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dimanche 12 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (15) : l’émergence d’un art national Letton

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Jusqu’aux dernières décennies du 19e siècle, l’aspiration à une spécificité proprement lettonne s’était plutôt affirmée dans le domaine de la langue et de la littérature. Le tout début du 20e voit émerger une nouvelle dimension à cette spécificité en englobant désormais une architecture appelée du «romantisme national ».

A l’aube du 20e siècle, la Lettonie vivait sous une double domination : économique et social du fait des germanophones, politique de celui des russes.

Dans ces conditions, le pays letton suivit jusqu'alors toutes les modes architecturales importées du reste de l’Europe sans qu’apparaisse une spécificité propre à leur culture.

D’abord, se développa le style revivalisme avec toutes ses variantes, néo-gothique, néo-romano-byzantin, néo-classique...


Au tout début du 20e siècle fut introduit l’art nouveau en Lettonie (via le Jugendstil) ; cet art n’eut, au début, rien de spécifique à la Lettonie, il correspondait à des caractéristiques architecturales et décoratives que l’on retrouve, à quelques nuances près, dans toute l’Europe.

À Riga, sont présents les deux versions de l’art nouveau :
   - vertical (dominé par la verticalité et l’intégration dans cette verticalité des motifs décoratifs typiques de l’art nouveau, végétaux et animaux,, visages mythiques.. )
    - éclectique (un mélange parfois surprenant de tous les styles architecturaux dans lesquels s’insèrent les motifs décoratifs de l’art nouveau).


A une exception près, celle de Konstantin Peksen, les architectes qui introduisirent l’art nouveau en pays letton n'étaient pas autochtones mais Russes  ou allemands,

Comme au niveau de la culture littéraire, l’apparition d’une architecture proprement lettone fut la conséquence de la redécouverte du folklore et des traditions artistiques des campagnes.

A suivre...

vendredi 10 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (14) : l’émergence d’une culture nationale,

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LA NAISSANCE D'UNE CULTURE

Le problème était sur quoi baser la spécificité nationale que la classe nouvelle des Estes et des Lettons instruits recherchaient ? A l’inverse des germanophones qui considéraient qu’avant leur colonisation, les pays baltes n’étaient peuplés que de tribus sauvages, les Estes et les Lettons cultivés  développèrent l’idée qu’à l’époque de leur liberté, les tribus possédaient une civilisation d’une grande valeur que la colonisation avait dégradée. Ils voulurent reconstituer le passé.

En pays Lettons, Ils se mirent à collecter les dainas pour les étudier, j’ai cité l’importance de K.Barons dans cette démarche, elle fuit suivie en 1873, à l’époque de l’occupation russe, par le premier festival de chants de Riga  qui permit à ce peuple de prendre conscience de l’existence de leur culture  nationale.

Dans les pays Estes qui n’avait pas une culture des chants aussi ancienne que celle des Lettons, la renaissance de leur civilisation fut effectuée à partir des écrits finnois, langue apparentée à l’estonien et ayant une origine finno-ougrienne. (1) C’est ainsi qu’au milieu du 19e siècle fut écrite par R. Kreuzwald l’histoire de Kalevipoeg, un géant redresseur de torts, librement inspirée de l’épopée finnoise du Kalevala. Peu importe pour les nationalistes Estes que cet héros ne soit pas authentique, il devint un des symboles de la nation qu’ils espéraient voir se créer. A la même époque que l’on qualifie «  d’ère du réveil », la poétesse Lydia Koidula exprime son amour pour sa patrie estonienne et sa douleur de la voir asservie.

Voici, pour illustrer ce qui précède, quelques vers d’un poème de cette poétesse tirés de son recueil «le rossignol de l’Emajögi »

Jusqu’à mon dernier souffle,
Je désire t’aimer
Sentiers bordés de fleurs
Ma patrie embaumée

Tes garçons sont si sages
Si braves et si forts
Et tes filles fleurissent
Comme de jolies plantes
Ton vent et ton soleil
Te maintiennent en fleurs

Portant à mes paupières
Souvent percent des larmes
O mon pays espère
Car les temps changeront.

C’est ainsi que, dans ces deux pays occupés et opprimés, se développa la renaissance culturelle qui conduisit à redonner une identité aux deux peuples asservis  et aboutit à la création d’une nation. Elle eut pour origine la nostalgie d’un âge d’or qui fut en grande partie réinventé mais au lieu de se complaire dans cette nostalgie, elle déboucha sur l’espérance d’un avenir de liberté.

Cette démarche, accomplie en pleine occupation russe, tient quasiment du miracle !

