REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 31 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (8) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

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La  SITUATION EN 1660 APRÈS LA PAIX D’OLIVA consacre la prépondérance de la Suède sur les pays Estes et Lettons. Celle-ci fait suite à plusieurs guerres entre la république des deux Nations (royaume de Pologne et grand-duché de Lituanie unis par le compromis de Lublin depuis 1569)  la Russie et la Suède. La dernière de ces guerres, appelée le déluge, vit la Pologne-Lituanie complètement envahie par les armées russes et suédoises.

A l’issue de cette guerre, la Suède va s’emparer non seulement de la Livonie mais aussi de l’Ingrie : ainsi, la Baltique est devenue « un lac suédois ». Seule la Courlande échappe à cette conquête, restant sous la suzeraineté de la Pologne-Lituanie. La Suède organise ses conquêtes en quatre entités : l’Estland (capitale Tallinn), l’Ingrie (capitale Narva), la Livland (capitale Tartus puis Riga) et les Îles.

La SITUATION EN 1721  témoigne de l’avant-dernière modification du statut politique des pays Este et Letton. La Russie du Tzar Pierre 1er, toujours en quête d’un accès à la Baltique et à la possession d’un port en eau libre sur cette mer déclare la guerre à la Suède. Cette guerre est marquée en particulier  par  l’invasion de la Russie par les armées du roi de Suède Charles XII et par sa défaite à Poltava (1710)

A la PAIX DE NYSTAD, LA Russie s’empare de l’Estland, de la Livland et de l’Ingrie. Seul le duché de Courlande échappe à la conquête russe.

dimanche 29 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (7 ) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale


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RUSSIE, POLOGNE-LITUANIE ET SUÈDE ENTRENT EN JEU

La carte ci-dessus présente la SITUATION EN 1561 après la signature du traité de Vilnius qui crée de nouveaux partages des pays Este et Letton sans évidemment que les peuples autochtones aient eu leur mot à dire.

 L'époque qui suit le traité de Thorn de 1466 (voir article précédent) est marquée par l’entrée en scène progressive de deux nouveaux assaillants :
   . La Suède qui aspire à faire de la Baltique un lac suédois,
.  . La Russie menée par le tsar Ivan IV qui veut s’emparer de la Livonie afin d’obtenir aussi un accès à la mer et ainsi, contrôler la route commerciale menant de la Russie à la Baltique. Les hostilités entre les villes de la Hanse et la Russie  se sont déjà traduites par l’expulsion des marchands germaniques de Novgorod et la fermeture du comptoir de la Hanse,  cela a conduit les marchands Livoniens à expulser les marchands russes de Livonie en guise de représailles.

L’armée russe  envahit la Livonie en 1558, l’ordre de Livonie est vaincu, il fait appel à Sigismond II Auguste souverain de la  Pologne-Lituanie qui ne demande pas mieux d’intervenir afin de s’emparer de la Livonie tandis que  les villes Estes font appel à la Suède. Les russes sont obligés de se retirer.

Parallèlement à cette guerre, le grand-maître de l’ordre Livonien, Gotthard Kettler  devenu protestant, décide de séculariser son ordre comme l’avait fait en 1525 Albert de Brandebourg pour l’ordre Teutonique.

La fin de la guerre est concrétisée par le traité de Vilnius et par le partage des dépouilles entre les vainqueurs ;
     . L’Estonie du Nord devient suédoise,
     . Les îles sont attribuées aux danois,
     . La Livonie est partagée en deux parties :
          . Le Nord est constitué en duché et rattaché directement à la Lituanie, unie à l'époque à la Pologne  sous l’autorité du même souverain.
          . Le Sud devient le duché de Courlande qui est attribué à Gotthard Kettler, le dernier maître de l’ordre de Livonie sécularisé. Ce duché est placé sous la suzeraineté du roi de  Pologne.

