route plus au sud se trouvent deux châteaux : SAPHORIE (20) (non loin de là se rassemble l'ost royal pour des opérations en Galilée) et LE SAFRAN (21) tous deux possessions  de l'ordre du Temple.

Une fois sur le littoral,  les pèlerins peuvent emprunter la route côtière, ce qui permet de passer par le MONT CARMEL (22). Sur cette route côtière, un seul point est dangereux : un étroit défilé au sud de Caiffa à l'endroit où les derniers contreforts du mont Carmel bordent le littoral qui fut longtemps un repaire de brigands détroussant les voyageurs. Pour la protection de ceux-ci, les templiers  construisirent la TOUR DU DÉTROIT (23), plus au sud se trouve un autre château appelé LE MERLE (24) avec le même rôle de protection.

Ces itinéraires que je viens de citer sont effectués par la plupart des pèlerins mais avec des variantes :
    . On peut choisir tout ou partie de ces chemins de pèlerinage selon ce que l'on ressent,
    . Il est aussi possible de faire l'itinéraire à l'envers, en partant d'Acre puis en se rendant en Galilée puis en descendant jusqu'au Saint-Sépulcre et à Bethleem. Ce type de circuit sera de plus en plus utilisé au 13e siècle quand, après Hattin, Jérusalem sera perdu.
    . Enfin, les guerres et incursions venues de l'Est empêchent de se rendre dans certains endroits trop dangereux au niveau de la sécurité.

mercredi 20 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (72) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses qui se trouvent dans le royaume même peuvent être classées en deux grandes catégories :
      . Les forteresses qui jalonnent, contrôlent et surveillent  les itinéraires de pèlerinage,
      . Les forteresses qui protègent les frontières,

Les forteresses gardant les chemins de pèlerinage

Une grande majorité des pèlerins arrive en terre sainte au moyen des bateaux italiens de Venise et  de Gènes. Il existait deux ports principaux de débarquement, JAFFA et ACRE ; le premier fut surtout utilisé dans les premières années du royaume, le second sera le lieu d'arrivée de la très grande majorité des pèlerins au 13e siècle. En conséquence, l'itinéraire du pèlerinage peut se faire dans les deux sens selon le lieu de débarquement.

Je prendrai ici l'exemple d'un pèlerin qui débarque à Jaffa.

 il est très rare que des pèlerins accomplissent leur périple seul, ils cheminent par petits groupes et prennent souvent un guide, ce qui conduit à ce que les itinéraires tendent à se figer avec un cheminement qui est quasiment le même pour tous.

A partir de Jaffa, les pèlerins se dirigent vers LYDDA (1) (où ils vénèrent saint Georges) puis vers RAMLEH (2). Ensuite, la route se scinde en deux tronçons chacun défendu par une puissante forteresse établie au niveau des défilés qui permettent la traversée des monts de Judée.
     . Sur la route du Nord se trouve CHASTEL HERNAUT. (3) Cette forteresse de l'époque de Baudouin 1er fut détruite avant d'être terminée par une attaque conjointe des garnisons Fatimides d'Ascalon, de Tyr, Sidon et Beyrouth. Elle fut reconstruite par les habitants de Jérusalem et fut confiée aux templiers par le roi de Jérusalem en 1179
     Sur la route du Sud se trouve le TORON DES CHEVALIERS (4)  qui sera donné aux templiers en 1229, postérieurement à la bataille de Hattin. Cette forteresse est établie à un croisement entre la route qui mène à Jerusalem et celle d'Ascalon, c'est sur cette derrière route que se trouve BLANCHE GARDE et BETHGEBELIN. Un plus loin sur la route de Jérusalem, se  trouve BELMONT confié aux Hospitaliers.

Apres avoir accompli leur pèlerinage à JERUSALEM , les pèlerins peuvent se rendre vers le sud ou remonter vers la Galilée.

Au sud se trouvent Bethanie, BETHLEEM, (5) puis  HEBRON (avec la tombe des patriarches et de leurs femmes : Adam Abraham, Isaac, Jacob, et l'endroit où aurait été façonnés Adam et Ève) ; certains peuvent ensuite gagner LE MONT SINAÏ et le monastère sainte Catherine. Sur ce parcours, on ne trouve que de petits fortins, en effet, cette route ne nécessite pas de protection importante , elle est bordée par la mer Morte et se dirige vers le désert, hors des voies habituelles d'invasion.

Un autre itinéraire se dirigeait vers le Nord-Est en passant par JERICHO (6). Le but est d'arriver au Jourdain sur le lieu où Jésus aurait été baptisé par Jean le Baptiste. Les pèlerins se baignent dans l'eau du fleuve (7),  comme s'ils voulaient renouveler leur propre baptême.

Cet itinéraire était protégé par la forteresse de MALDOUIN (8) ainsi que par la  TOUR DU BAPTÊME sur le Jourdain. Ces deux  lieux fortifiés étaient aux mains des templiers.

mardi 19 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (71) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Suite de l'article précédent

En 1124, seule la cité d'ASCALON etait encore aux mains des Fatimides d'Egypte.  De ce poste avancé de leurs positions, les Fatimides lançèrent de vastes opérations militaires sur le royaume de Jérusalem en 1101 et 1102 vers Jaffa, 1105 vers Ramla, 1106 vers Jaffa de concert avec les garnisons de Tyr, Sidon et Beyrouth, 1107 vers Hébron, 1124 lors du siège de Tyr pour faire diversion. En 1115 et 1125, les Fatimides lançèrent une expédition combinée associant armée et flotte de guerre vers Jaffa. Ces expéditions échouèrent et en 1123, la flotte égyptienne fut détruite par celle de Venise...

A ces incursions s'ajoutaient les raids menés par  la  garnison d'Ascalon : relevée tous les trois mois, elle avait pris l'habitude dès son arrivée de lancer un raid  sur la partie méridionale du royaume, ce qui rendait peu sûre la région et créait un climat périodique d'insécurité.

Les rois de Jerusalem décidèrent la construction de forteresses autour des voies d'accès menant  à Ascalon dans le but de :
    - contrer toutes les incursions de la garnison de la cité et les expéditions militaires égyptiennes,
    - sécuriser la campagne au sud du royaume,
    - couper Ascalon de ses bases d'approvisionnement égyptiennes et empêcher toute venue de renforts terrestres en l'encerclant par la terre.

Les rois de Jerusalem firent d'abord ériger trois forteresses, toutes semblables comportant un donjon et une courtine carrée pourvue de quatre tours d'angle.
     - BETHGEBELIN sur la route menant à Hebron, (saint Abraham)
     - BLANCHE GARDE sur la route menant à Jérusalem,
     - IBELIN sur la route menant à Jaffa.

Il ne restait plus qu'à barrer la route menant d'Ascalon à l'Egypte qui pouvait permettre l'arrivée de renforts par voie de terre, ce fut réalisé par la prise de GAZA en 1150 sous le règne de Baudouin III. La ville était alors en pleine décadence et désertée par ses habitants, elle fut facilement conquise et fut laissée aux templiers, à charge pour l'ordre de créer une forteresse.

