REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

jeudi 22 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (10)

SAINT NICOLAS DÉLIVRE LES PRISONNIERS

Le dernier miracle de Saint Nicolas que je me propose de décrire dans ce chapitre consacré à Saint Nicolas est celui de la délivrance des prisonniers. Elle est mentionnée à deux reprises par Jaques de Voragine et correspond à une légende médiévale  qui explique en grande partie l’importance de la dévotion vouée à Saint Nicolas en Lorraine.

LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE
Un homme riche dut aux mérites de saint Nicolas d'avoir un fils qu'il nomma Adéodat. Il éleva, dans sa maison, une chapelle en l’honneur du saint dont il célébra, chaque année, la fête avec solennité. Or le pays était situé près de la terre des Agaréniens. Un jour Adéodat est pris par eux, et placé comme esclave chez leur roi. L'année suivante, tandis que le père célébrait dévotieusement la fête de saint Nicolas, l’enfant, qui tenait devant le monarque une coupe précieuse, se rappelle la manière dont il a été pris, la douleur et la joie de ses parents à pareil jour dans leur maison, et se met à soupirer tout haut. A force de menaces, le roi obtint de connaître la cause de ces soupirs, et ajouta: « Quoi que fasse ton Nicolas, tu resteras ici avec nous. » Tout à coup s'élève un vent violent qui renverse la maison et transporte l’enfant avec sa coupe devant les portes de l’église où ses parents célébraient la fête; ce fut pour tous un grand sujet de joie.

 On lit  ailleurs que cet enfant était de la Normandie, et qu'allant outre-mer, il fut pris par le Soudan qui le faisait fouetter souvent en sa présence. Or un jour de Saint-Nicolas, qu'il avait été fouetté et que, renfermé dans sa prison, il pleurait en pensant à sa délivrance et à la joie ordinaire de ses parents à pareil jour, tout à coup il s'endormit et, en se réveillant, il se trouva dans la chapelle de son père *.

LE MIRACLE DU SIRE DE RECHICOURT
Le sire de Réchicourt, un chevalier lorrain qui participait vers 1230 à la croisade, fut fait prisonnier par les turcs, ils l’enfermèrent dans un sombre cachot où ils l’enchaînèrent, peut-être attendaient-ils le paiement d’une rançon qui ne vint jamais. Les mois puis les années passèrent... À peine nourri, les habits en loques, les cheveux et la barbe en broussailles, le corps sale et couvert de vermines, le sire de Rechicourt avait perdu toute apparence humaine. Tous les soirs cependant,  il priait Saint Nicolas et reprenait espoir.

Une nuit, un froid inhabituel l’éveilla, il ouvrit les yeux et aperçut un ciel parsemé d’étoiles qui brillaient intensément ; il se dressa, constata que les chaînes qu’il portait aux bras et aux jambes avaient été descellées des murs du cachot, et s’aperçut qu’il se trouvait sur le parvis d’une grande église, il reconnut tout de suite l’église de Saint Nicolas de Port. Saint Nicolas l’avait sauvé de ses oppresseurs ! Le miracle eut lieu dans la nuit du 5 au 6  décembre, jour anniversaire de la mort de Saint Nicolas.

Le matin du 6 décembre,  on découvrit au pied de la porte un  vagabond sale, hirsute, chargé de fers  et en haillons qui réussit à se faire reconnaître grâce à une bague portant son sceau. A la nouvelle de ce miracle, les gens accoururent et on célébra une messe d’action de grâces. Pendant l’élévation, les chaînes tombèrent sur le sol. Elles sont conservées dans un reliquaire du trésor de la basilique

Pour commémorer ce miracle, il est organisé chaque année dans la nuit du 5 au 6 décembre une grande procession au cours de laquelle, le bras-reliquaire de Saint Nicolas est porté en cortège dans la basilique toute illuminée par les bougies portées par les très nombreuses personnes venues honorer le patron de la Lorraine


mardi 20 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (9)

DEUX MIRACLES ACCOMPLIS PAR SAINT NICOLAS APRÈS SA MORT

Le premier miracle que je rapporterai est celui de l’enfant noyé et ressuscité par Saint Nicolas. Il est représenté dans les deux vitraux n°14 et 39 de la cathédrale de Chartres. J’ai accolé ci-dessous le texte de Jacques de Voragine et les deux représentations du miracle sur le vitrail 39.

Un noble pria le bienheureux Nicolas de lui obtenir un fils, lui promettant de conduire son enfant à son église où il offrirait une coupe d'or. Un fils lui naquit et quand celui-ci fut parvenu à un certain âge, il commanda une coupe. Elle se trouva fort de son goût, et il l’employa à son usage, mais il en fit ciseler une autre d'égale valeur. Et comme ils allaient par mer à l’église de saint Nicolas, le père dit à son fils d'aller lui puiser de l’eau dans la coupe qu'il avait commandée en premier lieu. L'enfant, en voulant puiser de l’eau avec la coupe, tomba dans la mer et disparut aussitôt. Le père cependant, tout baigné de larmes, accomplit son vœu. 

Etant donc venu à l’autel de saint Nicolas, comme il offrait la seconde coupe, voici qu'elle tomba de l’autel comme si elle en eût été repoussée. L'ayant reprise et replacée une seconde fois sur l’autel, elle en fut rejetée encore plus loin. Tout le monde était saisi d'admiration devant un pareil prodige, lorsque voici l’enfant sain et sauf qui arrive portant dans les mains la première coupe ; il raconte, en présence des assistants, qu'au moment où il tomba dans la mer, parut aussitôt saint Nicolas qui le garantit. Le père rendu à la joie offrit les deux coupes au saint.

Les deux documents racontent le même événement avec toutefois trois différences importantes :
   . D’abord, Jacques de Voragine évoque deux coupes tandis que le vitrail n’en présente qu’une seule ; en conséquence, l’histoire de la seconde coupe qui  tombe à terre n’y apparaît pas ; à l’arrivée, les parents de l’enfant, ne viennent pas porter une seconde coupe, ils sont simplement en prière devant l’autel.
   . Ensuite,  on constate, sur le vitrail présenté ci-dessus, que l’enfant ne tombe pas à l’eau naturellement ;  près de lui se trouve en effet un démon cornu tenant à la main un bâton muni d’un crochet qui a servi à tirer l’enfant pour le faire tomber dans l’eau et le noyer. Dans cette perspective, le miracle prend tout son sens : il s’agit de l’éternel combat du bien contre le mal, de Dieu et de ses saints contre les forces sataniques.  Nicolas, du fait de sa sainteté, possède le moyen de contrer le diable et peut retirer des griffes du démon un enfant innocent pour le remettre à ses parents.
    . Enfin, il convient de constater une autre différence entre les deux sources d'information : dans le texte de la Légende Dorée, le saint n’apparaît pas au moment où l'enfant tend la coupe à ses parents, il n'est cité qu'au moment du sauvetage de l'enfant ;  par contre, le vitrail de Chartres figure saint Nicolas physiquement présent  à cet instant et donc en vie.

Selon moi, le vitrail de Chartres présente le récit dans sa version la plus ancienne et met en scène l''évêque de son vivant tandis que le texte de Jacques de Voragine témoigne d'une version postérieure ayant subi de nombreux ajouts et surtout faisant intervenir le saint après sa mort terrestre.

dimanche 18 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (8)

LA MORT DE NICOLAS ET SON DOUBLE ENSEVELISSEMENT (suite)

La troisième partie du texte de Jacques de Voragine évoque la translation du corps de Saint Nicolas à Bari.

« Longtemps après les Turcs détruisirent la ville de Myre ; or, quarante-sept soldats de Bari (62 selon la tradition) y étant venus, et quatre moines leur ayant montré le tombeau de saint Nicolas, ils l’ouvrirent, et trouvèrent ses os qui nageaient dans l’huile ; ils les emportèrent avec respect dans la ville de Bari, l’an du Seigneur 1087. »

Rappelons le contexte historique : la bataille de Manzikiert (1071) qui a vu la défaite de l’armée byzantine contre le sultan seldjoukide Alp Arslan, avait été suivie de l’invasion de l’Anatolie par les turcs. La ville de Myre étant menacée, deux cités italiennes, Venise et Bari, décidèrent de récupérer les reliques de Saint Nicolas  avant qu’il ne soit trop tard. Prenant de court les vénitiens, Bari organisa une expédition qui  arriva la première.