Ainsi, après ce traité, la situation des deux pays Estes et Letton voit se différencier trois niveaux :
   . Tout en bas, une paysannerie asservie et attachée à la terre qui reste complètement à l’écart de ce qui se passe dans son pays.
   . Au-dessus, les bourgeois des villes commerçantes et les grands propriétaires d’origine germanique ; ces derniers maintiennent d’une main de fer leur domination sur le pays.
   . Au-dessus encore, le pouvoir politique émanant des conquérants ; ils obtiennent la coopération des barons baltes qui peuvent ainsi conserver leurs privilèges sociaux.

A suivre

vendredi 27 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (6 ) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

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L’APOGÉE DE L’ORDRE TEUTONIQUE ET LA SITUATION EN 1466 APRÈS LA DÉFAITE DE TANNENBERG

Désormais, l’histoire des pays Este et Letton se confond avec celle de l’ordre Teutonique qui entamera une politique d’expansion comme le montre la carte de gauche ci-dessous,  présentant la situation au tout début du 15e siècle : l’ordre s’est étendu non seulement à l’ouest, mais aussi il a réussi à faire sa  jonction avec l’ordre Livonien après que Vytautas, grand duc de Lituanie, lui ait concédé la Samogitie.


Les velléités nouvelles  d’expansion des Teutoniques conduisent à l’intervention conjointe de Ladislas Jagellon, roi de Pologne et de son neveu Vytautas grand-duc de Lituanie et à la défaite de l’ordre Teutonique à la bataille de Grünwald- Tannenberg (24 juin 1410).

Cette bataille sonne le glas des visées hégémoniques de l’ordre Teutonique ; de nouvelles défaites l’obligent à accepter le traité de Thorn dont la carte de droite fait état :
   . La Samogitie revient à la Lituanie,
   . La Prusse dite royale revient à la Pologne,
   . Ce qui reste des territoires de l’ordre doit se placer sous la suzeraineté de la Pologne.

L’ordre de Livonie, ancien ordre des porte-glaives devenu branche autonome de l’ordre Teutonique, également affaibli, se voit imposer par le prince-évêque de Riga et les autres évêques du pays,  la création de la Diète de Livonie qui aura pour but de régler les différents entre les états composant la confédération dominant alors les pays Estes et Lettons : désormais, l'ordre de Livonie n'est plus le puissant pouvoir en pays Este et Letton, il doit composer avec les autres membres de la confédération,

À suivre

mardi 24 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (5) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

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LA SITUATION DES PAYS ESTES ET LETTONS AU TEMPS DE LA COLONISATION ALLEMANDE

Les colons allemands se sont imposés et  superposés aux peuples Letton et  Este sans qu’apparaisse un quelconque amalgame des populations : ces deux mondes se côtoient et forment quasiment des entités sociales séparées.

D’un côté,  se trouvent ceux qui ressortent du monde germanique, ils se constituent en classe dominante et prospère  qui habite les villes enrichies par le commerce hanséatique ;  Riga et Tallinn servent de débouché aux produits russes (miel, cire, peaux et fourrures ) et approvisionnent la Rus par l’intermédiaire du comptoir de Novgorod ; les deux villes s’affilieront d’ailleurs à la Hanse au cours du 13e siècle.

Elles présentent encore aujourd’hui un aspect typiquement germanique associant :
   - des hautes maisons étroites à pignons donnant sur la rue,
   - une place principale où trône un Rathaus (maison du conseil)  pourvu d’un beffroi, manifestation que les villes sont devenues des petites républiques autonomes,
   - de très hauts clochers d’églises, de puissants remparts.

Commerçants et artisans s’unissent en guildes qui se réservent le monopole de l’activité économique et dans laquelle la spécificité germanique est maintenue intacte.

La campagne constitue un monde complètement séparé et dominé. Les vassaux nommés par les évêques et les chevaliers de l’ordre se sont taillés de vastes domaines qu’ils font cultiver par les paysans Estes et  Lettons sous forme de corvées selon un système typiquement féodal ; ils lèvent les impôts, dont la dîme, effectuent la justice et en perçoivent les revenus. Peu à peu, la situation des paysans jusqu’alors libres se dégrade, ils se voient imposer des mesures qui vont peu à peu faire apparaître un véritable servage, ils seront attachés à la terre sans pouvoir vendre leurs petites exploitations et ils subiront des corvées de plus en plus lourdes.  Des actes de vente de paysans apparaissent mêmes.