Enfin, en janvier 1153 le roi investit ASCALON en effectuant un siège terrestre et maritime. Du côté de la terre, fut construite une grande tour de siège. L'arrivée d'une flotte égyptienne de 70 navires permit la levée du blocus maritime des francs. Les défenseurs de la cité, encouragés par cette bonne nouvelle, amassèrent entre la tour et la muraille des sarments recouverts d'huile et de poix, afin d'incendier la tour franque ; mais le vent dévia les flammes sur les remparts de la ville et une partie de la muraille s'écroula. Les templiers décidèrent seuls de s'élancer par la brèche apparue, ils furent vaincus et leurs quarante têtes dont celle du maître de l'ordre Bernard de Tremelay  furent exposées en haut des remparts !

Enhardis par ce succès, les assiégés tentèrent une sortie mais ils furent battus, ce qui amena la cité à capituler  le 19 août 1153 contre la promesse d'avoir la vie sauve, ce que les francs acceptèrent.

Vers le sud, une dernière forteresse fut construite en 1170 à l'extrême limite des possessions territoriales du royaume de Jerusalem, DARUM. Cette forteresse servait à empêcher les éventuelles incursions de l'armée fatimide mais surtout, elle avait pour but de préparer l'invasion de l'Egypte que réalisa le roi Amaury. (1)

(1) j'ai classé les forteresses construites pour la conquête des ports dans la catégorie des forteresses littorales mais elles auraient pu être mises dans la catégorie des moyens défensifs de l'arrière pays. Ce choix s'explique par le fait qu'elles furent construites pour la conquête du littoral et non pour la garde des routes du royaume. Il va de soi que ce dernier rôle existait aussi. 

lundi 18 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (70) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Les forteresses littorales (suite)

TYR est construit sur un îlot relié à la terre par un long cordon sableux. Elle est puissamment fortifiée et semble imprenable d'autant qu'il est impossible d'installer des machines de guerre sur le sable.

Possession des Fatimides et voyant que ceux-ci ne la secourait pas, la cité se donna à l'atabeg de Damas, Tughtekin qui envoya des renforts. La garnison de Tyr multiplia les raids dans la campagne de Galilée qui fut ravagée.

Les francs répliquèrent par la construction des forteresses de SCANDELION, CASAL-IMBERT et LE TORON. Elles avaient trois buts :
     . sécuriser la campagne en la protégeant des raids venus de Tyr,
     . servir de base de départ pour la conquête de la cité,
     . couper la ville de ses communications avec l'extérieur en contrôlant les routes d'accès qui pourraient amener des renforts : la route du sud et surtout la route Tyr-Damas par laquelle Tyr pourrait recevoir des troupes envoyées par l'atabeg de Damas.

Un premier siège fut tenté en 1111-12 mais l'arrivée de l'armée de Tughtekin obligea le roi Baudouin 1er à le lever. Le second siège débuta en février 1124. Il fut mené conjointement par l'ost royal et par une flotte vénitienne. Pour tenter de le faire lever, la cité d'Ascalon organisa une manœuvre de diversion en lançant une offensive sur Jérusalem . Parallèlement, l'atabeg de Damas vint avec son armée aux portes de Tyr, cependant le blocus tint bon et Tughtekin accepta la reddition de la ville en juillet 1124.

dimanche 17 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (69) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Les forteresses littorales du royaume de Jérusalem 

La première croisade, rappelons-le avait suivi la route littorale au printemps 1099, mais pressée d'en finir et de délivrer au plus tôt le Saint-Sepulcre, elle s'était contentée de passer sans se préoccuper de soumettre les nombreux ports qui s'égrènent le long de sa route. Seul JAFFA, exutoire portuaire de Jérusalem , avait été conquis et permettait de relier les croisés à l'Occident.

Certaines de ces cités portuaires s'étaient alors calfeutrées derrière leurs remparts, espérant que les croisés ne feraient que passer tandis que d'autres avaient offert de leur faire allégeance si toutefois la croisade s'emparait de Jérusalem , ce fut par exemple le cas de Barut ( Beyrouth), de Sidon, d'Acre et de Cesarée.

La création d'un système défensif littoral fut étroitement dépendante de la conquête pendant laquelle s'établit une distinction entre les ports anciennement fortifiés où les francs se contentèrent de renforcer les murailles et les forteresses construites de toute pièce.

Dès les premières années qui suivirent la création du royaume de Jérusalem sont effectuées la plus grande partie des conquêtes : Haiffa en 1100, Arsur et Cesarée en1101, Acre en 1104, Barut (Beyrouth) et Sagette (Sidon ) en1110.

Pour les croisés, la tâche fut relativement aisée : ces cités étaient alors sous l'obédience théorique des Fatimides d'Egypte, trop lointain pour intervenir, elles connaissaient la cruauté des croisés et firent obédience. La conquête fut facilitée aussi par la présence des flottes italiennes de Gènes et de Venise ; l'ost royal ne pouvait en effet investir la cité portuaire à conquérir que par la terre, ce qui laissait libre la possibilité aux assiégés de s'approvisionner par voie maritime. La présence des flottes italiennes permettait d'effectuer un blocus complet. Il va de soi que cette participation eut sa contrepartie, les villes italiennes reçurent de nombreux privilèges dans les villes conquises.

Cette conquête fut réalisée au détriment des accords passés antérieurement, l'exemple de Cesarée est à cet égard significatif : les croisés avaient signé une trêve lors de leur passage en 1099, elle était assortie des conditions habituelles : allégeance, lourd tribut en argent ou en approvisionnement. En 1101, le roi Baudouin 1er reçut de la cité une demande de renouvellement de la trêve, il la refusa, préférant la conquérir. L'aide d'une flotte génoise permit à ce dessein d'aboutir. Gènes pour prix de cette aide, reçut 1/3 de la ville. Plus tard, fut construire près du port une petite forteresse, le Merle, destinée à la fois à surveiller le port mais aussi à contrôler le comté de Cesarée qui s'était constitué.

Cesarée est typique de la double évolution qui se produisit un peu partout :
     . on passa rapidement de la situation de trêve qui maintenait les anciens dirigeants à celle de conquête préludant à la constitution d'un fief.
     . Il se créa une association port et ville fortifiée-forteresse-seigneurie.

Apres 1100, l'ensemble du littoral est aux mains des francs à l'exception toutefois de deux ports importants, Tyr et Ascalon.

À suivre...

samedi 16 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade  (68)  : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des Etats francs.