À ce moment, selon le livre de Adrien Baillet « les vies  des saints... disposés selon l’ordre des calendriers  » paru en 1704, « ils ne trouvèrent presque personne dans le monastère de l’église de Sion, il n’y avait que trois religieux qui gardaient le Saint dépôt, tout était en désolation par les hostilités des turcs. Ils firent croire à ces religieux qu’ils étaient envoyés du Pape... pour pourvoir à la sûreté.. des saintes reliques et les garantir des insultes des ennemis de Jésus Christ », les moines, soudoyés, acceptèrent la translation. «Après diverses prières, ils rompirent le tombeau de marbre à grand coups de marteau et ils y trouvèrent une urne et crûrent que c’était un grand vase de parfum ; ils remarquèrent qu’elle était pleine d’une liqueur admirable qui ressemblait à une huile très pure qui sortait du corps du Saint. On en tira les os du Saint et on remarqua qu’ils suaient de la même liqueur.. » .Ils arrivèrent à Bari le dimanche 9 mai. «On ajoute que le miracle que Dieu avait opéré à Myre (celui de la manne) se continuait à Bari... les magistrats... jetèrent les fondements d’une grande et magnifique église, le Pape Urbain 2 en fit la dédicace »

Ce texte corrobore, en l’expliquant plus précisément, le récit de Jacques de Voragine,

À propos du suintement émanant des os de Saint Nicolas, je voudrais citer un extrait de la « vie de sainte Brigitte de Suède (+1373)  d’après des documents authentiques  écrite par une religieuse de l'adoration perpétuelle  » en 1879 où, selon ce texte, c’est Saint Nicolas lui-même qui le justifie  :

«  En pénétrant dans le temple qui renferme le tombeau du grand saint Nicolas, Brigitte ressentit une joie inexprimable; elle se prosterna avec une humble dévotion devant les saintes reliques, et sa pensée médita le symbolisme de l'huile qui en découlait... A ce moment apparut à ses yeux une forme vénérable, toute brillante et comme ointe d'un baume odorant. La céleste vision lui dit : « Je suis l'Évêque Nicolas; je vous apparais sous cette forme pour vous révéler l'état dans lequel se trouvait mon âme aux jours de ma vie terrestre; mes membres étaient adroits et souples au service de Dieu, comme l'est un instrument frotté d'huile sous la main de celui qui le manie. Écoutez donc : de même que la rose exhale un agréable parfum, de même que le raisin donne un jus plein de douceur, ainsi mes ossements ont reçu de Dieu le rare privilège de distiller une huile salutaire. En effet, le Tout-Puissant n'honore et n'exalte pas seulement ses élus dans le ciel; il les glorifie également sur la terre, pour l'édification d'un grand nombre »

Les reliques de Saint Nicolas se trouvent toujours à Bari à quelques exceptions près, un humérus se trouve à la cathédrale de Fribourg en Allemagne, on trouve aussi quelques fragments à l’abbaye de Hauterive et en Belgique. En outre, en 1098, un chevalier lorrain Aubert de Varangéville s’empara d’une phalange du doigt de Saint Nicolas et la ramena en Lorraine ce qui fit de Saint Nicolas le patron de cette province.

À Bari, deux grandes fêtes sont célébrées en l’honneur de Saint Nicolas :
     . Le 6 décembre, date anniversaire de la mort présumée du Saint,
     . Le 9 mai, date anniversaire de la translation. Une grande procession conduit la statue du Saint vers la mer où elle est chargée sur un bateau de pêche qui se rend à l’endroit où, en 1087, le bateau transportant les reliques a accosté. A l’issue de cette procession, on prélève la manne suintant du tombeau  dans un flacon de verre, la manne sera alors mélangée à de l’eau bénite pour distribution aux fidèles.

               le tombeau de saint Nicolas à Bari

Dans les deux articles suivants, j'évoquerai deux miracles post mortem de saint Nicolas.  

jeudi 15 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (7)

LA MORT DE NICOLAS ET SON DOUBLE ENSEVELISSEMENT

Le texte de Jacques de Voragine évoquant  la mort de celui qui allait devenir Saint Nicolas se décompose en trois parties :
     . La mort de l’évêque proprement dite,
     . L’ensevelissement au monastère de Sion où il s’était retiré et le miracle de la manne,
     . La translation du corps de Saint Nicolas à Bari où il se trouve encore.

On ne trouve que très peu de représentation de la mort de Nicolas, je n’en connait  qu’une sur le retable de Tallinn. Le panneau de ce retable est présenté à côté du texte de la légende dorée.

Quand le Seigneur voulut enlever le saint de dessus la terre, Nicolas le pria de lui envoyer, des anges; et en inclinant la tète, il eu vit venir vers lui : et après avoir dit le Psaume, In te, Domine, speravi, jusqu'à ces mots : In manus tuas...., il rendit l’esprit, l’an de J.-C. 343. Au même moment, on entendit la mélodie des esprits célestes.

Les deux versions concordent : sur le panneau du retable, on aperçoit Nicolas en prières qui s’affaisse doucement, au dessus, deux anges que Dieu a envoyé portent un corps nu simplement vêtu d’un linge autour de la taille et représenté en prières, c’est l'âme de Nicolas que les deux anges mènent au ciel.







La deuxième partie du texte de Jacques de Voragine est, selon moi, l’épisode le plus curieux de toute l’histoire de Saint Nicolas :

On l’ensevelit dans  un tombeau de marbre ; de son chef jaillit une fontaine d'huile et de ses pieds une source d'eau; et jusqu'aujourd'hui, de tous ses membres, il sort une huile sainte qui guérit beaucoup de personnes. Il eut pour successeur un homme de bien qui cependant fut chassé de son siège par des envieux. Pendant son exil, l’huile cessa de couler; mais quand il fut rappelé elle reprit son cours.

Ainsi, selon ce texte,  du corps même de l’évêque suinte un liquide que l’on peut recueillir et qui guérit d’innombrables maladies ! Il va de soi qu’il se créa très vite un pèlerinage, les pèlerins venant en grand nombre pour prier et obtenir de la manne. Ce pèlerinage se produisit avant même que Nicolas soit reconnu comme Saint, d’abord par les chrétiens du l’empire byzantin ( au 6eme siècle, Justinien lui dédie une église à Constantinople) puis par les chrétiens occidentaux probablement à la fin du 11e siècle consécutivement au transfert des reliques de Saint Nicolas à Bari en 1087.


À suivre...

mardi 13 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (6)

NICOLAS RESSUSCITE TROIS PETITS ENFANTS
suite de l'article précédent

La légende de Saint Nicolas et des trois enfants tués par le boucher et ressuscités par le Saint est une des plus représentée dans l’iconographie en particulier en Lorraine dont Saint Nicolas est le saint patron. Que ce soit sur un vitrail, en statue ou en image traditionnelle, il apparaît la même scène : Saint Nicolas portant la mitre et la crosse, se trouve devant un cuveau figurant un saloir d’où sortent trois enfants nus en prières (à droite).

Cette légende est aussi l’objet d’une chanson populaire traditionnelle dont le texte, sans doute ancien, fut recueilli et versifié par Gérard de Nerval en 1842. C’est ce texte qui se trouve ci-dessous (à gauche ) :


Ainsi, on est passé de l’histoire de deux (ou trois)  clercs riches à celle de trois enfants de paysans que leurs parents ont envoyés pour ramasser les épis de blé laissés par les moissonneurs : on est passé aussi d’un aubergiste désirant détrousser les clercs à un boucher tuant les enfants pour saler leurs corps et vendre la viande.

Gérard de Nerval a sans doute codifié une chanson qui devait exister avec de multiples variantes locales. Ces variantes s’expliquent par le fait que cette légende se développa dans les croyances populaires et dans les Mystères théâtraux sans qu’existe, à ma connaissance, un support écrit consistant de référence.

Il convient de remarquer aussi que l’histoire de la résurrection des trois clercs, comme celle des trois petits glaneurs, fait référence au rite de la résurrection des morts et à l’aide que les saints intercesseurs peuvent apporter aux pécheurs pour gagner leur salut : des conceptions typiques de la contre-réforme catholique du milieu du 16è siècle.

Cette chanson est encore chantée aujourd’hui en Lorraine, cela montre la pérennité du culte populaire de Saint Nicolas dans l’Est de la France.

dimanche 11 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (5)

NICOLAS RESSUSCITE TROIS JEUNES GENS

C’est l'épisode le plus connu survenu pendant  la vie terrestre de l'évêque de Myre ; assez curieusement, il n’apparaît pourtant  pas dans la légende dorée de Jacques de Voragine, on le trouve cependant cité dans un mystère ( pièce de théâtre joué sur le parvis des églises) de Jean Borel  datant de 1200, «  li jus saint Nicolas »  : «  il ressuscita les trois clercs » et mentionné dans un sermon  attribué à saint Bonaventure :

 « Deux écoliers de famille noble et riche portaient une grosse somme d'argent, se rendait à Athènes pour y étudier la philosophie. Or, comme ils voulaient auparavant voir saint Nicolas pour se recommander à ses prières, ils passèrent par la ville de Myre. L'hôte, s'apercevant de leur richesse, se laissa entraîner aux suggestions de l’esprit malin, et les tua. Après quoi, les mettant en pièces comme viande de porc, il sala leur chair dans un vase (saloir). Instruit de ce méfait par un ange, saint Nicolas se rendit promptement à l’hôtellerie, dit à l’hôte tout ce qui s'était passé, et le réprimanda sévèrement; après quoi il rendit la vie aux jeunes gens par la vertu de ses prières. »

L’histoire de la résurrection des trois jeunes écoliers tués par l’aubergiste est représentée sur le vitrail 14 de la cathédrale de Chartres en trois épisodes mais aussi sur un vitrail en grisaille du chœur.


   . Le premier épisode montre trois jeunes gens (et non deux) qui arrivent devant la porte de l’auberge, ils sont tonsurés ce qui indique leur appartenance au monde clérical. Devant la porte, se trouve l’aubergiste qui porte une hache.
   . Sur le deuxième panneau, on aperçoit les trois jeunes clercs couchés, l’aubergiste les tue avec la complicité de sa femme qui se trouve derrière lui.

   . Le troisième panneau (ci-dessous) montre la résurrection des trois jeunes gens, Ils se trouvent au centre, nus dans un cuveau figurant un saloir, Saint Nicolas se trouve à droite tandis que à gauche et au pied du Saint, le tavernier et sa femme implorent son pardon.
   . Le vitrail en grisaille montre le même épisode mais sans qu’interviennent le tavernier et sa femme : on y trouve l’image classique des jeunes gens debout dans un cuveau remerciant Saint Nicolas qui se trouve debout devant eux.


Cette dernière image sera reprise de multiples fois dans l’iconographie sacrée et populaire et donnera lieu à de multiples variantes dont la plus connue mettra en scène un boucher et trois petits paysans.

À suivre...

samedi 10 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (4)

SAINT NICOLAS SAUVE PAR DEUX FOIS TROIS CONDAMNÉS A MORT.