Les paysans se voient aussi dirigés spirituellement par des prêtres germaniques qui imposent l'évangélisation et répriment toute référence aux cultes païens traditionnels autochtones.

Un tel dualisme social et politique sera maintenu inchangé jusqu’au milieu du 19e siècle, les « barons baltes » s’adapteront aux envahisseurs successifs et en deviendront même des serviteurs zélés afin de garder leur influence sur la campagne.

dimanche 22 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (4) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

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LA CONQUÊTE ET LA COLONISATION ALLEMANDE

Alors que les pays Estes et Lettons sont vaincus,  conquis et convertis sans doute superficiellement, il s’élève de nombreuses querelles entre l’ordre des Porte-Glaives et l’évêque de Riga ; ce dernier a reçu de l’empereur du Saint-Empire le titre de Prince-Évêque qui lui donne, outre son pouvoir spirituel, un pouvoir temporel avec suzeraineté sur les terres de son évêché. Au nom de ce pouvoir, il exige que lui soient remises les 2/3 des conquêtes, ce que l'ordre militaro-monastique, principal acteur de la conquête, n'est évidemment pas disposer à accepter.

La  carte ci-dessous présente LA SITUATION EN  1237 avec division des pays Estes et Lettons en six entités : quatre évêchés, l’ordre des Porte-Glaives, le Danemark.

Cette évolution s’est accomplie en deux temps :
     . En premier lieu, l’ordre des Porte-Glaives, décide d’envahir la Lituanie restée païenne, il est vaincu à la bataille de Saule (1236).
     . Affaibli, l'ordre doit se résoudre accepter trois dispositions nouvelles :
          . D’abord, par le compromis de Stenby, il doit admettre un partage du pays entre ses possessions et celles des évêques : ainsi se forme la confédération livonienne,
          . Il doit rendre au Danemark le pays des Estes dont il s'était emparé en 1227 sous prétexte de mater une révolte,
          . Il doit surtout consentir à être incorporé à l'ordre Teutonique qui a été créé en 1220,  dont il devient une branche autonome sous le nom d’ordre de Livonie.

A suivre

vendredi 20 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (3) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

Suite de l’article précédent

LA CONQUÊTE ET LA COLONISATION ALLEMANDE
La conquête allemande résulte de deux motifs très différents l’un de l’autre :
   . Pour l’église, il convient de christianiser les derniers peuples païens d’Europe ;  les premiers missionnaires chrétiens sont bientôt relayés par les croisades autorisées par les papes Célestin III et Innocent III (1198-1200).
   . Les  allemands effectuent à cette époque une vigoureuse expansion commerciale vers la Baltique qui se marque en particulier par la fondation de Lübeck en 1143 puis par la création de la Hanse en 1181. Les marchands hanséatiques ont alors pour ambition de se substituer aux scandinaves sur la route menant à Novgorod.

Ces deux motifs se conjuguèrent pour mettre en oeuvre la soumission des peuples Este et Letton.

La carte ci-contre montre LA SITUATION EN 1225, vingt-cinq  ans seulement après l’appel à la croisade d’Innocent III.

la conquête  fut l’oeuvre de trois protagonistes :
     . Le chef de la croisade l’évêque Albert de Buxhövden qui, dès 1200, fonda Riga à l’embouchure de la Daugava ; désormais, grâce à cette fondation, la voie de Novgorod s’ouvrit au commerce hanséatique,
     . La croisade d’Albert, composée de chevaliers allemands venus temporairement dans les pays baltes, fut relayée par la fondation d’un ordre de moines-chevaliers (les Fratres militiae Christi ou chevaliers Porte-Glaives) qui prirent la tête des expéditions contre les Lettons puis les Estes. Après de durs combats, les chrétiens furent vainqueurs. .
     . Le roi du Danemark qui fut appelé à la rescousse pour prendre à revers les Estes. Il reçut pour prix de son aide le Nord de la région. (1) et ville de Reval. Tallinn fut fondée par les danois en 1219.