LES FORTERESSES DU ROYAUME DE JERUSALEM

Le royaume de Jérusalem présente la même configuration géographique que les deux états francs septentrionaux avec d'Ouest en Est, une succession semblable de reliefs en bandes longitudinales comme il est noté sur la coupe ci-dessous :

     - A : une plaine littorale qui s'élève insensiblement vers l'Est pour atteindre une ligne de crête montagneuse culminant à plus de 1000m. C'est sur les parties hautes de ce versant que se trouvent les principales villes : Jérusalem , Hebron, Naples (Naplouse),
    - B : un versant abrupt correspondant à la faille,
    - C : un profond fossé d'effondrement ( la fosse syrienne) parcouru par le Jourdain qui forme le lac de Tibériade et se jette dans la mer Morte.
   - D : le rebord occidental de la faille, formant une nouvelle crête montagneuse,  
   - E : à l'Est de la crête se trouvent de vastes plateaux.

Sur la carte ci-contre, ne sont figurées que les lignes principales de relief. Les montagnes sont assez massives et forment une barrière continue, c'est le cas des mont Liban (1) et des monts de Judée  (5) et cela explique qu'on ne trouve que deux trouées transversales :
     . Au niveau de Tyr avec une trouée (2) entre le mont Liban et les collines de Galilée empruntée par le fleuve Litani et qui conduit à la haute vallée du Jourdain,
     .  Au niveau d'Acre-Haiffa une trouée (4) limitée au sud par le Mont Carmel puis par les montagnes de Judée. cette trouée permet de rejoindre le lac de Tibériade.

En ce qui concerne le lacis de forteresses, on retrouve la même répartition que dans les forteresses de la principauté d'Antioche et du comté de Tripoli  mais avec deux particularités notables :
     . Le royaume comprend l'ensemble des lieux saints, cela explique la présence de nombreuses forteresses sécurisant  et surveillant les voies de pèlerinage. Elles sont souvent construites par l'ordre du Temple qui avait reçu, lors de sa fondation, ce rôle de protection des pèlerins.
     . Le royaume de Jérusalem, à la différence des deux Etats septentrionaux, possède un hinterland étendu sis-Jourdain. Les francs ont conquis de vastes domaines au delà du fossé d'effondrement formant deux ensembles : la Terre de Suete et surtout la Seigneurie d'Outre-Jourdain qui se termine en pointe sur le golfe d'Aqaba et possède un accès à la Mer Rouge.

Comme pour les deux autres états francs de Terre Sainte, je décomposerai ma présentation des forteresses existant antérieurement à 1187, en trois ensembles :
     . Les forteresses littorales,
     . Les forteresses situées entre le littoral et la fosse syrienne, elles sont toutes établies sur les voies principales de communication tant pour le commerce que pour les pèlerinages mais elles peuvent se muer en voies d'invasion,
     . Les fortifications et systèmes défensifs des marges orientales.

À suivre

jeudi 14 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (67) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Les forteresses protégeant la plaine d'Akkar et de la Boquée 

Au niveau de la plaine d'Akkar et de la Boquée, les francs ont construit deux lignes de forteresses établis sur les promontoires dominant la plaine. Ces deux lignes épousent les lignes du relief en figurant une forme approximativement  triangulaire.

La ligne nord est adossée aux pentes du Djebel Ansarieh entre la plaine et le territoire des Ismaéliens qui occupent la partie sud du même djebel : de ces forteresses, les plus importantes sont aux mains des ordres militaires : CHASTEL BLANC  et ARIMA ressortent des templiers à l'époque de Hattin, le KRACK DES CHEVALIERS est possession des chevaliers de saint Jean de Jérusalem .
     . ARIMA (1) et CHASTEL BLANC (2) possèdent la même histoire : les templiers les ont récupérés ruinés par deux incursions de Nour-Al-Din en 1167 et 1171 avec, entre temps, un tremblement de terre en 1170. C'est après cette période, que le comte  de Tripoli, jusqu'alors propriétaire des lieux céda ses châteaux aux templiers à charge de les reconstruire. Ces deux forteresses sont chargées à la fois de surveiller la plaine et les territoires ismaéliens, elles sont complétées par des tours de surveillance et châteaux de moindre importance.
     . Le KRACK DES CHEVALIERS, (3) possession des Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem  depuis 1142 est la pièce maîtresse de la défense de la ligne nord de protection de la plaine d'Akkar et de la Boquée, il est situé sur un promontoire dominant la Boquée et contrôle toute la région environnante. Aux fonctions des deux autres forteresses, surveiller la plaine et les territoires des ismaéliens, s'ajoute le contrôle de la haute vallée du Nash-el-Khebir qui permet de rejoindre le fossé d'effondrement (plaine du GHAB) vers RAFANEE. Cette haute vallée comportait de nombreux points fortifiés et en particulier le château de TOUBAN (4) remis aux hospitaliers en 1180.

La ligne sud, moins exposée aux incursions venues de l'est, possède une ligne, semble-t'il, moins dense de fortifications. Les plus importantes sont aux mains des Hospitaliers de saint Jean de Jerusalem .
      . La ligne comporte à l'ouest, deux châteaux de plaine construits sur de légères buttes, GOLIATH (5)  (remis aux hospitaliers en 1127 qui ne sert que de refuge et de base de départ et d'approvisionnement des chevaliers)  et  FELICIUM. (6) ( remis aux hospitaliers en 1142 en même temps que le KRACK DES CHEVALIERS)
      . Le long de la Boquée se trouve la forteresse principale de GIBELACAR, (8) elle constitue le pendant du krack des chevaliers formant la partie sud de la tenaille qui protège l'accès à la plaine , elle domine aussi la plaine de la Beqa. GIBELACAR fut remis aux hospitaliers en 1170.
      . Le long de la Boquée se trouvent enfin plusieurs châteaux étroitement liés au système défensif de GIBELACAR, dont MELECHIN ( 7), possession des hospitaliers à partir de 1181.

Les forteresses contrôlant un col sur une voie de passage ouest-est
Parmi ces forteresses, on peu citer la forteresse de MOINETRE (9) établie sur la voie menant de Gibelet à Baalbeck.

Les forteresses destinées à la colonisation et au contrôle des plaines du fossé d'effondrement et en particulier de la plaine de la Beqa.
Il va de soi que les riches cultures des fossés d'effondrement furent l'objet de la convoitise des comtes de Tripoli. Pour les francs, une des places les plus importantes était la ville de RAFANEE  ; son contrôle avait une quadruple importance :
     . Il permettait de commander une voie importante de communication entre Homs et la plaine d'Akkar via la Boquée.
     . Il donnait le contrôle des riches terres agricoles qui l'entourent et devait permettre de coloniser la région.
     . Il donnait aux francs une base  pour des conquêtes ultérieures.
     . Il permettait d'organiser des razzias dans la Beqa.