Jacques de Voragine raconte cette histoire en deux épisodes, le miracle n’intervenant que dans le deuxième. Pour l’illustrer, j’ai utilisé un panneau de Fra Angelico et trois panneaux du retable de Tallinn.

PREMIER ÉPISODE, NICOLAS SAUVE TROIS JEUNES CONDAMNÉS À MORT

 LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE
Dans le même temps, une nation se révolta contre l’empire romain ; l’empereur envoya contre elle trois princes, Népotien, Ursus et Apilion. Un vent défavorable les fit aborder au port adriatique, et le bienheureux Nicolas les invita à sa table, voulant par là préserver son pays des rapines qu'ils exerçaient dans les marchés. Or un jour, pendant l’absence du saint évêque, le consul, corrompu par argent, avait condamné trois soldats innocents à être décapités. Dès que l’homme de Dieu en fut informé, il pria ces princes de se rendre en toute hâte avec lui sur le lieu de l’exécution : à leur arrivée, ils trouvèrent les condamnés le genou fléchi, la figure couverte d'un voile et le bourreau brandissant déjà son épée sur leurs têtes. Mais Nicolas, enflammé de zèle, se jeta avec audace sur le licteur, fit sauter au loin son épée de ses mains, délia ces innocents et les emmena avec lui sains et saufs ; de là, il court au prétoire du consul ...  Le saint... lui dit : « Ennemi de Dieu, prévaricateur de la loi,  tu es coupable d'un si grand crime. » Après donc avoir reçu sa bénédiction, les envoyés de  l’empereur continuent leur route et soumettent les révoltés sans répandre de sang.


Les deux panneaux présentent une vision concordante des faits, les trois jeunes gens ont les yeux bandés, le bourreau a levé son épée et le premier  condamné s’apprête à recevoir le coup fatal. Alors Nicolas  prend le bras du bourreau  sur le panneau de Fra Angelico et se saisit de la lourde épée à deux mains sur le retable de Tallinn et arrête ainsi l'exécution.

Il ne s’agit pas d’un miracle au sens réel du terme mais beaucoup plus d’un acte de courage personnel de Nicolas, le miracle interviendra dans le deuxième épisode de cette histoire.

Comme dans tous les représentations de scènes antiques aux 15e et 16e siècles, le décor correspond non à l’époque antique mais à celle des peintres, on peut d’ailleurs constater une évolution des costumes entre la peinture de Fra Angelico et celle du retable de Tallinn : sur ce dernier panneau, le surcot a été raccourci et se boutonne devant, les chausses deviennent collantes...

À remarquer au point de vue stylistique sur la peinture de Fra Angelico, l’apparition d’une perspective bien visible au niveau de la muraille de la ville ; par contre, les montagnes restent traitée selon les procédés en cours à la fin du moyen-âge.


DEUXIÈME ÉPISODE NICOLAS SAUVE LES TROIS PRINCES CONDAMNÉS À MORT PAR L’EMPEREUR

 A leur retour, ils furent reçus par l’empereur avec magnificence. Or quelques-uns, jaloux de leurs succès, suggérèrent ..., au préfet de l’empereur, de les accuser auprès de lui du crime de lèse-majesté. L'empereur circonvenu, et enflammé de colère, les fit emprisonner et sans aucun interrogatoire, il ordonna qu'on les tuât cette nuit-là même.

 Informés de leur condamnation par le geôlier, ils déchirèrent leurs vêtements et se mirent à gémir avec amertume. Alors l’un deux ...se rappelant que le bienheureux Nicolas avait délivré trois innocents, exhorta les autres à réclamer sa protection. Par la vertu de ces prières, saint Nicolas apparut cette nuit-là à l’empereur Constantin et lui dit : « Pourquoi avoir fait saisir ces princes si injustement et avoir condamné à mort des innocents? Levez-vous de suite, et faites-les relâcher tout aussitôt ; ou bien je prie Dieu qu'il vous suscite une guerre dans laquelle vous succomberez et deviendrez la pâture des bêtes. » « Qui es-tu, s'écria l’empereur, pour pénétrer la nuit dans mon palais et  m’oser parler ainsi ? » « Je suis, répliqua-t-il, Nicolas, évêque de la ville de Myre. ». Il effraya aussi de la même manière le préfet dans une vision. « Insensé, lui dit-il, pourquoi as-tu consenti à la mort de ces innocents? Va vite et tâche de les délivrer, sinon ton corps fourmillera de vers et ta maison va être détruite. » « Qui es-tu, répondit-il, pour nous menacer de si grands malheurs? » « Sache, lui répondit-il, que je suis Nicolas, évêque de Myre. »


Le dessin du retable de Tallinn reprend intégralement le récit de Jacques de Voragine, pour cela, il accole dans un même lieu les prisonniers dans leur cachot et la chambre de l’empereur. Les trois princes sont assis les mains jointes, leurs jambes sont immobilisés dans un carcan. L’empereur est couché dans un lit surmonté d’un baldaquin, il a posé sa couronne sur un tabouret.

L'empereur (se rend auprès des prisonniers et)  leur dit ..: « Quels arts magiques connaissez-vous, pour nous avoir soumis à de pareilles illusions en songes? » Ils répondirent qu'ils n'étaient pas magiciens, et qu'ils n'avaient pas mérité d'être condamnés à mort. « Connaissez-vous, leur dit l’empereur, un homme qui s'appelle Nicolas ? » En entendant ce nom, ils levèrent les mains au ciel, en priant Dieu de les délivrer, par les mérites de saint Nicolas, du péril qui les menaçait. Et après que l’empereur leur eut entendu raconter toute sa vie et ses miracles : « Allez, dit-il, et remerciez Dieu qui vous a délivrés par ses prières ; mais portez-lui quelques-uns de nos joyaux, de notre part, en le conjurant de ne plus  m’adresser de menaces, mais de prier le Seigneur pour moi et pour mon royaume. 

Ainsi, Nicolas, encore vivant, semble entendre à distance l’appel des trois princes et se projeter en songe dans la chambre de l’empereur et dans celle du consul. On retrouve donc ce don d’ubiquité décrit dans la relation du miracle décrit précédemment.

Peu de jours après, ces hommes se prosternèrent aux pieds du serviteur de Dieu, et lui dirent : « Vraiment vous êtes le serviteur, le véritable adorateur et l’ami du Christ: » Quand ils lui eurent raconté en détail ce qui venait de se passer, il leva les yeux au ciel, rendit de très grandes actions de grâces à Dieu. Or après avoir bien instruit ces princes, il les renvoya en leur pays.

Comme lors des miracles décrits précédemment, Nicolas avec une grande humilité ne s'attribue pas le miracle qui provient, selon lui à Dieu seul.

On peut s'étonner que le retable de Tallinn figure ces scènes sur trois panneaux sur les neuf que comporte le retable. Il est probable que l'artiste lübeckois a voulu magnifier l'empereur idéal capable de reconnaître ses injustices et de faire preuve de magnanimité par ce miracle, saint Nicolas est devenu le protecteur des opprimés.

jeudi 8 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (3)

J’évoquerai, dans cet article, deux des premiers miracles que cite Jacques de Voragine dans la légende dorée : Nicolas sauve une ville de la famine et Nicolas sauve des marins de la tempête. Ces deux miracles sont illustrés ci-dessous par une peinture de Fra Angelico et un panneau du retable de Tallinn

LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE

Toute la province où habitait saint Nicolas eut à subir une si cruelle famine, que personne ne pouvait se procurer aucun aliment. Or l’homme de Dieu apprit que des navires chargés de froment étaient mouillés dans le port. Il y va tout aussitôt prier les matelots de venir au secours du peuple qui mourait de faim, en donnant, pour le moins, cent muids de blé par chaque vaisseau. « Nous n'oserions, père, répondirent-ils, car il a été mesuré à Alexandrie, et nous avons ordre de le transporter dans les greniers de l’empereur: » Le saint reprit: « Faites pourtant ce que je vous dis, et je vous promets que, par la puissance de Dieu, vous n'aurez aucun déchet devant le commissaire du roi. »

Ils le firent et la quantité qu'ils avaient reçue à Alexandrie, ils la rendirent aux employés de l’empereur; alors ils publièrent le miracle, et ils louèrent Dieu qui avait été glorifié ainsi dans son serviteur. Quant au froment, l’homme de Dieu le distribua selon les besoins de chacun, de telle sorte que, par l’effet d'un miracle, il y en eut assez pendant deux ans, non seulement pour la nourriture, mais encore pour les semailles.

LES REPRÉSENTATIONS ICONOGRAPHIQUES

La peinture de Fra Angelico montre ce miracle dans la partie gauche du tableau : on y aperçoit à l’extrême gauche, une ville construite sur des rochers abrupts qui domine une anse où sont amarrés quelques bateaux ; l’anse est dominée par une côte rocheuse indentée, représentée selon les conventions habituelles  du 15e siècle en forme de vagues tempétueuses . Nicolas, reconnaissable à sa mitre épiscopale, discute avec le capitaine du navire tandis que des matelots déchargent des sacs de blé.


La partie de droite du tableau de Fra Angelico ainsi que le panneau du retable de Tallinn montrent deux scènes du sauvetage des marins dans la tempête :
     . Sur la peinture de Fra Angelico, on aperçoit le bateau en perdition au milieu d’ondulations verdâtres qui figurent la mer déchaînée, Nicolas apparaît dans un halo de lumière, on le voit tirer sur les cordages  qui permettent de manier les voiles.
     . Sur le panneau de droite, le bateau, une lourde cogue hanséatique, que Nicolas vient de sauver, est arrivée à bon port, avec son mat cassé,  l'évêque de Myre semble attendre le retour du bateau debout sur la grève.