1 :  Les danois perdront le pays Este dès 1226 du fait d’une rébellion des Estes qui amène les Porte-Glaives à s’emparer du pays mais ils le récupéreront en 1237.

A suivre






mercredi 18 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (2) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

LES VICISSITUDES DE L’HISTOIRE.

A l’origine, les peuples Estes et Lettons n’étaient pas destinés à subir une histoire commune tant ils étaient différents par leur provenance :
     . Selon les sources archéologiques, les Estes sont arrivés au bord de la Baltique au 4ème millénaire, ils utilisent une langue dite finno-ougrienne que pratiquent aussi les finnois, les peuples du Nord de la Russie et les hongrois, ils viennent peut-être de la région ouralienne.
     . Les Lettons seraient arrivés plus tard, au 3ème millénaire ; tout comme les Lituaniens, ils utilisent une langue indo-européenne.

Ils ont laissé de leur lointain passé, des traces archéologiques comme de la céramique cordée et des haches de pierre polie.

Les deux peuples Este et Letton ont en commun de ne jamais avoir dépassé à cette époque le stade des petites tribus dispersées,  ce qui les rendait très vulnérables face à leurs puissants voisins.

Les premiers visiteurs étrangers furent des navires grecs et romains venus acheter de l’ambre. Des peuples appelés Estes  sont nommément cités par Tacite :

"Au-delà des Suiones est une autre mer, dormante et presque immobile. On croit que c'est la ceinture et la borne du monde, parce que les dernières clartés du soleil couchant y durent jusqu'au lever de cet astre, et jettent assez de lumière pour effacer les étoiles. La vérité est que la nature finit en ces lieux.

En revenant donc à la mer suévique, on trouve sur le rivage à droite les tribus des Estyens. Ils ont les usages et l'habillement des Suèves ; leur langue ressemble davantage à celle des Bretons. Ils adorent la Mère des dieux. Pour symbole de ce culte, on porte l'image d'un sanglier : elle tient lieu d'armes et de sauvegarde ; elle donne à l'adorateur de la déesse, fût-il entouré d'ennemis, une pleine sécurité.

 Les Estyens combattent peu avec le fer, souvent avec des bâtons. Ils cultivent le blé et les autres fruits de la terre avec plus de patience que n'en promet la paresse habituelle des Germains. Ils fouillent même la mer, et seuls de tous les peuples ils recueillent le succin, (l’ambre) qu'ils appellent gless : ils le trouvent entre les rochers et quelque fois sur le rivage." Tacite, Germanie, XLV


Dès l’époque des grandes invasions ayant mis fin à l'empire romain d'occident, les pays Letton et Este sont l’objet de double convoitises :
     . D’un côté, les Varèges venus de Scandinavie utilisent la rivière Daugava et les fleuves russes pour effectuer un fructueux commerce avec l’empire  byzantin, ils fondent les cités-états de Novgorod et de Kiev en tant qu'étape vers Constantinople.
     . Vers l’est, s’installent des slaves qui envahissent périodiquement les pays baltes pour leur extorquer des rançons.



L’occupation du pays ne fut cependant pas leur fait ; au 13ème siècle se développèrent  de nouvelles menaces émanant du saint Empire Romain Germanique alors que les tribus Estes et Lettones, à la  différence des Lituaniens,  ne formaient toujours pas d’entités politiques structurées.

A suivre

lundi 16 octobre 2017

ESTONIE-LETTONIE (1) : les vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale


L’Estonie et la Lettonie possèdent une histoire particulièrement douloureuse marquée par les invasions successives de leurs puissants voisins scandinaves, allemands et russes et par l’asservissement de leurs populations aux envahisseurs.

À l'exception d’une brève période entre les deux guerres mondiales, ces deux pays furent sous le joug de puissances étrangères pratiquement   dès leur origine et jusque 1990.