La première croisade était passée par RAFANEE en 1099 et Raymond de Saint Gilles décida d'entamer sa conquête après la prise de Jérusalem  Pour cela, comme il l'avait pratiqué à Tripoli, il enteprit de construire à peu de distance de la ville une forteresse appelée MONTFERRAND.(9);  à peine construite, la forteresse est prise par l'Atabeg de Damas Toghtekin et démantelée, ce qui amène à une nouvelle tentative de reconquête par les francs. Celle-ci se termine par un traité conclu entre le comté de Tripoli et l'atabeg en 1109. Trois dispositions sont importantes :
     . Les francs acceptent de ne plus razzier la Beqa, en échange, ils recevront un tiers des récoltes.
     . Les châteaux de la MOINETRE et de GIBELACAR sont laissés aux francs.
     . En échange, les chateaux de Masyaf, TOUBAN et le HOSN AT ABRAD (le futur KRACK DES CHEVALIERS) seront garantis de toute attaque et devront en outre payer tribut au comte.

Cet accord ne fut pas respecté par les francs qui s'emparent du Hosn at Abrad et de Rafanée en 1112. Rafanée changea plusieurs fois de mains jusque 1137, date où Zengi, atabeg de Mossoul reprit définitivement RAFANEE et MONTFERRAND.

Cette reconquête nécessita la recomposition de la défense  du comté de Tripoli : le point clé de cette défense fut reporté de RAFANEE- MONTFERRAND  situés au débouché de la route passant par la haute vallée du Nash-el-Khebir au HOSN AT ABRAD situé plus en aval et commandant la route de la moyenne vallée du Nash-el-Khebir. Il fallait faire de ce  fortin un lieu inexpugnable ; comme les comtes de Tripoli n'avaient pas les moyens de la reconstruction, il fut décidé de remettre le fortin a l'ordre de l'hôpital qui en firent le KRACK DES CHEVALIERS.

mardi 12 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (66) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

LA FORTERESSE TEMPLIERE DE TORTOSE

Afin de montrer l'organisation spatiale d'une forteresse de Terre Sainte, on peut prendre l'exemple de celle de Tortose ; elle est particulièrement intéressante, à la fois parce qu'il en reste de nombreux ruines enchâssées dans les quartiers de la ville et parce que ces restes permettent de définir un plan architectural assez précis que l'on retrouve un peu partout dans l'architecture militaire de Terre Sainte.

Les relevés sur le terrain ne donnent guère d'indices de datation, cela fait que la description que j'effectuerai dépasse sans doute le cadre chronologique que je m'étais fixé, antérieur à 1187. Néanmoins, elle permettra de montrer l'inexpugnabilité du système défensif d'une citadelle et de montrer les progrès accomplis au niveau de l'architecture militaire.

La forteresse est construite dans le coin Nord-ouest de la ville au bord de la mer.

Elle comporte en premier lieu, un puissant donjon (1) élevé en bordure de rivage et entouré d'un fossé inondable (2) en cas d'attaque. Une porte sur la mer permettait de recevoir des approvisionnements en cas de siège terrestre prolongé. Ce type de tour pourrait représenter le premier état du château ; en effet, de telles tours de surveillance et de guet  avait été construites un peu partout sur les lieux stratégiques de Terre Sainte.

Tout autour de cette tour, les templiers ont construit deux enceintes sans doute successives pourvues de tours (3 et 5 du plan), chacune étant précédée d'un fossé. (4 et 6) également inondable.

Comme le montre la coupe, chacun de ces remparts est pourvu de chemin de ronde et est adossé à une structure massive :
    . Le  rempart extérieur est adossé au rocher qui a été dégagé lors du creusement du fossé,
    . En arrière du rempart intérieur  a été construit un ensemble de casemates (7) servant de magasins qui en épaule la base à l'est et au sud.

Selon moi, un tel système permettait de se prémunir contre les attaques effectuées au moyen d'armes de jets puisque les projectiles que l'on envoyait, décrivant une courbe elliptique, venaient se fracasser contre la base des remparts  que l'on avait, pour cette raison, protégée par les structures massives.   Ces caractéristiques permettent de penser que le rempart intérieur était antérieur au rempart extérieur.

Dans ces deux remparts étaient creusées deux portes successives, toutes les deux situées sur le rempart nord, le seul donnant sur la campagne. Pour accéder au château, il fallait :
      . Monter une rampe (8) établie dans le fossé  puis passer la tour-porte (9) ; cette première partie du trajet était périlleuse pour les assaillants sur qui les défenseurs du château pouvait tirer des deux remparts de la forteresse
      . Une fois la porte prise par les assaillants, ils se trouvaient dans le fossé intérieur qui menait à la porte intérieure (10) sous les tirs des défenseurs établis sur le chemin de ronde du rempart intérieur,
      . Il fallait enfin emporter la porte intérieure qui était défendue par deux tours.

Ce système d'accès en chicane est d'une grande efficacité, les assaillants cheminent entre des remparts qui forment une sorte de gorge sans cesse à la merci des tirs des défenseurs ;  pourtant, à Tortose, le système n'a pas été mené totalement à son terme comme au Krak des chevaliers où il est nécessaire de d'accomplir le tour complet de la gorge entre les remparts pour passer de la première porte à la seconde.

Le double rempart et le trajet en chicane caractérisent la plupart des grandes forteresses de Terre Sainte.

Passée la porte intérieure, on se trouve dans la cour. Adossés au rempart Nord se trouvent les bâtiments conventuels habituels aux fortifications templières : chapelle (11), grande salle capitulaire (12) qui servit aussi de salle de réception et d'apparat et devait être surmonté d'un dortoir. Il devait exister aussi un réfectoire et des cuisines... Ce qui est frappant dans les forteresses appartenant aux ordres de moines-soldats, c'est qu'après avoir franchi les remparts et moyens de défense , on se trouve finalement dans un monastère !

lundi 11 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (65) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs


LES FORTERESSES DU COMTÉ DE TRIPOLI

Au niveau de son littoral, le Comté de Tripoli commence au sud de MARGAT et se termine un peu au nord de Beyrouth ; quant à son arrière-pays,  comme pour la principauté d'Antioche, il est fluctuant : il ne comporte que des points isolés sur le littoral à l'époque de Raymond de Saint-Gilles, puis forme une ligne littorale continue avant de se développer jusqu'à la plaine de la Beqa, ensuite il régresse pour se cantonner aux rebords orientaux du Djebel Ansarieh et du mont Liban ; ces deux limites naturelles sont assez sûres d'autant qu'elles sont surveillées par un réseau efficace de forteresses.

Le comté est essentiellement centré sur la plaine d'Akkar qui s'épanouit sur le littoral entre Tortose et Tripoli, puis se développe en un sillon parallèle à la Beqa appelé la Boquée, et ensuite se rétrécit vers Homs en triangle ; c'est la trouée la plus méridionale de la partie nord du littoral. Appelée actuellement la trouée d'Homs, elle ouvre le passage vers la riche et fertile plaine de la Beqa. Celle-ci étant, bien entendu  l'objet de la convoitise des croisés qui tentèrent de la conquérir.