Ces deux représentations montrent l’aspect des bateaux de l’époque, une coque en « coquille de noix », un gaillard avant, une seule voile ne permettant que d'avancer que vent arrière : ils sont inaptes à naviguer en haute mer et ne peuvent que longer les côtes en espérant que le vent soufflera dans la bonne direction pour les faire progresser.

LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE

Un jour que des matelots étaient en péril, et, que, les yeux pleins de larmes, ils disaient : « Nicolas, serviteur de Dieu, si ce que nous avons appris de vous est vrai, faites que nous en ressentions l’effet. » Aussitôt, leur apparut quelqu'un qui ressemblait au saint : « Me voici, dit-il ; car vous  m’avez appelé. » Et il se mit à les aider dans la manœuvre du bâtiment, soit aux antennes, soit aux cordages, et la tempête cessa aussitôt. Les matelots vinrent à l’église de Nicolas, où, sans qu'on le leur indiquât, ils le reconnurent, quoique jamais ils ne l’eussent vu. Alors ils rendirent grâces à Dieu et à lui de leur délivrance : mais le saint l’attribua à la divine miséricorde et à leur foi, et non à ses mérites.

Le texte de Jacques de Voragine présente une description qui concorde avec les représentations picturales à cependant une exception près qui concerne le retable de Tallinn : Nicolas n’est pas présent sur le littoral lors du retour du bateau, ce sont les marins qui se rendirent à sa cathédrale et le remercièrent. Cet épisode de la vie de Nicolas  fit que le futur saint Nicolas devint le patron des marins,

Il convient  de remarquer que ce miracle fut accompli du vivant de l’évêque de Myre ce qui donnait au futur Saint  un curieux don d'ubiquité, il fut en effet, durant sa vie terrestre, capable d’apparition en tant que personne réelle à des marins qu’il aida,comme une personne réelle en tirant sur les cordages. Une telle ubiquité apparaîtra aussi dans le miracle suivant qui permit de sauver trois condamnés à mort.

mardi 6 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (2)

NICOLAS DEVIENT ÉVÊQUE DE MYRE

La désignation puis l'ordination épiscopale de Nicolas sont représentées à la fois à la cathédrale de Chartres (5 panneaux du vitrail 14) et sur le retable de Tallinn (deux panneaux peints). Entre les deux figurations, il apparaît quelques différences qui sont dues à la chronologie de leurs élaborations : en effet, le vitrail de Chartres date d’une époque antérieure à la rédaction de la légende dorée, il a été inspiré par un texte plus ancien, écrit par Honorius d’Autun (1080-1151)

Les deux sources diffèrent légèrement au niveau de la désignation de Nicolas, par contre elles semblable à celui de son ordination

LES PANNEAUX DU VITRAIL DE CHARTRES


Selon moi, ces quatre panneaux possèdent non seulement  une signification religieuse mais aussi une connotation politique : celle de la manière dont sont désignés les évêques : les textes canoniques prévoient que le choix d’un évêque doit s’effectuer selon   l’ « electio cleri et populi », par le peuple et par les clercs (en fait par les chanoines de la cathédrale) ;  il ne doit jamais être  nommé par une quelconque autorité ecclésiastique ou laïque. La désignation des évêques par les princes et les empereurs sera l’objet de nombreuses querelles entre le pape et le pouvoir temporel dont la plus célèbre est la querelle des investitures qui opposa l’empereur Henri IV et le pape Grégoire VII entre 1075 et 1122 et qui se termina par la victoire de la papauté.

Sur le vitrail de Chartres, est réaffirmé le principe du choix de l’évêque par les clercs sans interférence de la puissance temporelle. Le miracle n’est signalé que par le fait que c’est la « main de Dieu » qui désigne Nicolas comme évêque. Ce type de pratique existait dans des cas exceptionnel où l’un des participants se déclarait inspiré par Dieu pour le choix du nouvel évêque.

LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE ET LE PREMIER PANNEAU DU RETABLE DE TALLINN
La correspondance entre le récit de la légende dorée et la représentation du retable de Tallinn est par contre beaucoup plus évidente :

L'évêque de Myre vint à mourir sur ces entrefaites ; les évêques s'assemblèrent pour pourvoir à cette église. Parmi eux se trouvait un évêque de grande autorité, et l’élection dépendait de lui ...cette nuit-là même il entendit une voix qui lui disait de rester le matin en observation à la porte; celui qu'il verrait entrer le premier, dans l’église, et qui s'appellerait Nicolas, serait l’évêque qu'il devait sacrer. Il communiqua cette révélation à ses autres collègues, et leur recommanda de prier, tandis que lui veillerait à la porte.

 O prodige! à l’heure de matines, comme s'il était conduit par la main de Dieu, le premier qui se présente à l’église, c'est Nicolas. L'évêque l’arrêtant : « Comment t'appelles-tu, lui dit-il? » Et lui; qui avait la simplicité d'une colombe, le salue et lui dit : « Nicolas, le serviteur de votre sainteté. » On le conduit dans l’église, et malgré toutes ses résistances, on le place sur le siège épiscopal.

L’ORDINATION DE NICOLAS
Les deux scènes sont semblables : Nicolas est figuré  de face, assis sur la cathèdre épiscopale. Il est entouré d’évêques ( dont un cardinal) comme le veulent les canons ecclésiastiques qui prescrivent que l’ordination doit s’effectuer en présence des évêques de la région.

Sur le retable, les deux prélats le coiffe de la mitre.

Sur le vitrail, Nicolas porte la mitre et le pallium ; un des deux évêques le bénit avant de lui remettre la crosse qui symbolise son pouvoir spirituel.

dimanche 4 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (1)

Établir une comparaison entre les œuvres littéraires et les représentations artistiques est d’un grand intérêt dans la perspective de comprendre quelle correspondance il existe entre ces deux moyens d’expression ; c’est ce que je me propose de faire à propos de saint Nicolas dont on célèbre la fête le 6 décembre en Lorraine, en Alsace,  dans le Nord de la France, mais aussi en Belgique, en Allemagne et plus généralement dans toute l’aire de civilisation germanique et slave.

Pour le faire, j’utiliserai diverses sources :
     . La légende dorée (1298) de Jacques de Voragine, dont je me bornerai à citer quelques extraits de la vie de Saint Nicolas,  un sermon attribué à saint Bonaventure (1217-1274) et des extraits d’un poème de Robert Wace.
     . Pour l’iconographie, le retable de l’église saint Nicolas de Tallinn ( élaboré de 1478 à 1481 à Lübeck dans l’atelier d’Hermen Rhode), trois vitraux consacrés à saint Nicolas de la cathédrale de Chartres (début du 13e siècle),  la prédelle d'un grand triptyque que Fra Angelico exécuta en 1437 pour la Chapelle de Saint Nicolas  de l'église Saint Dominique à Pérouse. (1), un vitrail de l’église de Vézelise ( Meurthe et Moselle) et une sculpture de la basilique de saint Nicolas de Port.

SAINT NICOLAS VIENT EN AIDE À TROIS JEUNES FILLES PAUVRES 

Texte de Jacques de Voragine
Après la mort (des parents de Nicolas), il commença à penser quel emploi il ferait de ses grandes richesses, pour procurer la gloire de Dieu, sans avoir en vue la louange qu'il en retirerait de la part des hommes. Un de ses voisins avait trois filles vierges, et que son indigence, malgré sa noblesse, força à prostituer, afin que ce commerce infâme lui procurât de quoi vivre. Dès que le saint eut découvert ce crime, il l’eut en horreur, mit dans un linge une somme d'or qu'il jeta, en cachette, la nuit par une fenêtre dans la maison du voisin et se retira. Cet homme à son lever trouva cet or, remercia Dieu et maria son aînée. Quelque temps après, ce serviteur de Dieu en fit encore autant. Le voisin, qui trouvait toujours de l’or, était extasié du fait; alors il prit le parti de veiller pour découvrir quel était celui qui venait ainsi à son aide. Peu de jours après, Nicolas doubla la somme d'or et la jeta chez son voisin. Le bruit fait lever celui-ci, et poursuivre Nicolas qui s'enfuyait : alors il lui cria : « Arrêtez, ne vous dérobez pas à mes regards. » Et en courant le plus vite possible, il reconnut Nicolas; de suite il se jette à terre, veut embrasser ses pieds. Nicolas l’en empêche et exige de lui qu'il taira son action tant qu'il vivrait.
                
   les scènes représentées ci contre ; 


Nicolas jetant l'argent par la fenêtre : 
   - vitrail 14 de Chartres à gauche,
   - prédelle de Fra Angelico     

le pere remercie Nicolas :       
   - vitrail 14 de Chartres à droite     
   - retable de Tallinn                             
Il va de soi que la légende ne pouvait être intégralement représentée picturalement, vitraux et peintures ont choisi de figurer les deux moments les plus significatifs, l’acte de charité que représente le  don anonyme de l’argent et celui d’humilité au moment où Nicolas essaie de ne pas de faire reconnaître et refuse tout remerciement.





.1 :  deux panneaux se trouvent au musée du Vatican, Les autres parties du retable, démembré au XIXe siècle, sont conservés à la Galleria Nazionale dell'Umbria de Pérouse.

samedi 3 décembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (80) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LA FIN D’ANGKOR

Angkor Thom représente la dernière grande réalisation de la civilisation angkorienne avant son inéluctable déclin. Postérieurement au règne de Jayavarman VII commence en effet la sclérose progressive et irréversible du système que l’on nomme la « cité hydraulique ».  Les causes en sont variées.

Il y a d’abord la limitation due aux rivières elles-mêmes qui ne peuvent pas fournir plus d’eau que celle de leur cours ;  trois rivières ont été successivement utilisées pour alimenter les Baray, le Strung Roulos pour le baray de la ville de Hariharalaya, le  Strung Siem Rep pour le Baray occidental puis pour le Jayatataka, le  Strung Puok pour le Baray oriental. Ensuite, il n’y eut plus de rivières disponibles, les autres  Baray furent alimentés par les eaux de la mousson ou par les nappes phréatiques.