Dans ces conditions, on peut considérer comme un miracle que les peuples Estes et Lettons aient pu préserver l’essentiel de leur spécificité culturelle ce qui leur a permis de se constituer, malgré toutes les vicissitudes de l’histoire, en tant que  nations unies et souveraines.

C’est ce paradoxe que je voudrais tenter de montrer en décrivant d’abord les grandes phases d’asservissement de ces peuples puis en montrant comment s’est constituée leur culture.

samedi 14 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (16)

Suite de l’article précédent

Peut-on dire que l’on était plus heureux autrefois que maintenant ? Cette question n’a aucun sens ; nous sommes actuellement dans une société différente qui a rendu certaines valeurs obsolètes et en a développé d’autres. Certains peuvent  certes regretter  le déclin des valeurs d’autrefois, pourtant, réduire l’évolution survenue à ce simple déclin serait une simplification abusive.

Selon moi, la principale nouveauté de la société actuelle par rapport à l’ancienne, réside dans les progrès techniques qui ont considérablement transformé le cadre de vie : le téléphone portable, l’électronique et l’informatique ont permis, entre autre, cette mutation. Il suffit par exemple de brancher son ordinateur pour disposer d’une vision immédiate et planétaire de tout ce qui se passe, pour accomplir,  sans partir de chez soi, la plupart des tâches quotidiennes qui nécessitaient autrefois de longues files d’attente à la gare, à la poste, dans les services publics, dans les magasins… le téléphone portable permet de joindre tout de suite  un interlocuteur dans la plus grande partie du monde. Désormais, on peut vivre dans l’immédiateté, une question posée à un interlocuteur est généralement traitée dans la journée ; cela permet de disposer de plus de temps que l’on peut consacrer aux loisirs, à la vie familiale et à la culture.

Cette mutation nécessite une adaptation que la plupart des personnes âgées n’ont pas assumée. Elles  se trouvent, de ce fait, marginalisé et à l'écart d’un environnement qu’elles  ne comprennent plus.

A cela s’ajoute disent-elles, le fait que notre monde actuel a subi de plein fouet la déliquescence des valeurs morales traditionnelles qui n’ont pas été remplacées, sécrétant une société  où l’individualisme et la quête du plaisir par l’assouvissement immédiat de ses désirs sont érigés en valeurs suprêmes. Elles n’ont pas tout à fait tort.

Dans de telles conditions, on peut comprendre que beaucoup de personnes âgées se réfugient dans leur passé en idéalisant un mode de vie qui ne méritait probablement pas de l’être.

Fin

jeudi 12 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (15)

Suite de l’article précédent 

La dernière caractéristique contribuant à notre bonheur était que nous disposions d’un cadre de vie stable et rassurant.

Il était très rare, au moins dans les milieux populaires, que l’on divorce, surtout quand il y avait des enfants ; les parents étaient mariés pour la vie entière, même s’il y avait des querelles dans le couple ou si la femme était malheureuse du fait de l’alcoolisme de son mari.

Dans la famille, chacun avait sa place, le père de famille travaillait pour subvenir aux besoins du ménage. La mère de famille, même si elle travaillait, était la maîtresse absolue dans la maison. Outre les tâches ménagères, c’est elle qui s’occupait de la tenue de son foyer ; elle considérait que, quand son mari rentrait harassé de sa journée de travail, il ne devait pas avoir à accomplir de tâches domestiques,

C’etait aussi à sa femme que généralement,  le mari remettait l’argent de la paie qu’il recevait en argent liquide ; de même, c’était elle qui gérait les comptes de la famille.

Enfin, c’est la mère de famille qui s’occupait prioritairement de l’éducation des enfants. Le seul moment où le père intervenait effectivement, survenait quand ceux-ci avaient commis une faute grave (bêtise, réprimande du maître, bagarre, impolitesse…) ; ces fautes graves étaient souvent assorties de menaces du type : «  quand ton père saura cela ! » Le père de famille devenait alors le recours qui jugeait sans appel, il était, pour un instant, le détenteur de l’autorité et personne ne contredisait ses décisions. À ce moment, les enfants craignaient l’autorité de leur père même si, au fond de lui-même, celui-ci savait qu’il jouait un rôle déplaisant qui lui répugnait. .