Comme dans la principauté d'Antioche, on peut classer les forteresses en quatre grandes catégories :
     . Les forteresses littorales,
     . Les forteresses établies à mi-hauteur des versants surveillant et contrôlant  la trouée d'Homs,
     . Les forteresses adossées aux pentes dominant la Beqa et contrôlant un col,
     . Les forteresses de colonisation établies dans la plaine de la Beqa et perdues en 1187

Les templiers possèdent trois de ces forteresses : TORTOSE, ARIMA et CHASTEL BLANC,

Comme pour la principauté d'Antioche, mon but n'est pas d'effectuer une description exhaustive des forteresses franques maïs beaucoup plus de déterminer la signification d'ensemble de leur localisation.

Les forteresses littorales 
Du nord au sud, on trouve successivement :
   - TORTOSE, la ville avait été prise par un détachement envoyé par Raymond de Toulouse lors du siège d'Archas. Sitôt le siège d'Archas levé, l'émir de Tripoli avait repris la cité ; après la conquête de Jerusalem, le comte de Toulouse, désireux de se créer une principauté autour de Tripoli dont il avait constaté la richesse, revint dans la région et réussit à s'emparer de Tortose dont il fit le point de départ de ses expéditions ultérieures. La place fut ensuite remise aux templiers, peu après une attaque de Nur-Al-Din survenue en 1152 qui s'employèrent à la renforcer pour la rendre inexpugnable. Face à Tortose se trouve un îlot, Rouad, qui fut également fortifié.
   - entre Tortose et Tripoli, sur le rivage de la plaine d'Akkar, on ne trouve pas de forteresses car il n'y a pas de promontoires littoraux pour en construire.
   - vers le sud, on trouve Tripoli que Raymond de saint Gilles s'était résigné à ne pas conquérir lors de la première croisade. Apres la prise de Tortose, il jeta son dévolu sur Tripoli et, pour s'en emparer, il construisit un château à quelques distances de la cité alors centrée autour de son port, CHÂTEAU PÈLERIN, à partir duquel il lança les attaques sur Tripoli. C'est dans de château qu'il mourut en 1105. La place de Tripoli ne sera conquise qu'en 1109.
   - au sud de Tripoli, la côte redevient rocheuse ce qui permit la construction de forteresses  surveillant la route littorale :   CALAMON (1) puis NEPHRIN (2) établi sur un cap rocheux de 400 mètres  de long, puis LE PUY DU CONNÉTABLE (3) qui surveille un étroit défilé entre versant et rivage, ne laissant place qu'à la route, BOUTRON, enfin GIBELET, l'antique Byblos au débouché d'un route difficile qui mène à Baalbeck.

dimanche 10 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (64) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

Suite de l'article précédent

LES AUTRES FORTERESSES FRANQUES DE LA PRINCIPAUTÉ D'ANTIOCHE

Il est hors de mon propos de donner ici une description détaillée des forteresses franques, mais beaucoup plus de déterminer les conceptions qui présidèrent à leur localisation. A cet égard, les quatre types de forteresses définies précédemment permettent une classification assez simple :

En premier lieu se trouvent les forteresses littorales, la plus imposante est celle de MARGAT qui domine le port de Banias, et contrôle la route littorale.  GIBEL possède aussi une forteresse établie dans un théâtre antique

Les plus importantes forteresses surveillent les passages entre le littoral et le fossé d'effondrement qui porte au sud du pont de fer le nom de GHAB.
     . Le pont de fer (DJISR EL HADID) (5) était lui-même fortifié par deux tours qui furent prises par les francs vers 1161. Il etait contrôlé par le château d'HARRENC qui l'objet de luttes entre francs et turcs : il fut pris par les francs en 1098, repris par les armées de Nur EL Din de 1149 à 1158, récupéré par les francs puis reconquis par Nur  en 1164, au moment de Hattin, la forteresse est aux mains des turcs.
     . La route qui relie Lattaquie au pont du moyen Oronte (le DJISR EL SHROG) (7)  était surveillé  par un ensemble cohérent de grandes forteresses : EL-AIDO établi sur une croupe escarpée dominant le confluent de deux cours d'eau qui constituent le Nahr Khebir. SAONE établi sur un promontoire et surveillant a la fois la route de Lattaquié à l'Oronte mais aussi un col du littoral à l'Oronte situé plus au sud.

Une troisième catégorie comporte quelques forteresses qui sont établies sur les dernières pentes de la montagne à la fois pour surveiller le fossé d'effondrement et pour contrôler les cols traversant la chaîne du Djebel Ansarieh, c'est le cas par exemple du château de BOURZEY qui domine le Gharb.

Enfin, quelques forteresses ont été construites après la première croisade pour créer des centres de fiefs de colonisation : ces forteresses, au moment de la bataille de Hattin, ont  été reprises par les turcs, ce fut le cas de MAARAT (9) qui subit un siège de cinq semaines au moment de la première croisade et où fut construit le château franc  de La Marre et qui fut ensuite repris par les turcs et d'APAMEE.(8)

Enfin, se trouvent deux particularités qu'il convient de signaler :
     - les deux châteaux de LAYCAS et de MALAVANS (11 de la carte) qui furent conquis par les ismaéliens, connus sous le nom de secte des Assassins. Cette conquête fit que la frontière entre la principauté et le comté se réduisit à une étroite frange de terrain.
      - le château de CURSAT appartenant au patriarche d'Antioche qui en fit son refuge.




samedi 9 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (63) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

LES FORTERESSES DE LA PRINCIPAUTÉ D'ANTIOCHE.

La principauté d'Antioche s'étend au niveau de son littoral du golfe d'Alexandrette (2) à Banyas  (VALENIE pour les francs) avec un arrière-pays qui se limite un peu avant 1187 au niveau des crêtes dominant l'Oronte et le fossé d'effondrement. Les conquêtes effectuées au delà ayant été perdues.

Elles comporte deux trouées importantes, celle d'Antioche (4) entre DJEBEL AMANUS ET DJEBEL AKRA et celle de Lattaquié entre le DJEBEL AKRA et le DJEBEL ANSARIEH.

ces deux trouées débouchent chacune sur un pont établi sur l'Oronte dont le contrôle ouvre les accès vers l'Est  :
     .  le pont de fer (DJISR EL HADID) (5)  au niveau de la trouée d'Antioche qui contrôle la route menant à Alep.
     .  le pont établi sur le moyen Oronte (DJISR EL SHOGHR) (7), que l'on rejoint à partir de Lattaquié en remontant le cours du NHAL KHEBIR et qui mène également à Alep mais aussi à Apamée et au moyen-Euphrate.

La principauté comporte une plaine littorale étroite mais pourvue de nombreux ports : Arzouz (3) (PORT BONNEL), PORT SAINT SIMÉON (6) , exutoire d'Antioche, Lattaquié (ancienne LAODICÉE), GIBEL et VALENIE ( Banyas)

La localisation des forteresses franques dépend de ces contingences géographiques :
   - surveillance des trouées et des cols au moyen de forteresses établies sur les pentes montagneuses qui bordent ces trouées et sur les pentes dominant le fossé d'effondrement.
   - protection et garde des ports et du littoral.