   .1 Le précurseur de cette idée fut le poète KJ Peterson (1801-1822) qui traduisit en allemand la « mythologia fennica » eut  l’intuition que la mythologie finnoise pourrait permettre de reconstituer les mythes estoniens

prochain article : la naissance d'une architecture lettone









mercredi 8 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (13) : l’émergence d’une culture nationale,

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LA NAISSANCE DES ECOLES
La traduction des textes religieux n’était qu’une première tâche que les  pasteurs protestants devaient accomplir ; en effet, Luther avait spécifié qu’il était nécessaire que chacun puisse lire les textes saints en famille, il fallut donc créer des écoles.

Dans ce processus, il convient de citer l’action des Frères Moraves, un mouvement piétiste issu du protestantisme qui prônaient l’approfondissement de la spiritualité personnelle,  ils prirent le contrôle de seize paroisses dans le Nord de la Lettonie et y développèrent les écoles entre 1710 et 1740.

Certes, ces  écoles se contentaient  au début d’un savoir rudimentaire mais peu à peu, au 19e siècle, certains pasteurs vont orienter les écoles populaires vers des connaissances plus diversifiées. Le nombre de personnes éduquées augmenta lentement ; certes, elles doivent fréquenter les écoles germanophones pour des études plus poussées mais elles continuèrent néanmoins à s'exprimer dans la langue de leur origine. Ainsi, il se constitua peu à peu une classe nouvelle de pasteurs, d’avocats, de médecins, de maître d’école... qui se mirent à écrire dans leur langue vernaculaire.

C’est parmi cette classe nouvelle que naquit au 19e siècle  l’idée d’une spécificité nationale et d’une identité collective.

À suivre…

lundi 6 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (11) : l’émergence d’une culture nationale

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LA NAISSANCE DES LANGUES ÉCRITES

La langue écrite est apparue principalement du fait de la conversion des peuples Lettons et Estes au protestantisme au 16e siècle (1) ;   en effet, le luthéranisme impliquait que les sermons soient effectués dans la langue du pays et que les textes religieux soient mis à la portée de tous et compréhensibles par tous. Or, à cette époque, les pasteurs étaient désignés par les possesseurs des domaines et ils ne s’exprimaient qu’en allemand, ils durent s’adapter à la langue du pays et faire en sorte qu’elle leur soit abordable.

C'est de cette contingence que sont nées véritablement  les langues écrites estonienne et lettone, ce fut essentiellement l’oeuvre des pasteurs protestants germanophones. Pour créer une langue écrite, il fallut d’abord inventer un alphabet en décomposant les mots parlés en sons qui pouvaient correspondre aux sons de l’alphabet allemand auquel on ajouta des accentuations afin de le calquer le plus exactement possible au langage parlé letton et este. Puis, au moyen de cet alphabet,  on se mît à transcrire à l'écrit les mots de la langue orale, de chercher la correspondance de ces mots en allemand afin de rédiger un dictionnaire. Ensuite, il fallut rédiger une grammaire afin de permettre d’articuler  à l'écrit les mots ainsi définis selon la langue parlée ; pour cela, on s’inspira de la grammaire latine. (2)

À ce stade qui se déroula aux 16e et 17e siècles, la langue écrite n’était pas encore un outil de culture pour trois raisons :
    . D’abord en raison des variantes régionales ; dans un premier temps, les pasteurs allemands prenait pour base de l’élaboration de l’écrit le langage parlé dans la région de leurs ministères et créaient leur propre système d’écriture, il fallut unifier ensuite ces systèmes.
   . Ensuite, la langue écrite présente  surtout le mode de pensée d’un lecteur d’expression germanique et n’est qu’un outil manié par celui-ci.
   . Enfin, les textes écrits en langue vernaculaire ne sont que des documents à vocation religieuse : catéchisme de Luther, épîtres et Evangiles, prières, cantiques  et psaumes, bible..

. 1 : la transcription phonétique apparaît cependant plus tôt en particulier pour les rôles d’impôts avec mention du nom des personnes Estes et Lettones mais elle en était restée au stade élémentaire sans impact réel sur leur culture.

. 2 : notes complémentaires
       . l’origine germanique du letton écrit se marque en particulier par l’utilisation jusque 1908 des lettres gothiques.
       . La première grammaire en estonien est le fruit du travail de  H Stahl en 1637, un pasteur protestant qui voulut aider les prêtres de sa région, il compose un manuel germano-estonien avec des textes religieux.
       . Le premier dictionnaire germano-letton date de 1638, le premier livre de grammaire en 1644, en 1685, Glück traduit la bible en letton.
.      . L’essai de création d’une langue écrite n’est pas l’apanage des seuls protestants, ainsi, apparaît un catéchisme en letton écrit par le jésuite Garlib Merkel

À suivre ... la création des écoles

samedi 4 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (10) : l’émergence d’une culture nationale

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En ce qui me concerne, il me semble que les prémices d’une culture spécifique à un peuple pouvant déboucher sur l’apparition d’une idée nationale, passe d'abord par la fixation de la langue au moyen de l’écrit puis par l’élaboration d’outils culturels communs à ce peuple.