Il convient cependant de tempérer ce qui précède, car les moments de complicité étaient nombreux entre le père et ses enfants lors des activités de la famille, c’est lui qui présidait aux jeux de ballon, de cartes, aux baignades, aux sorties en vélo. C’est aussi avec leur père,  que les enfants participaient au bricolage, avaient un petit bout de jardin à entretenir...  Se voir déléguer un petit travail était à la fois un gage de l’estime que le père portait à son enfant et surtout un moyen pour lui de transmettre toutes les techniques et savoir-faire que l'expérience lui avait permis d’acquérir.

Ainsi, on peut résumer les trois critères qui rendirent ma jeunesse heureuse et que j’exprimerai par trois aphorismes :
   . Se contenter de ce qu’on avait mérité grâce à  son travail,
   . Communiquer pour aplanir les différends,
   . Vivre dans une cellule familiale stable où chacun à  sa place.

À suivre

mardi 10 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (14)

suite de l'article précédent

La deuxième source du bonheur provenait du fait que l’on prenait le temps de se parler et de communiquer tant à l’intérieur de la famille qu’avec les autres. Le moment principal de la convivialité familiale était le repas du soir, chacun racontait sa journée, on commentait l’actualité, on faisait des projets. Certes, il arrivait que les discussions deviennent houleuses, en particulier quand les parents refusaient d’acquiescer à une demande de leurs enfants ; cependant, ces querelles avaient le mérite de la franchise et laissaient moins de rancœur que si elles n’avaient pas éclatées et si les différents avaient été dissimulés. D’ailleurs, sauf quand il s’agissait de la part des enfants de demandes d’argent, on arrivait assez vite à un modus vivendi entre eux et leurs parents.

Ainsi, pouvoir se parler avec franchise aplanissait beaucoup de difficultés et de différents en leur permettant de ne pas dégénérer.

Le fait de communiquer entre membres de la famille comportait un autre avantage : celui de permettre la mise en pratique des enseignements moraux appris à l’école et au catéchisme. Lorsque les enfants avaient eu des comportements s’éloignant de ces critères moraux, les parents leur expliquaient leur erreur, les sermonnaient ou même les punissaient. De même, il y avait la vertu de l’exemple, les parents mettaient en pratique devant leurs enfants les grands principes régissant leur vie, ce qui créait une harmonie des comportements autour de ces critères : tolérance, compassion, sens du devoir et du travail bien fait, tels étaient généralement les valeurs que les parents transmettaient à leurs enfants dans la plupart des familles.

Il va de soi que ce qui précède n’existait pas dans toutes les familles, c’était en particulier le cas quand le père et plus rarement la mère  buvaient et rentraient ivres à la maison, en ce cas, aucune communication n’était possible et les actes de violence dominaient. Selon ce dont je me souviens, ces situations étaient plutôt minoritaires.

A suivre...

dimanche 8 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (13)

suite de l'article précédent

Il me reste à évoquer, en conclusion de ce chapitre, une question fondamentale : était-on heureux à cette époque ? La réponse à cette question ne peut être que subjective, car propre à chacun ; en ce qui me concerne, la réponse est, sans conteste, oui. Ce n’est pas parce que j’ai  la nostalgie de ma jeunesse ou parce que j’ai gommé de ma mémoire tous les événements négatifs que j’affirme cela ; je me base plutôt sur des critères objectifs d’explication.

D’abord, les classes populaires ne vivaient pas,  pour la plupart, dans une société de consommation alors en gestation, pour deux raisons au moins :
   . Nous n’avions pas d’argent pour le faire, ce qui était un facteur rédhibitoire pour freiner les dépenses.
   . Surtout, les équipements que nous achetions étaient simples et robustes, ils duraient très longtemps, le plus souvent une vie entière, c’était le cas du linge de maison, du matériel électrique et, bien entendu, des outils manuels. S’il y avait une panne, on pouvait trouver sans difficulté un réparateur.