LES FORTERESSES DES TEMPLIERS DANS LA PRINCIPAUTÉ D'ANTIOCHE

Les spécialistes en mentionnent quatre, citées par divers textes mais dont la localisation reste incertaine pour deux au moins.

La première, ROCHE DE ROISSEL, localisée par la toponymie locale, est une forteresse littorale gardant l'étroite bande côtière entre le rivage et les pentes du Djebel Amanus. Là passe une route qui, dans cette région disputée entre francs, arméniens et byzantins, fut fréquemment une voie d'invasion. A l'endroit le plus étroit, se trouve un site appelé la Portelle, (1) ce qui témoigne de l'exiguïté du passage. Le château de ROCHE DE ROISSEL est destiné d'abord à cette défense de cette route stratégique.

Un autre rôle de la forteresse est de protéger les rares ports qui se trouvent sur le littoral : Arsouz ( PONT BONNEL) (3) qui serait aussi le siège d'une commanderie et un port appelé actuellement Minat El Fridji, port des francs. L'autre port situé plus au Nord, Alexandrette, (2) trop proche de la Portelle et sur la voie des invasions, était trop peu sûr pour être utilisé efficacement par les francs.

Les trois autres forteresses templières se trouvaient sur les hauteurs du versant oriental du Djebel Amanus ; elles faisaient office de marches-frontières depuis la chute d'Edesse,  contrôlaient les passes et cols qui reliaient le littoral à l'intérieur mais aussi surveillaient les mouvements ennemis du fossé d'effondrement :
     . ROCHE GUILLAUME au nord contrôlait la passe qui partait de la Portelle et traversait l'Amanus
     . TRAPEZAC au nord-est et GASTON ( Baghras) au sud-est surveillaient la route qui menait de la région d'Alexandrette, au  col de Beylan puis débouchait sur le fossé d'effondrement.

Elles furent remises à l'ordre du Temple à une date imprécise, sans doute vers 1154 ;  en 1168,  TRAPEZAC et GASTON étaient possession des templiers quand un renégat de l'ordre s'en empara et fit allégeance à Nur Al Din ; à la mort de ce renégat, l'ordre reprit possession des deux châteaux qu'ils conservaient encore en 1187.

A suivre...

vendredi 8 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (62) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES (suite de l'article précédent)

La localisation des forteresses franques était étroitement dépendante des contingences géographiques.

En premier lieu, il convenait de protéger le littoral et les ports permettant de relier les états de Terre Sainte à l'Occident et en particulier de recevoir les croisés venus en pèlerinage. Les ports furent dotés, pour la plupart, de forteresses établies dans la ville elle-même ou sur les hauteurs la dominant.

Ensuite, il convenait de protéger les trouées principales mais aussi les cols qui permettaient de traverser la montagne. Ces forteresses se trouvaient sur des éminences ou des éperons situées au niveau des premières pentes des montagnes avec un double objectif :
     . Empêcher la réussite des invasions venues de l'est : il suffisait aux garnisons qui s' y trouvaient de descendre de leurs citadelles pour prendre l'ennemi latéralement ou à revers.
     . Servir de poste avancé pour une éventuelle attaque vers le fossé d'effondrement aux fins de conquête.

Un troisième type de forteresse était construit en vue de la colonisation des espaces orientaux lorsque, lors dans premiers temps de la conquête,  les armées franques s'avancèrent vers l'est au delà même du  fossé d'effondrement. Cette conquête s'accompagnait  de la création de fiefs centrés autour de châteaux fortifiés. A l'époque  juste antérieure à Hattin, ces fiefs et ces châteaux n'étaient plus du domaine des francs et avaient été reconquis par les turcs.

Il convient aussi d'ajouter que des grandes forteresses dépendaient des forts plus petits  et des fortins de surveillance, ils prenaient souvent la forme de tours carrées évoquant un donjon.

Une quatrième caractéristique générale concerne plus spécifiquement les templiers : il avait été clairement spécifié dans l'acte initial de création de la Milice des pauvres chevaliers du Christ que le rôle des chevaliers de l'ordre était de protéger les pèlerins et de sécuriser les routes de pèlerinage vers les lieux saints. Ils construisirent le long de ces routes des structures  défensives qui se muèrent vite en puissances forteresses.

A cela s'ajoutèrent des forteresses installées à des endroits dépourvus de sites de pèlerinage dans un but purement militaire, en particulier dans la principauté d'Antioche et dans le comté de Tripoli ; l'explication en est simple : au début de la création des états francs, ils n'intervenaient pas dans leur défense ; les forteresses furent construites par les croisés qui avaient constitué des fiefs dans les pays conquis ; peu à peu, ces derniers devinrent incapables de les gérer de les entretenir ; beaucoup les remirent aux ordres militaires et en particulier aux templiers qui constituaient les seules forces franques  structurées en Terre sainte.  C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la présence de châteaux templiers dans les deux états francs septentrionaux.

Les templiers associent donc deux types de forteresses :
   . Les unes sont établies sur les routes de pèlerinage, elles se trouvent essentiellement dans le royaume de Jerusalem,
   . Les autres n'ont qu'un rôle militaire et s'établissent aux marches frontières des états francs.

jeudi 7 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (61) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

La description que je me propose d'entreprendre des forteresses templières et plus généralement des forteresses franques correspondra à la période comprise entre 1144, date de la prise d'Edesse et 1087, date de la désastreuse bataille de Hattin qui fit disparaître une grande partie des États Francs de Terre Sainte surtout au niveau du royaume de Jérusalem.

Cette bataille et la reconquête effectuée ensuite par Saladin conduisirent à un changement de cap des comportements :
     . avant 1187, les princes francs pouvaient encore mener des offensives victorieuses vers l'est dans la perspective de conquête, c'était en particulier le cas quand l'ost franc était renforcé par la venue de croisés occidentaux.
     . après Hattin, ce ne sera plus le cas,  les états francs seront obligés de se cantonner à une politique presque uniquement défensive.

La période 1144-1187 est pour moi celle de l'épanouissement des états francs en ce qui concerne la politique de fortification après la phase de conquête et d'installation. C'est à ce moment que l'on discerne le mieux les objectifs qui conduisent à la localisation des forteresses.  Cette organisation stratégique sera laminée et disparaîtra après la bataille de Hattin.


La construction de ces forteresses témoigne d'un art très élaboré tant au niveau de leur réalisation que de leur localisation. Cet art était bien plus perfectionné que celui que l'on trouvait à la même époque en Occident, il ne fut cependant pas inventé de toutes pièces par les francs :
   - d'abord, parce qu'ils imitèrent ce qu'ils vont trouver sur place et qui témoignait d'une architecture plus avancée que la leur,
   - ensuite par le fait qu'ils réoccupèrent de nombreux points stratégiques déjà fortifiés par les byzantins ou par les princes musulmans.
Il n'eurent donc qu'à imiter et à perfectionner ce qu'ils voyaient. Cet art sera ensuite exporté par les croisés en Occident et conduira à un renouvellement conséquent des anciens châteaux-forts.