Parallèlement, le besoin en eau augmentait sans cesse tant pour permettre l’irrigation des zones irriguées qui  s’étendaient de plus en plus  que pour alimenter les villes dont la population croissait.

A cela s’ajoutait la détérioration des installations ; les Baray s’envasent peu à peu ce qui nécessitait soit de  les curer, soit de les surhausser au moyen de digues ce qui rompait les pentes naturelles des canaux et créerait des problèmes de différences de pression. La détérioration des installations s’accentuait lors des invasions étrangères, celles des Chams et surtout celle des Siamois aux 14e et 15e siècles du fait que, pendant ces périodes, il était impossible d’effectuer les travaux d’entretien nécessaires.

Enfin, la surexploitation agricole par l’irrigation conduisit au lessivage des sols et les rendit peu à peu inexploitable ;  de large zones durent être abandonnées.

Ainsi se conjuguèrent les deux facteurs du déclin : la quantité moindre d’eau d’irrigation et  l’infertilité croissante des sols : la production de riz diminue, l’appauvrissement de la population se produit, les moyens affectés aux réparations du système deviennent de plus en plus réduits, ce qui diminue  encore les possibilités d’irrigation. Néanmoins, le  roi continue à habiter Angkor-Thom dans une ville peu à peu désertée qui demeure capitale du  royaume. En 1434, les siamois s’emparent d’Angkor et mettent à sac la cité.

Peu à peu, les Khmers quittent la zone du Tonle-Sap et font de la région des quatre bras (confluent du Mékong et du Tonle Sap  et début du delta du Mekong), région jusqu'alors marginale du royaume, le centre de leur domination, c’est à ce confluent que se trouve Phnom Penh, la capitale actuelle du Cambodge.

NOTE : LES TECHNIQUES DE CULTURES SELON LE DIPLOMATE CHOU-JA-KAN

Dans ce pays, il y a de la pluie pendant la moitié l’année ; et, pendant l’autre moitié , il n’y en a pas du tout.... Après le solstice d’été, (de mai jusqu’en octobre), il tombe tant de pluie, que tous les fleuves débordent, et que les eaux s’élèvent jusqu’à sept ou huit tchang (24,4m)  et recouvrent la cime des plus grands arbres ; tous les habitants des bords des rivières se retirent dans les montagnes ; ensuite...(de novembre jusqu’en avril) la pluie cesse absolument, les fleuves permettent à peine le passage aux plus petites barques, et les endroits les plus profonds n’ont pas plus de trois à cinq tchhi (1,5m) ; alors les habitants  reviennent pour les travaux de la terre, dont l’époque se trouve ainsi fixée : quand les grains sont mûrs, c’est l’époque de l’inondation ; l’espace où elle s’étend est celui que l’on cultive et où on fait les semailles. Dans les opérations d’agriculture, on n’emploie pas de bœufs, ni de charrue, ni de herse, ni de faucille, ni de houe, ni d’autres instruments semblables. Quoique les grains qu’on sème ressemblent à ceux de la Chine, il y a des différences dans la manière de les cultiver. Les Cambodgiens en ont une espèce qui vient dans les terrains bas sans qu’on la sème. Quand l’eau s’élève à dix pieds, l’épi la suit et se tient toujours à la même hauteur qu’elle. Ils ne font pas usage de fumier pour leurs grains ni pour leurs herbes potagères ; cela leur paraît  malpropre et impur.

jeudi 1 décembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (79) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM


LA DESCRIPTION DE LA VILLE SELON LE RÉCIT DU DIPLOMATE CHINOIS CHOU-JA-KAN ( Zhou Daguan)

Ce qui subsiste de la cité d’Angkor Thom témoigne,  malgré les dégradations du site, de la magnificence d’une somptueuse capitale ; pourtant on regrette de ne pas disposer de plus de renseignements  sur la vie quotidienne que ceux que nous fournissent les reliefs ; heureusement, il existe le témoignage de Chou-Ja-Kan,  officier chinois, qui eut, vers la fin du treizième siècle, une mission diplomatique à remplir dans le royaume de Tchin-la (et que les gens du pays nomment eux-mêmes  Kan-phou-tchi.)

Pour terminer cette description de la cité d’Angkor-Thom, je me bornerai à citer quelques extraits des descriptions de la capitale faite par le diplomate chinois.

LE PALAIS
J’ai déjà cité dans l’article n°72 quelques extraits de la vie du palais, en voici quelques compléments :

" Le roi a cinq épouses ; l’une qui est la principale, et les quatre autres d’un rang inférieur. Quant aux concubines, j’ai entendu dire qu’il y en avait de trois à cinq mille, qui sont encore distribuées en plusieurs classes ; elles ne sortent jamais.

Quand un particulier a de belles filles, on les fait entrer dans le palais ; celles d’entre elles qui vont et viennent sont employées au service ; elles sont appelées Tchin-kia-lan, et leur nombre n’est pas moindre d’un à deux mille, il y en a parmi elles qui ont leurs maris, et qui habitent confondues avec les autres personnes de la ville ; elles ne se distinguent que parce qu’elles se rasent les cheveux aux deux côtés des joues, et se peignent avec du cinabre les joues ainsi que les tempes ; c’est là le signe distinctif des Tchin-kia-lan. Il n’y a que ces femmes qui aient le droit d’entrer dans le palais ; les autres n’y sont pas admises "

Cette description évoque la cité interdite des empereurs de Chine, elle doit correspondre à la situation du palais du roi khmer de l’époque, cependant,  il se peut aussi que Chou-Ja-Kan ait transposé dans ce texte  ce qu'il connaissait en Chine.

LES MAISONS
" Après le palais, les maisons des princes de la famille royale et des grands officiers ont les dimensions et une hauteur plus considérables que celles des particuliers ; du reste, toutes sont couvertes en chaume ; il n’y a que les temples dont la façade et les constructions de derrière peuvent êtres recouvertes en tuiles. Les maisons des magistrats ont aussi des dimensions particulières, réglées d’après le rang des possesseurs ; celles des moins considérables sont, comme celles des simples particuliers, recouvertes en chaume ; car ceux-ci n’oseraient faire usage de tuiles. Les maisons des bourgeois varient de grandeur suivant la richesse ou la pauvreté des propriétaires ; mais les plus riches ne se hasarderaient pas à construire une maison semblable à celle des officiers de l’état."

LA HIÉRARCHIE DES DIGNITAIRES
" Il y a dans ce pays des ministres, des généraux, des présidents chargés d’observer le ciel, et d’autres grands officiers qui ont sous eux des adjoints, des juges et d’autres employés ; seulement leurs titres ne sont pas les mêmes qu’en Chine : la plupart sont pris parmi les membres de la famille royale ; et, quand on n’en trouve pas, on choisit jusqu’à des femmes qui exercent des emplois ; leurs revenus et leurs honneurs sont réglés d’après leur rang ; au premier rang sont ceux qui ont le droit de se servir de chaises-à-porteurs ou de palanquins d’or, et de quatre parasols à manche d’or ; puis ceux qui ont la chaise d’or et deux parasols ; les troisièmes ont la chaise d’or avec un seul parasol ; ceux du quatrième ordre n’ont que le parasol à manche d’or ; ceux du cinquième ordre ont un parasol à manche d’argent"

Cette description est corroborée par les reliefs des temples décrivant des batailles : ils montrent en effet de nombreux parasols sculptés au-dessus des combattants. Chou-Ja-Kan indique que cette  hiérarchie est très différente de celle de la Chine où les dignités s’obtiennent non par la faveur du roi mais par les résultats des candidats aux concours impériaux.

L’HABILLEMENT
"Depuis le roi jusqu’au dernier des habitants, les hommes comme les femmes nouent leurs cheveux au haut de leur tête ; ils vont les bras nus, et les reins ceints seulement d’une ceinture de toile ; quand ils sortent, ils ajoutent un grand morceau de toile par-dessus le petit ; ces morceaux de toile varient suivant les conditions ; celui que porte le roi a des ornements d’or fin, pesant trois ou quatre onces, et qui sont d’une beauté admirable.

Hommes et femmes vont nus, la poitrine découverte, les cheveux noués sur la tête, les pieds nus ; la reine elle-même ne va pas autrement"

LES TROIS SORTES DE PRÊTRES
" Ceux qui sont de la secte des lettrés s’appellent Pan-ki ; les prêtres de Bouddha se nomment Tchou-kou, les Tao-sse, Pa-sse.

     . Il n’y a que les Pan-ki dont le fondateur n’est pas connu ; ils n’ont rien de ce qu’on appelle collège ou salle d’études, et il serait fort difficile de dire quels sont les livres qu’ils étudient. Ils sont vêtus de toile comme les gens du commun, excepté qu’ils portent sur le front un ruban blanc , qui est la seule marque distinctive à laquelle on reconnaisse qu’ils sont lettrés. Ceux des Pan-ki, qui entrent dans les charges, deviennent de grands personnages, et le ruban blanc qu’ils portent au cou ne les quitte jamais pendant toute leur vie.

     . Les Tchou-kou se rasent les cheveux ; ils portent des habits jaunes et ont le bras droit nu. La plupart de leurs temples sont couverts en tuiles, et il n’y a dans l’intérieur qu’une seule statue, qui représente Chakia Bouddha ;  elle est vêtue de rouge et faite d’argile peinte avec du vermillon et de la couleur bleue. ... Ils n’ont ni cloches, ni tambours, ni cymbales, ni drapeaux, ni dais précieux. Tous les prêtres mangent du poisson et de la viande ; seulement ils s’abstiennent de boire du vin, mais ils se servent de viande et de poisson dans leurs cérémonies à l’honneur de Bouddha. Ils n’ont dans leurs temples ni cuisine ni foyers. Les livres sacrés qu’ils récitent sont en grand nombre, et tous écrits sur des feuilles de palmier qu’on place l’une sur l’autre bien régulièrement ; on écrit dessus avec des lettres noires, sans se servir ni de pinceau ni d’encre, mais avec je ne sais quelle matière qui m’est inconnue.