Dans notre famille, on partait d’un principe simple : on achetait que ce qu’on pouvait se payer en faisant des économies. Certes, il fallait attendre parfois longtemps, mais, quelle joie c’était, quand un nouvel équipement arrivait dans la maison ! On en profitait d’autant plus que le temps permettant de l’acquérir avait été plus long ! On ne cherchait pas à s’endetter pour avoir tout, tout de suite, on préférait attendre et ressentir la satisfaction d’avoir gagné, par son travail, un nouvel équipement.

Certes, certains recouraient à l’emprunt, soit auprès des banques,  soit auprès d’usuriers. On ressentait cela comme  un mauvais calcul car il fallait rembourser et payer de lourds intérêts qui nécessitaient de nouveaux emprunts et faisaient entrer les gens dans un engrenage infernal. Dans notre famille élargie, on avait plutôt recours à des prêts internes :  celui qui avait un peu d’argent « de côté » se voyait sollicité par ceux ayant un besoin ponctuel d’argent pour des prêts de courte durée qui étaient au plus vite remboursés.

Ainsi, notre vie quotidienne n’était pas troublée par les désirs insatiables du « toujours plus », ni angoissée par la perspective de rembourser ses prêts. On se contentait de ce qu’on avait, ce qui était le plus sûr moyen d’être heureux.

Certes, ce que j’ai écrit est un peu idéalisé, car beaucoup de gens se laissait déjà séduire par la société de consommation, mais, c’était plus vis-à-vis des autres que cela se produisait : ainsi, avoir une voiture, puis posséder une voiture plus grosse que celle de son voisin était une préoccupation que l’on trouvait partout.

De même, un certain nombre de familles géraient leurs ressources dans l’immédiateté ;  le jour de la paie, elles achetaient ce qu’elles avaient envie et se serraient la ceinture le reste du temps.

A suivre

vendredi 6 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (12)

Suite de l’article précédent

Nous n'avions pas non plus de téléphone. Les seuls moyens de communication à notre disposition étaient l’échange de lettres ou de cartes postales ; pour les nouvelles les plus urgentes, on pouvait aussi envoyer un télégramme, c’était angoissant d’en recevoir car, en général, il annonçait de mauvaises nouvelles. Dans le quartier, le bouche à oreilles fonctionnait parfaitement, tout le monde se connaissait et les nouvelles se transmettaient très vite dans tout le village ; cette transmission s'effectuait de toute sorte de manières : lorsque les femmes allaient laver leur linge au lavoir, lorsque les hommes se rassemblaient au bistrot, lors des files d'attente dans les boutiques, à la sortie de la messe... les nouvelles étaient ensuite colportées de voisins en voisins, avec, bien entendu, de nombreuses déformations.

A cette époque, il était impossible de vivre dans l’immédiateté, si on envoyait une lettre, on ne  pouvait espérer une réponse que plusieurs jours après. Il fallait se résoudre à attendre ! C’était surtout gênant quand quelqu’un partait en voyage, on ne pouvait pas savoir tout de suite si le voyage s’était bien passé. L’adage en mode était : « pas de nouvelles, bonnes nouvelles ».

L’absence de téléphone avait néanmoins un avantage : on envoyait beaucoup plus de lettres qu’actuellement, ce qui permettait aux adultes d’utiliser les acquis orthographiques appris à l’école et donc de ne pas les oublier ;  la plupart d’entre eux écrivaient sans pratiquement de fautes d’orthographe, l’écriture, comme d’ailleurs la lecture, était donc alors l’outil essentiel de communication, ce qui n’est plus le cas actuellement.

À suivre...

mercredi 4 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (11)

L’absence d’automobile était une autre composante de ma jeunesse. Certes, il nous arrivait de ressentir un manque, surtout quand nous voyions la voiture rutilante de mon oncle, mais on s’adaptait par la force des choses.