Si on considère la localisation de ces forteresses, on constate qu'elle est étroitement dépendante de la topographie des états francs. Celle ci se caractérise par deux éléments d'ensemble que j'ai reproduit ci-contre sur la carte correspondant à  la géographie de la principauté d'Antioche et du comté de Tripoli :


La structure générale du relief s'organise en bandes parallèles de direction Nord-Sud. Ainsi, de l'ouest à l'est apparaissent cinq ensembles :

     . Une succession d'étroites plaines littorales aux sols fertiles et comportant des abris littoraux favorables à l'installation des ports.

     . Puis se développent un ensemble montagneux découpé en massifs par des trouées transversales : DJEBEL AMANUS (1), DJEBEL EL AKRA (2), DJEBEL ANSARIEH (3), MONT LIBAN (4). Ces montagnes créent une barrière entre le littoral et l'arrière-pays. Parmi ces massifs, le moins pénétrable est le Djebel Ansarieh qui se compose d'un ensemble de croupes calcaires séparées par d'étroites vallées. Ce djebel a toujours été une zone de refuge mais elle a servi aussi de base d'attaque ; à l'époque des croisades, sa partie sud était occupé par la secte dit des Assassins, des musulmans ismaéliens, qui menèrent une politique d'attentats contre les princes francs. Cette zone formait alors un dangereux tampon entre le principauté d'Antioche et le comté de Tripoli.

    . A l'est de cette ligne, se trouve un ensemble de fossé d'effondrement (10) correspondant à cette profonde cassure qui se poursuit vers le sud par la vallée du Jourdain, la mer Morte, la mer Rouge puis par le Rift africain. Cette zone longue et étroite est favorable à l'homme tant au niveau agricole qu'à celui des routes commerciales et des voies musulmanes de pèlerinage vers les lieux saints de l'Islam.

    . A l'est encore apparaissent des reliefs moins élevés que les montagnes (5) au sud bordant le littoral ; ces reliefs forment transition avec les plaines et plateau du Moyen-Orient et en particulier avec la Mésopotamie.

A ces structures longitudinales s'ajoutent des éléments transversaux, les trouées parcourues par les rivières  :
     . Au nord, se trouve la trouée d'Antioche (6) parcourue par l'Oronte (9) (qui jusqu'alors coulait selon la direction Sud-Nord dans le fossé d'effondrement et bifurque par cette trouée vers l'ouest )  Au débouché de cette trouée, il était possible de gagner Alep mais aussi d'emprunter les voies Nord-Sud du fossé d'effondrement.
     . La deuxième trouée est celle qui part du port de Lattaquié (5) et remonte vers le nord-est par la vallée du Djisr El Shoghr, rejoint l'Oronte puis la vallée du moyen Euphrate.
     . La troisième trouée (8)  se développe en en triangle entre Tartous (Tortose) et Tripoli et permet de gagner Homs. Cette trouée est l'axe central ouest-est du comté de Tripoli, encadré de part et d'autre part le Djebel Ansarieh et la montagne du Liban.

Ces trouées qui compartimentent le relief possèdent un triple rôle à l'époque médiévale  :
    . Elles peuvent servir de voies d'invasion pour les princes turcs.
    . Elles peuvent aussi servir de base aux ambitions de conquête des francs.
    . Elles constituent des voies de communications et commerciales importantes et permettent de gagner la grande voie Nord-Sud qui mène vers l'Arabie.

C'est en fonction de ces caractéristiques topographiques que seront établies le réseau de forteresses franques.

à suivre

mardi 5 mai 2015

La GNOSE (2) : les exemples de BASILIDES et MARCION

Suite de l'article précédent

LE SALUT
Il apparait une double caractéristique explicitement mentionnée par MARCION selon les écrits de saint Irenée, mais que  BASILIDE indique aussi :
    . Le salut ne concerne que l'âme.
    . Le salut ne peut être obtenu par la mise en application dans sa vie de l'enseignement des prophètes hébreux ni par le respect de la Loi car l'un et l'autre proviennent des anges pervertis et malfaisants qui ont créé le monde et dont le chef est le démiurge, le Dieu des juifs.

MARCION va même jusqu'à effectuer une inversion de ceux qui seront sauvés : pour lui, le salut s'appliquera à tous les peuples païens car ils ont reconnu le Christ lors de sa descente aux Enfers, par contre ce ne sera pas le cas des prophètes et des hébreux qui l'ont rejeté.

" il n'y aura de salut que pour les âmes seulement, pour celles du moins qui auront appris son enseignement  ( du Christ) ; quant au corps, du fait qu'il a été tiré de la terre, il ne peut avoir part au salut. 

Caïn et ses pareils, les gens de Sodome, les Égyptiens et ceux qui leur ressemblent, les peuples païens qui se sont vautrés dans toute espèce de mal, tous ceux-là ont été sauvés par le Seigneur lors de sa descente aux enfers, car ils sont accourus vers lui et il les a pris dans son royaume ; au contraire, Abel, Hénoch, Noé et les autres «justes», Abraham et les patriarches issus de lui, ainsi que tous les prophètes et tous ceux qui ont plu à Dieu, tous ceux-là n'ont point eu part au salut"
 ( IRENÉE DE LYON A PROPOS DE MARCION)

Il n'y a de salut que pour l'âme seule, car le corps est corruptible par nature. Les prophéties proviennent elles aussi des Archontes auteurs du monde, mais la Loi provient à titre propre de leur chef, c'est-à-dire de celui qui a fait sortir le peuple de la terre d'Egypte. ( IRENÉE DE LYON A PROPOS DE BASILIDE)

à suivre..

lundi 4 mai 2015

La GNOSE : les exemples de BASILIDES et MARCION

les deux articles qui vont suivre constituent une parenthèse dans l'étude des mentalités de la croisade, ils visent à aller plus loin dans la pensée gnostique évoquée lors de la description du sceau à l'abraxas 

On ne connaît pas directement la pensée de ces deux philosophes gnostiques, mais on connaît leur doctrine par la réfutation qu'en a fait saint Irénée de Lyon évêque de Lyon (177-205) auteur de la "Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur". Irénée, dans cet ouvrage, commence à décrire les différentes théories gnostiques puis, dans une seconde partie, il rédige la réfutation de celles-ci. Afin de ne pas travestir la pensée de Basilide et de Marcion, je citerai ici les extraits significatifs du texte de saint Irénée en le faisant précéder de mon commentaire.