     . Les Pa-sse sont vêtus comme les gens du peuple, excepté qu’ils portent sur leur tête une toile rouge Ou blanche, comme la coiffure des femmes tartares, mais plus basse. Ils ont aussi des édifices et des tours, ainsi que des couvents et des temples, mais qui ne peuvent se comparer, pour la magnificence, aux monastères des Bouddhistes dont la religion est aussi bien plus florissante. Dans leurs temples il n’y a point de représentations particulières, mais seulement un amas de pierres, comme celui qui sert à la Chine pour les sacrifices au ciel et à la terre"

Grâce à ces extraits, on peut se faire une idée assez précise de la vie quotidienne à Angkor-Thom  avec une foule  bigarrée de gens circulant au milieu des chaises à porteurs des dignitaires surmontées des parasols qui témoignent de leur place dans la hiérarchie.

mardi 29 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (78) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite et fin)

LA TERRASSE DU ROI LÉPREUX jouxte le perron nord de la terrasse des éléphants et constitue un ensemble séparé de cette dernière. Comme elle, elle est construite en avancée sur l’esplanade des parades. Comme le perron nord, elle comporte deux murs emboîtés, le  premier n’ayant pas été jugé assez solide pour contenir le remblai qui se trouve derrière. De même aussi que  le perron Nord, la partie enterrée avait été sculptée, ce qui a permis de retrouver ces reliefs en bon état.

Les décors des faces extérieures et intérieures sont quasiment identiques avec des registres superposés qui doivent représenter les sept mondes de l’hindouisme. Comme on le voit sur la photo ci-dessous, il ne subsiste plus que six frises sur le mur extérieur, la septième ayant pratiquement disparue.


Sur la terrasse elle-même, a été découverte une statue in-situ Cette sculpture a donné son nom à la terrasse car on y a cru voir  la représentation d’un roi atteint de cette maladie du fait de traces verdâtres de lichen sur son corps. En réalité, il doit s’agir  Çiva ou plus sûrement de YAMA, le dieu du monde des morts ; cette hypothèse a fait imaginer que la terrasse pouvait servir de lieu de crémation pour la dépouille royale.


Les motifs sculptés qui apparaissent sur les frises subsistantes présentent une grande homogénéité avec diverses représentations du panthéon hindouiste ; on y trouve en effet  principalement :
     . Des représentations de serpents nagas à sept ou neuf têtes  sur le registre inférieur, elles sont sculptées soit au centre de ce registre,  soit dans les angles externes des redents, formant transition entre les deux faces.(photo de gauche)
     . Des dieux assis, porteurs de glaives ou de bâton, ayant une figure menaçante, ils sont entourés de deux personnages féminins portant des éventails,(photo du centre)
    . Des alignements de déesses assises,
    . Des apsaras.(photo de droite)

Cette terrasse daterait du règne de Javavarman VII, on peut s’en étonner puisqu’elle ne comporte aucune mention du bouddhisme dont le roi était un fervent dévot.

dimanche 27 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (77) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite et fin)

Le perron terminal nord est le plus complexe du fait que les archéologues ont retrouvé trois états successifs de construction : les murs de la terrasse des éléphants représentent en effet les parements du soubassement de terre qui porte le palais. Un premier mur fut construit (en rouge sur le plan) ) mais il menaça de s'écrouler sous la poussée du remblai, alors fut construit un second mur (en bleu sur le plan) puis un troisième (en vert sur le plan) qui comporte les deux escaliers frontaux. Une fois ce dernier mur construit, les intervalles entre les anciens murs furent comblés afin de consolider l’ensemble.

Cette situation est d’un grand intérêt archéologique car les anciens murs commençaient à être recouverts de parements sculptés ; ceux-ci ont été abandonnés lors de l’érection des nouveaux murs  en sorte que les archéologues ont pu les découvrir dans un bon état de conservation lorsqu’ils dégagèrent la gangue de remblai qui les recouvrait.

La décoration de ce perron nord ne possède pas la rigueur symétrique des reliefs du reste de la terrasse ; sur le plan ci-dessus, sont indiqués les diverses types de sculptures qui le décorent.  Elles semblent vouloir représenter une sorte de synthèse maladroite des éléments décoratifs du reste de la terrasse .
     . On y trouve d’abord des éléphants en relief dans les deux formes définies à propos du perron sud et des perrons latéraux : une tête d’éléphants semblant émerger du podium au niveau de chaque angle et trois têtes d’éléphants au centre et en avant de la façade principale du perron,
     . Entre ces têtes, on ne trouve pas une frise d’éléphants comme sur le perron sud mais des atlantes aux bras levés ; en outre, au-dessus de ces atlantes se trouve une frise d’apsaras, personnifiant le monde céleste ; de telles représentations ont été trouvées parmi les reliefs du Baphuon.
    . Enfin, sur une partie du mur de chaque côté du perron sont sculptées des frises représentant, semble-t-il, des scènes de combats.

Ce mélange des motifs sculptés fait penser à une reconstruction postérieure à l’élaboration du reste de la terrasse, à une période où l’on semble avoir perdu le sens de l’harmonie qui caractérisait les édifices de l’époque de Jayavarman VII.


La partie la plus intéressante  du perron nord est, selon moi, celle qui a été cachée lors de la double  réfection des murs de soutènement. On y trouve en particulier un cheval à cinq têtes mitrées entouré  de deux rangées de personnages.  Ceux de la partie haute semblent danser sur des fleurs de lotus. Ceux de la partie basse figurent des guerriers en position de combat. Ils sont également debout sur des fleurs de lotus et arborent un casque à cimier dont on ne trouve pas d’autres traces dans les reliefs d’Angkor.

Parmi les hypothèses qui pourrait permettre d’authentifier ce cheval à cinq têtes, on peut penser à Bahala, cheval volant du bouddhisme, au char de Surya, le dieu hindouiste du soleil,  tiré par sept chevaux ou par un cheval à sept têtes ou à celui d'Arjuna, le héros du Mahabarata, tiré par cinq chevaux ou par un cheval à cinq têtes. La présence de guerriers de part et d’autre du cheval semble étayer cette dernière  hypothèse et pourrait permettre de penser que la scène représenterait la bataille de Kurukshetra.

Je n’ai trouvé aucune indication dans les ouvrages que j’ai consultés sur la datation de ce relief dont l'iconographie suggère une époque antérieure à celle de Jayavarman VII.

vendredi 25 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (76) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite)

Le deuxième type de sculptures décorant le podium est celui représentant les atlantes ayant l’aspect d’humains ; leurs corps sont tous semblables : les jambes sont écartées et arc-boutées sur la corniche inférieure, les bras levés semblent supporter la corniche supérieure.


On peut discerner deux types d’atlantes (photo de gauche) :
   . Les uns sont des oiseaux reconnaissables à leur bec crochu et leurs ailes, dissimulées sous les bras, on retrouve ce même type d’atlantes sur le mur d’enceinte du Ta Prohm. Il doit s’agir de Garuda, la monture de Vichnou.
   . Les autres représentent un animal pourvu d’une large gueule qui doit être celle d’un lion. On peut penser qu’il s’agit de Narasimba, un des avatars de Vichnou mais aussi du lion qui est la monture une des shakti de Civa personnifiée sous le nom de Durga..  Si cette dernière hypothèse est la bonne, on se trouverait face à une remarquable cohérence idéologique puisque le podium représenterait la monture d’Indra, celle de Vichnou et celle de Durga, trois dieux hindouistes qui évoquent à la fois la guerre du bien contre le mal mais aussi la préservation du monde. Encore une fois, il convient de noter à propos de  cette terrasse,  le syncrétisme qui rassemblait bouddhisme et brahmanisme.

Il n'existe pas de reliefs spécifiques au niveau des coins en saillie comme il en apparaissait  sur la partie du podium ayant les éléphants pour thème, les atlantes occupent les angles (photo de droite) ;  la moitié de leur corps se trouve d’un côté et l’autre moitié sur le côté qui lui est perpendiculaire.


Au niveau des balustrades, les sculptures sont beaucoup moins originales que sur le podium puisqu’on en trouve de semblables dans tous les temples d’Angkor depuis la fondation de la ville d’Hariharalaya : les lions établis de part et d’autre des escaliers et les balustrades composées de Nagas aux sept têtes relevées en éventail.

Le perron central et sa frise d'atlantes.
A l’arrière, on aperçoit le gopura d’entrée du palais proprement dit. .

mardi 22 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (75) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL (suite)

A l’exception du perron nord, la terrasse des éléphants présente une grande cohérence décorative avec deux formes principales au niveau du podium et deux autres sur le bord de la terrasse.


Les deux formes principales associent des éléphants et des atlantes selon une répartition symétrique qui l’on peut suivre du perron sud jusqu’au perron nord non inclus. Ce dernier, en effet, n’obéit  pas au plan d’ensemble du fait qu’il a subi  plusieurs reconstructions successives.

Les sculptures représentant des éléphants comportent à leur tour deux formes dérivées selon que les animaux sont figurés en frise ou en relief.