On palliait assez facilement à cet état de fait ; d’abord, parce que tout ce dont on avait besoin se trouvait dans le quartier ou dans sa proximité immédiate, ensuite, parce que nous avions à notre disposition un grand nombre de moyens de se déplacer.  Selon les endroits où nous voulions aller, on pouvait s’y rendre à pieds, à vélo ou en transport en commun. Nous avions, en bas de la rue, un tramway qui nous menait un peu partout dans la ville jouxtant notre village ; pour les trajets plus lointains, on utilisait le train ou le bus.

Certes, notre aire de déplacement était assez restreinte mais cela suffisait pour les besoins de notre vie sociale et culturelle.

A cette époque, faute d'automobile,  la plupart des gens des classes populaires ne partaient pas en vacances ; les parents restaient à la maison tandis que les enfants étaient envoyés en colonies de vacances, si toutefois la famille avait de quoi payer les trois semaines de séjour. Pour les parents, les trois semaines de congés payés étaient utilisés à faire tout ce qu’il n’était pas possible d’effectuer le reste du temps et en particulier d’améliorer le confort de la maison. Je me souviens qu’à chaque fois que nous rentrions de colonie, il y avait quelque chose de changé à la maison, c’est ainsi qu’au terme d’une session au bord de la mer, nous découvrîmes avec émerveillement que nos parents avaient remplacé les meubles en bois de la cuisine par un équipement flambant neuf en formica, ce qui était de la dernière mode.

Quand j’eus douze ans, mes parents achetèrent une petite voiture d’occasion. Ce fut pour la famille une transformation complète puisque notre horizon s’élargit, on se mît à partir en vacances au bord de la mer en faisant du camping, on se rendit aussi les dimanches des jours d’été  au bord de la rivière pour de joyeuses baignades. Il va de soi que la présence d’une automobile à la maison changea considérablement notre vie quotidienne.

À suivre...

lundi 2 octobre 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : la vie quotidienne (10)

Suite de l’article précédent à propos de l’absence de télévision

Les dimanches étaient également bien occupés avec la messe le matin, la sortie en famille l’après-midi ou la venue d’invités à la maison  avec qui, souvent, s’organisaient  de passionnantes parties de cartes. On allait aussi les dimanches après-midi en famille au cinéma de la paroisse.

De même, on n’avait pas le temps de s’ennuyer le jeudi : catéchisme le matin et patronage l’après-midi.

Avec le temps, nos loisirs évoluèrent, on se retrouvait entre copains et copines de la rue pour de longues balades en forêt, à pieds puis à vélo ; je me souviens en particulier, de jeux dans un saule près de notre maison où chacun se construisait une cabane. Lorsqu’il pleuvait, on jouait à des jeux de société, Les parents n’avaient aucune crainte de nous laisser sortir car dans, notre quartier, il n’y avait pas d’insécurité.

Pendant les vacances scolaires, tout, pour les enfants, n’était pas que jeux ; il fallait participer aux diverses tâches inhérents à la vie quotidienne de la maison ; comme pendant les jours de classe, on mettait la table et on aidait à la vaisselle, on faisait son lit, on balayait la cuisine… ; en outre, presque tous les jours, notre mère nous faisait faire une dictée afin d’améliorer notre niveau d'orthographe.

On allait chercher de l’herbe pour les lapins, on aidait aussi au jardin afin de soulager les parents, on allait ramasser les fruits et les légumes, en particulier lorsqu’on faisait des conserves ; je me souviens parfaitement de longs après-midi où il fallait couper les haricots verts en petits morceaux et ôter les fils, puis écosser les haricots secs.. La fin des vacances d’été était marquée par le bêchage du jardin. Lorsque je devins plus grand, je dus participer aux travaux de la maison : je me mis à peindre, à monter des murs en agglomérés sous la conduite de mon père, j’appris à bricoler, ce qui me fut bien utile plus tard.

Ainsi, nous étions suffisamment occupés pour ne jamais ressentir des manques ou de l’ennui. Nous eûmes la télévision très tard seulement  quand nos études furent terminées,  car nos parents disaient, à juste titre, qu’on ne pouvait pas, en même temps, être studieux et regarder la télévision.

A suivre...