Dans un premier temps Saint Irénée décrit la conception de Basilide concernant la HIÉRARCHISATION DU COSMOS  avec :
     . Le père inengendré,
     . De ce Dieu suprême naît l'intellect qui sera le Christ,
     . De l'intellect naît le Logos, la connaissance,
     . Du logos naît la prudence,
     . De la prudence naît la sagesse et la puissance,
     . De la sagesse et de la puissance naissent les vertus, les anges et les archontes qui créent le premier ciel,
     . Par réplique des précédents naissent d'autres anges, qui créent un deuxième ciel,
     . Puis apparaissent ainsi un troisième puis un quatrième ciel et ainsi de suite jusqu'à que se créent 365 ciels. Au fur et à mesure que se sécrètent les ciels, ils se dégradent, passant du bien au mal.

" du Père inengendré est né d'abord l'Intellect, puis de l'Intellect le Logos ; puis du Logos la Prudence ; puis de la Prudence la Sagesse et la Puissance ; puis de la Puissance et de la Sagesse, les Vertus, les Archontes et les Anges qu'il appelle premiers et par qui a été fait le premier ciel. Puis, par émanation à partir de ceux-ci, d'autres Anges sont venus à l'existence et ont fait un second ciel semblable au premier. De la même manière, d'autres Anges encore sont venus à l'existence par émanation à partir des précédents, comme réplique de ceux qui sont au-dessus d'eux, et ont fabriqué un troisième ciel. Puis, de cette troisième série d'Anges, une quatrième est sortie par dégradation, et ainsi de suite. De cette manière, assurent-ils, sont venues à l'existence des séries successives d'Archontes et d'Anges, et jusqu'à 365 cieux. Et c'est pour cette raison qu'il y a ce même nombre de jours dans l'année, conformément au nombre des cieux. (IRÉNÉE DE LYON A PROPOS DE BASILIDE)

LA CRÉATION DE L'UNIVERS SENSIBLE a été le fait des anges du dernier monde créé, le plus dégradé ; une fois la création effectuée, ils se sont partagés les nations en devenant leurs dieux. L'un d'entre eux, leur chef, le Dieu des juifs, a voulu faire en sorte que son peuple puisse l'emporter sur toutes les autres, ce qui occasionna les guerres et la désolation. Selon MARCION, ce Dieu est un être malfaisant, aimant les guerres, inconstant dans ses résolutions et se contredisant lui-même. Un autre gnostique CERDON, en tire, selon Irenée de Lyon, une autre conséquence et enseigne "que le Dieu annoncé par la Loi et les prophètes n'est pas le Père de notre Seigneur Jésus-Christ : car le premier a été connu et le second est inconnaissable, l'un est juste et l'autre est bon."

" Les Anges qui occupent le ciel inférieur, celui que nous voyons, ont fait tout ce que renferme le monde et se sont partagé entre eux la terre et les nations qui s'y trouvent. Leur chef est celui qui passe pour être le Dieu des Juifs. Celui-ci ayant voulu soumettre les autres nations à ses hommes à lui, c'est-à-dire aux Juifs, les autres Archontes se dressèrent contre lui et le combattirent. Pour ce motif aussi les autres nations se dressèrent contre la sienne."  . (IRÉNÉE DE LYON A PROPOS DE BASILIDE)

LA PLACE DE JÉSUS DANS LES SYSTÈMES GNOSTIQUES
Dans la pensée gnostique, le Christ est le propre fils du dieu suprême," l'intellect du père inengendré"   qui prit la forme de Jésus. Il ne fut pas crucifié, car il y eut substitution  de personne : Simon de Cyrène prenant la place de Jésus et inversement, le Christ remonta auprès de celui qui l'avait envoyé. La conséquence de cette substitution est qu'il  n'y a aucune raison de prétendre que la crucifixion fut le sacrifice par lequel le Christ apporta la rédemption au monde

" Alors le Père inengendré et innommable, voyant la perversité des Archontes, envoya l'Intellect, son Fils premier-né — c'est lui qu'on appelle le Christ — pour libérer de la domination des Auteurs du monde ceux qui croiraient en lui. Celui-ci apparut aux nations de ces Archontes, sur terre, sous la forme d'un homme, et il accomplit des prodiges. Par conséquent, il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c'est ce Simon qui, par ignorance et erreur, fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu'on le prît pour Jésus ; quant à Jésus lui-même, il prit les traits de Simon et, se tenant là, se moqua des Archontes. Etant en effet une Puissance incorporelle et l'Intellect du Père inengendré, il se métamorphosa comme il voulut, et c'est ainsi qu'il remonta vers Celui qui l'avait envoyé, en se moquant d'eux, parce qu'il ne pouvait être retenu et qu'il était invisible à tous.

Ceux donc qui « savent » cela ont été délivrés des Archontes auteurs du monde. Et l'on ne doit pas confesser celui qui a été crucifié, mais celui qui est venu sous une forme humaine, a paru crucifié, a été appelé Jésus et a été envoyé par le Père pour détruire, par cette « économie », les œuvres des Auteurs du monde. Si quelqu'un confesse le crucifié, dit Basilide, il est encore esclave et sous la domination de ceux qui ont fait les corps ; mais celui qui le renie est libéré de leur emprise et connaît l'« économie» du Père inengendré. (IRÉNÉE DE LYON A PROPOS DE BASILIDE)

MARCION reprend les mêmes idées en effectuant une lecture critique de l'Ancien Testament en condamnant trois types d'assertions :
     . L'enseignement des prophètes et la Loi car ils ne sont, selon lui, que l'émanation du Dieu des Juifs.
     . L'idée que la venue de Jésus  ait été annoncée par les prophètes. .
     . Les parties relatant les éléments historiques de la vie de Jésus ainsi que celles où celui-ci fait état de sa filiation avec le créateur de ce monde.

" Quant à Jésus, envoyé par le Père qui est au-dessus du Dieu Auteur du monde, il est venu en Judée au temps du gouverneur Ponce Pilate, procurateur de Tibère César ; il s'est manifesté sous la forme d'un homme aux habitants de la Judée, abolissant les prophètes, la Loi et toutes les œuvres du Dieu qui a fait le monde et que Marcion appelle aussi le Cosmocrator. En plus de cela, Marcion mutile l'Évangile selon Luc, éliminant de celui-ci tout ce qui est relatif à la naissance du Seigneur, retranchant aussi nombre de passages des enseignements du Seigneur, ceux précisément où celui-ci confesse de la façon la plus claire que le Créateur de ce monde est son Père. Par là, Marcion a fait croire à ses disciples qu'il est plus véridique que les apôtres qui ont transmis l'Évangile, alors qu'il met entre leurs mains, non pas l'Évangile, mais une simple parcelle de cet Évangile. Il mutile de même les épîtres de l'apôtre Paul, supprimant tous les textes où l'Apôtre affirme de façon manifeste que le Dieu qui a fait le monde est le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi que tous les passages où l'Apôtre fait mention de prophéties annonçant par avance la venue du Seigneur."
(IRÉNÉE DE LYON A PROPOS DE MARCION)