Les pays Este et Letton présentent cette étonnante spécificité qu’ils ont réussi à effectuer cette mutation sous les diverses occupations étrangères et en particulier sous le joug russe alors qu’ils étaient dominés par les germanophones qui détenaient richesse et pouvoir.

Comme je l’ai déjà mentionné, il existe, à l’origine, deux langues chez ces deux peuples :
   . Les Estes parlent une langue finno-ougrienne provenant de leur lointain passé ouralien,
   . Les Lettons utilisent une langue indo-européenne mais ils côtoient dès leur arrivée des peuples de langue finno-ougrienne comme les Lives, ce qui aboutit à un premier amalgame des deux langues en pays letton.

Ces deux langues étaient  uniquement parlées, elles ne possédaient ni écriture ni à fortiori de grammaire. Pour les colonisateurs germanophones, elles furent considérées comme des dialectes utilisés seulement par les paysans. Pour eux, la culture et le savoir n’étaient que leur apanage, toute élévation sociale ne pouvait passer que par la germanisation.

Avec le temps, les langues autochtones, du fait qu’elles n’étaient pas fixées, ont évoluées selon deux modalités :
   . Elles se sont diversifiées selon les régions, avec apparition de variantes entre, par exemple,  le parler des Estes du Nord et de ceux du Sud.
   . Elles ont emprunté des locutions germaniques pour désigner des notions que leurs langues d’origine n’exprimaient pas avec cependant, pour beaucoup de mots, utilisation de racines locales. Pourtant, le mépris des germanophones pour ces langues et le cloisonnement linguistique qui en résultait ont permis d’en conserver l’essentiel.

Bien que décriées par la classe dirigeante, les langues lettones n’étaient cependant pas seulement des outils de communication, elles véhiculaient aussi un fonds culturel important ; c’est le cas par exemple des Dainas pour le peuple letton.

Les Dainas sont des quatrains chantés qui expriment à la fois l’âme de ce peuple et sa vie quotidienne, ils font référence aux anciennes croyances et à une mythologie étroitement liée  à la nature qui survivait de manière sous-jacente après la christianisation. Les plus anciens de ces Daina letton datent des 10e et 11e siècles mais la majorité d’entre eux a été composée aux 13e et 14e siècles. Ces Dainas sont très nombreux : la première collecte effectuée à la fin du 19e siècle par K Barons en comporte 217.996 mais actuellement, on en compte plus de trois millions.

Ainsi, les langues Lettones et Estes véhiculaient un savoir et une culture beaucoup plus conséquents que ce que les germanophones pouvaient imaginer. Cette culture ne sera cependant pas mise en valeur avant le 19e siècle alors que depuis longtemps était née une langue écrite.

À suivre..

jeudi 2 novembre 2017

ESTONIE-LETTONIE (9) : vicissitudes de l’histoire et émergence d’une culture nationale

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L’avant dernier épisode de l’histoire des pays Estes et Lettons  se produisit en 1795 quand la Courlande, jusque-là vassale de la Pologne-Lituanie, fut rattachée à la Russie lors du TROISIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE




La domination russe dura jusque 1990, à l’exception de la brève période pendant laquelle la Lettonie et l’Estonie seront indépendants entre 1920 et 1940.

Ainsi, depuis le début du 13e siècle, jusqu’à la fin du 20e siècle, les pays Este et Letton ont été constamment envahis et dominés par des puissances étrangères.

Pourtant, les changements successifs de dominations n’ont pas changé la situation sociale apparue à l'époque de la prépondérance germanique avec une société en trois strates :
     . Les commerçants et artisans des villes de culture germanique,
     . Les barons germano-baltes, descendants des vassaux des évêques et des chevaliers de l’ordre Livonien sécularisé, possesseurs d’immenses domaines (1% de la population contrôle 81% des terres au 18e siècle) qui ont systématiquement collaboré avec les envahisseurs afin de préserver leurs privilèges.
   . Les paysans estes et Lettons devenus des serfs (96% au 18ème siècle), astreints à la terre et obligés à effectuer de lourdes corvées.

C’est pourtant au cours de ces périodes de domination d’oppression que les peuples Este et Letton ont développé une culture spécifique qui les a constitués en Nations, c’est ce que je me propose de montrer dans les articles qui suivent.