La photo de gauche montre un détail d'une longue frise d’éléphants vus de profil. Ils ne sont pas représentés en cortège faisant pendant aux défilés qui devaient se produire sur l’esplanade ; on y trouve  plutôt des scènes de combats ressemblant beaucoup à ceux qui sont figurés sur les reliefs d’Angkor Vat et du Bayon. Les éléphants s’avancent pour prendre part à la bataille, les uns sont déjà au contact de l’ennemi ; ils portent sur leur dos, outre leur cornac, des archers, lançant des flèches sur l’ennemi. Dans cette perspective, la frise des éléphants est une manifestation  de la puissance du roi et aussi de l’invincibilité dont il témoigne lors des combats contre les ennemis du royaume assimilés au mal.

Les deux photos de droite, montrent des éléphants en relief. Ils sont tous représentés de la même manière : on en voit la tête, les défenses et la trompe, les oreilles sont à peine esquissées comme si on voulait figurer un éléphant émergeant du mur du podium. L’extrémité de leurs trompes n’est pas apparente car elle est enfouie dans les herbes qu’elles saisissent. Leurs  têtes sont surmontées généralement d'une tiare.

On trouve deux types de représentations de ces éléphants en relief :
     . Des têtes isolées sont sculptées en avant des angles saillants des redents qui organisent le perron,
     . Des groupes de trois têtes encadrent les escaliers d’accès à la terrasse. De telles représentations se trouvent aussi au niveau des portes de l’enceinte d’Angkor Thom ainsi qu’aux portes du Ta Prohm.

Ces  éléphants en relief peuvent avoir une double signification : On peut penser d’abord qu’il s’agit simplement de renforcer encore l’impression de puissance de l’armée khmère mais il se peut aussi qu’ils possèdent une signification religieuse par référence à Aivarata, la monture d’Indra, roi védique des Dieux, Dieu du ciel et de la guerre dont les armes sont la foudre et l’arc ( figuré par l’arc en ciel). Dans cette deuxième hypothèse, La présence d’Aivarata sur le podium du palais où se trouve le roi établirait une étroite corrélation entre les combats du roi et ceux d’Indra.

Un dessin de Louis Delaporte du perron sud montre la manière dont sont repartis les éléphants sculptés  sur le podium.


dimanche 20 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (74) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES TERRASSES PRÉCÉDANT L’ESPLANADE DU PALAIS ROYAL

LA TERRASSE DES ÉLÉPHANTS a été élevée à l’époque de Jayavarman VII en avant de celle du Palais Royal existant  afin de créer une ample perspective sur le palais vue de l’esplanade située en contrebas.

Cette terrasse  constituait le soubassement d’un palais officiel servant au roi à assister aux parades qui se tenaient sur la place et à recevoir ses hôtes de marque. Ce palais a été décrit en particulier le chinois Chou Ja Kan lorsqu’il visite Angkor en 1296

«  les tuiles qui recouvrent la façade du palais sont en plomb ; celles des autres parties de l’édifice sont en terre cuite de couleur jaune ; les colonnes et les poutres de traverse sont très-grandes, et toutes couvertes de peintures qui représentent Bouddha ; le sommet se termine par un magnifique donjon ; sur les ailes, on a ménagé de doubles galeries avec une esplanade qui se termine par une rotonde en talus. Dans le lieu où se tient le conseil, il y a une fenêtre à treillis d’or ; à gauche et à droite sont deux piliers carrés, au haut desquels on a placé quarante ou cinquante miroirs, qui font que les objets sont représentés aux côtés de la fenêtre, de manière à être aperçus par ceux qui sont en bas.

La découverte par les archéologues de tuiles de plomb aux abords de la terrasse peut confirmer ce récit. Cependant, à l’exception de ces tuiles, il ne reste rien de ce palais probablement construit en matériaux périssables.

Actuellement, ce que l’on peut visiter se compose de deux ensembles comme le montre le plan ci-contre  :
     . Un podium de trois mètres de haut  courant de l’entrée de l’enceinte du Baphuon jusqu’à l’extrémité nord du Palais Royal
     . Cinq perrons s’avançant sur l’esplanade :
          . (1) Le perron central se trouve situé au centre du petit côté du palais face à la route de la victoire, il permettait au roi d’assister à l’arrivée de son armée venue de la porte de la victoire. A l’arrière de la terrasse devait se trouver  la salle de réception du roi décrite par Chou Ja Kan puis le  pavillon qui menait à l'intérieur du palais dont l'entrée était interdite à tous ceux qui n'y résidaient pas selon le récit du même voyageur chinois.
          . (2) De part et d’autre de ce perron principal sont construits deux perrons latéraux qui le cantonne.
          . (3)  Aux extrémités nord et sud, deux perrons terminaux ferment  la terrasse. Leur disposition suggère qu’ils devaient servir à porter les pavillons latéraux du palais afin d'équilibrer  les formes architecturales de la terrasse et du palais qui la surmontait.

À suivre...

samedi 19 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (73) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

En complément de ma description des reliefs du Bayon, , je voudrais citer  ci-dessous deux extraits du récit effectué en 1295 par un voyageur chinois. Chou Ja Kan qui relate la vie quotidienne dans le royaume Khmer.

Le premier extrait décrit la promenade du roi, on y retrouve une grande correspondance avec le défilé de l’armée à la guerre représenté à Angkor-vat comme au Bayon :

« Dans l’espace d’une année que j’ai été retenu dans ce pays, j’ai vu le roi sortir quatre ou cinq fois : la cavalerie marchait en avant, avec les drapeaux, les bannières, les tambours, la musique ; derrière étaient les femmes du palais au nombre de trois à cinq cents, vêtues de toile peinte, avec des fleurs dans leurs cheveux, tenant à la main de grands cierges.... Quoique ce fût en plein jour, les cierges étaient allumés ; il y avait aussi des femmes qui portaient des vases d’or et d’argent du palais, divers ornements, et d’autres choses dont l’usage ne m’était pas connu. Il y avait aussi des femmes armées de lances et de boucliers, et qui forment la garde intérieure du palais, aussi rangées en bataillon. Il y avait ensuite des chars traînés par des chèvres ; d’autres traînés par des chevaux, les uns et les autres enrichis d’ornements d’or.

Les grands officiers, les magistrats, les princes, tous montés sur des éléphants avec des parasols rouges qu’on apercevait de loin, et dont on n’eût pu compter le nombre, précédaient la reine et les femmes du roi, avec leurs suivantes, les unes dans des palanquins, les autres sur des chars, ou sur des chevaux, ou sur des éléphants, ayant des parasols dorés, au nombre de plus de cent ; après elles venait le roi lui-même, debout sur un éléphant, tenant à la main une épée précieuse ; les défenses de l’éléphant étaient dorées ; et l’on tenait autour de lui vingt parasols blancs enrichis de dorures, dont les manches étaient d’or ; tout autour étaient des troupes nombreuses d’éléphants, et de la cavalerie pour servir de gardes. ... Ceux  qui voient passer son cortège doivent se mettre à genoux et frapper la terre du front ...

Le deuxième extrait décrit l’aspect du marché :

" Dans ce pays ce sont les femmes qui ont le plus d’habileté pour le commerce ; c’est pourquoi ceux des Chinois qui y viennent, et qui commencent par prendre à leur service une femme, y trouvent de l’avantage, à raison de leur habileté dans le négoce.

Il y a marché tous les jours, depuis cinq ou six heures du matin jusqu’à midi, heure où le marché se ferme ; au lieu de boutique on couvre seulement avec des nattes un espace de terre ; chacun a sa place que l’officier public lui loue. Dans les petits marchés on fait des échanges de riz ou d’autres grains, ou de marchandises chinoises. Dans les marchés plus considérables, on vend des toiles, et, dans les grandes affaires, on traite des matières d’or et d’argent. Les gens de ce pays sont extrêmement simples ; quand ils voient un Chinois, ils lui témoignent un grand respect, ils l’honorent comme un Dieu, et se prosternent devant lui. Cependant il s’y trouve aussi bon nombre de fripons, qui profitent de la multitude de ceux qui viennent commercer, pour exercer leur métier."

jeudi 17 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (71) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LES BAS-RELIEFS  DU BAYON

Ils se trouvent, comme à Angkor-Vat, sous le portique précédant la première galerie du Bayon de manière à ce que tous les Khmers venus à Angkor Thom puisse y admirer, entre autre,  la relation des exploits de leur roi :


On trouve en effet de nombreuses scènes de bataille où l’on voit les deux armées khmère et Cham s’avancer puis se combattre. Ces scènes sont semblables à celles que présente  le temple d' Angkor-Vat avec une armée composée de la même manière :
     . Des fantassins combattant avec une pique qu’ils tiennent des deux mains, certains possèdent des boucliers attachés au bras ;  les premiers, à l’avant-garde, portent une sorte de justaucorps qui doit les protéger des lances ennemies,
     . Des cavaliers qui les commandent,
     . Des éléphants de guerre conduits par un cornac et portant des archers qui protègent l’avance des fantassins au moyen de bordées de flèches
   . Les oriflammes et les parasols

La scène de la bataille navale du Tonle Sap entre la flotte cham et celle improvisée par Jayavarman VII et est aussi largement représentée. (Cf article "Angkor 46" à propos de Jayavarman VII)


C’est sous cette scène de combat naval que l’on trouve les reliefs les plus intéressants car ils figurent des scènes de la vie quotidienne et en particulier de marché. On y aperçoit de nombreux khmers faire leurs emplettes, des grands restaurants qui travaillent à la chaîne pour préparer les brochettes de viande avec leur accompagnement cuit sur une pierre chaude ; il y a aussi des services à la personne une manucure, un dentiste, un forgeron... ; des porteurs viennent approvisionner les étals ; enfin, dans un coin, des jongleurs sont entourés de nombreux spectateurs.

Ci-dessous se trouvent quelques unes de ces scènes.


mardi 15 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (71) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LE BAYON (suite)
L'ÉNIGME DES TOURS A VISAGES

La plupart des spécialistes de l’art khmer et d’Angkor se posent à juste titre la question de savoir qui est représenté sur les tours à visages.


Avant de tenter de répondre à cette question, il convient de remarquer que toutes ces tours ne sont pas semblables, il existe en effet de nombreuses variantes :
     . D’abord au niveau de la base de ces tours, les unes (les pavillons axiaux et d’angle..) possèdent des structures quadriformes tandis que d’autres (les tours du palier supérieur du deuxième étage)  ne comportent que de simples salles carrées précédées d’un porche à peine saillant.
     . Ensuite au niveau des visages :  certes, ces visages comportent le même aspect d’ensemble : yeux en amandes, sourire énigmatique, diadème avec sculptures de pierres précieuses, boucles d’oreilles... Pourtant des différences apparaissent : certains portent des moustaches, d’autres possèdent un troisième œil au centre du front.
    . Enfin, le nombre de faux étages qui constituent la coiffe commune unifiant les quatre visages est différent selon les tours avec quatre, trois ou même deux étages.

Les photos ci-dessous montrent quelques exemples de tours :

Il existe de nombreuses hypothèses concernant les personnages représentés sur les tours.

Une première hypothèse pose d’abord  la question de savoir si les quatre visages des tours représentent les mêmes personnages : : si ce n’est pas le cas, on pourrait alors penser à des associations de quatre Dieux et en particulier ceux des points cardinaux avec par exemple représentations d’Indra, de Yama, de Varuna et de Kubera, ce pourrait-elle être aussi les déités bouddhistes gardiennes des quatre directions : Aksobhya, Ratvasambhava, Amithabha et Amoghasiddhi ou aussi les quatre rois célestes du bouddhisme : Virudhaka, Dhrtarastra, Virupaksa, Vaisravana.

Si les quatre visages des tours représentent les mêmes déités, il existe plusieurs possibilités ; en voici quelques-unes que j’ai pu trouver lors de mes recherches :

    . Certains pensent reconnaître des dieux tantriques du bouddhisme Vajrayana comme Heyjvara.

    . On peut penser aussi à Lokesvara, un Bodhisatva assimilé à Avalokistevara mais possédant une individualité propre, il est qualifié du terme de Samtamukha quand il est représenté avec quatre têtes, ce qui pourrait correspondre aux quatre visages des tours. Cependant,  Lokesvara porte normalement dans son chignon une statue d’Amintabha, ce qui rend son identification peu crédible.  Dans le même ordre d’idée, on pourrait penser que les quatre visages pourraient ceux de Brahma.

   . Les visages pourraient être aussi ceux du Bodhisadva Avalokistevara qui selon le LOTUS DE LA BONNE FOI est capable de prendre toutes les formes pour enseigner et ainsi pratiquer la compassion ce qui pourrait expliquer les différences entre les diverses représentations des visages représentés : « Il y a, ô fils de famille, des univers dans lesquels le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara enseigne la loi aux créatures sous la figure d’un Buddha, Il y a des univers où le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara enseigne la loi aux créatures sous la figure d’un Bôdhisattva. A quelques-uns, c’est sous la figure d’un Pratyêkabuddha que le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara enseigne la loi ; à d’autres, c’est sous celle d’un Çrâvaka, ou sous celle de Brahmâ, ou de Çakra, (Indra) ou d’un Gandharva. Aux êtres faits pour être convertis par un Yakcha, c’est sous la figure d’un Yakcha qu’il enseigne la loi, et c’est ainsi qu’il prend les figures d’Içvara (Civa), de Mahêçvara (Vichnou) , d’un Râdja Tchakravartin ( un souverain) d’un Piçâtcha, de Vâiçravana,( un des quatre rois célestes)  de Sênâpati, d’un Brahmane, de Vadjrapâni ( un autre Bodisatva) pour enseigner la loi aux créatures faites pour être converties par ces divers personnages. Telles sont, ô fils de famille, les qualités inconcevables à cause desquelles le Bôdhisattva Mahâsattva Avalôkitêçvara est appelé de ce nom. »

Une dernière possibilité peut être évoquée celle de la représentation du roi dans son assimilation à Lokesvara-Avalokiteshvara, cette idée peut s’appuyer sur deux stances de la stèle du Preah-khan :
  . 34 : Le roi Cri JAYAVARMAN VII a consacré un Lokeca (ouvert les yeux du seigneur du monde selon une autre traduction) ) appelé Cri Jayavarmeçvara à l’image de son père
  . 35 : autour du saint Avalokistevara qui est au milieu, le roi a placé 283 dieux

Ces deux stances montrent que Jayameçvara est le Bodhisatva Avalokistevara,  représenté avec le visage du roi, Dharanindravarman. II ; si on transpose cette conception au roi Jayavarman VII , on peut penser que les tour à visages figurent le Bodhisatva représenté  avec le visage du roi.

Ainsi, de ces deux dernières caractéristiques, on peut formuler l’hypothèse suivante :
     . Les visages représentent le roi dans son assimilation au Bodhisatva,
     . Le Bodhisatva prend les diverses formes indiquées dans le Lotus de la bonne loi, ce qui explique les différences remarquées dans les visages
     . Il peut aussi prendre les quatre visages de Lokesvara Samtamukha ce qui permet au roi divinisé de porter son regard dans toutes les directions de son royaume.

Dans le cadre de cette hypothèse de la représentation du roi assimilé au Bodhisatva, les auteurs qui l’ont établi ont constaté que les pied-droits des tours à visages comportent des inscriptions dédiées aux divers dieux vénérés dans les provinces du royaume ; les tours à visages qui surmontent ces cellas sembleraient alors installer la puissance rayonnante du roi au-dessus des cultes locaux et témoignerait de la protection que le roi divinisé apporte aux provinces.

Si cette hypothèse est la bonne, (celle à laquelle j'adhère parce qu’elle est la plus vraisemblable) on pourrait considérer que le Bayon serait une sorte de Panthéon National où les dieux des  diverses provinces seraient représentées sous l’autorité unique et bienfaisante du roi.

A suivre...


dimanche 13 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (70) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LE BAYON (suite de l'article précédent)

LE PREMIER NIVEAU
Plan du premier niveau coloré en orange :



Coupe effectuée au niveau des galeries du coin Nord-Ouest  montrant l’étagement des niveaux successifs du Bayon

La structure de ce premier niveau est bien visible sur la photo  de la partie extérieure  de la maquette du temple.vu du côté Est ( maquette du musée Guimet)


L’espace entre le premier étage et le second fut, selon ce que j’ai pu en lire, aménagé postérieurement à l’époque de Jayavarman VII avec d’abord création de salles-passages voûtées pour relier  les tours et les portes de la galerie inférieure à celles de la galerie qui lui est  immédiatement supérieure. Ces galeries furent ensuite démolies pour créer des bibliothèques (deux subsistent mais on peut penser qu’il y en avait quatre à chaque coin.)

À suivre...

samedi 12 novembre 2016

Un regard sur ANGKOR (CAMBODGE) (69) YASHODARAPURA 4, ANGKOR THOM

LE BAYON (suite)

LE DEUXIEME ETAGE

La structure du deuxième étage est assez complexe car il  comporte trois  paliers dénivelés successifs. Pour rendre compte de la structure de ce niveau, j’ai effectué, lors de ma visite, une coupe simplifiée de direction Est-Ouest ; cette coupe est reportée par un trait orange sur le plan ci-dessus.

Les documents que j’ai pu consulter établissent la chronologie suivante :

     . Les constructions des paliers supérieurs (en bleu foncé sur le plan et la coupe) et intermédiaires (en bleu moyen) de  ce deuxième étage sont pratiquement contemporaines de l’aménagement  de la terrasse portant le sanctuaire.
     .  par contre celles du palier inférieur (en bleu clair) sont probablement postérieures et ont été érigées lorsque le plan cruciforme du temple est devenu carré.


La coupe
  .1- le haut podium mouluré du troisième étage, il est relié aux paliers du deuxième étage  par les escaliers mentionnés plus haut. (couleur beige du plan)

  . Les édifices du palier supérieur du deuxième étage
          . une galerie (2)  couverte d’une voûte à double encorbellements comportant un mur plein (3) vers l’extérieur du temple et une galerie à piliers vers l’intérieur (4)  face au haut podium portant le troisième étage. Il est probable que ce mur plein correspondait, au moment de sa construction, au mur de clôture du temple séparant le sacré du profane.
          . Un portique (5) établi en avant de la galerie à piliers donne sur une étroite allée (6) dominée par le podium du troisième étage.

   . Le palier intermédiaire,bleu moyen)
Il ne comporte qu’un portique à colonnes (7) adossé au mur plein (3) de la galerie et couvert d’une voûte à simple encorbellement. Des ouvertures percées dans le mur plein permettent de relier le palier supérieur à ce palier intermédiaire.

  . Le palier inférieur,bleu clair)
          . Il s’y trouve d’abord une cour (8) entourée d’une alternance de galeries et de tours à visages comme le montre le plan (les tours à visages sont indiquées par un rond violet)  
          . Puis se trouve une nouvelle galerie (9) comportant un mur plein (10) vers l’extérieur et un mur à fenêtres (11)  vers la cour. Ce mur plein établit la séparation entre le monde sacré et le monde profane, tout comme le mur 3 avant que cette galerie fut construite.
          . La galerie est cantonnée de deux portiques : l’un (12) est orienté vers la cour, l’autre (13) est adossé au mur plein (9). Sur ce mur, ouvert aux profanes, se trouvaient de magnifiques fresques racontant les exploits militaires du roi ainsi que de nombreuses scènes de la vie quotidienne.
          . Un escalier (13) permet ensuite de gagner le premier niveau.


Deux photos du second étage vues du premier niveau

A suivre...