REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

lundi 31 décembre 2018

Cinq châteaux des Vosges gréseuses (6) FALKENSTEIN

Promenade-découverte du château de Falkenstein (suite)


1 arcade ouvrant sur la rampe de montée vers le haut-château.
2 chemin d’accès à la partie sommitale.
3 salles troglodytes.
4 tour du puits.
5 latrines.
6 tour annexe à la tour du puits dont on ne voit plus que le départ des murs.

Passée l’arcade jouxtant la porte sud, on se trouve face à une longue rampe pentue courant le long du promontoire et  permettant d’accéder aux logis sommitaux. Comme au niveau de la basse-cour, cette rampe a été créée en recreusant le rocher afin d’aplanir le sol, il en résulte que, parfois, on se trouve en dessous de la roche en surplomb. On peut penser que, sur ce sol aplani, devaient se trouver des escaliers de bois : des rainures sur la roche destinées à encastrer les marches, apparaissent dans la partie haute de la rampe. Il est probable aussi que cette rampe devait être protégée au niveau de la falaise par un mur de pierre afin de masquer aux ennemis les personnes qui s’y trouvaient.


A mi-hauteur de la rampe, se trouvaient deux salles troglodytes aménagées sur toute l’épaisseur du promontoire, elles s’ouvraient à la fois sur la rampe et sur la tour du puits. Une légende rapporte que, dans une de ces salles, fut enfermé un tonnelier malhonnête ; il hante toujours sa prison pour expier ses fautes ; on entend parfois, dit-on,  ses coups de marteau. Ces salles possèdent un mur extérieur créé dans la roche en place, on en voit encore une fenêtre.


D'une ouverture creusée dans la salle troglodyte principale, on aperçoit la tour du puits. Elle est adossée à la paroi rocheuse ; trois des façades sont des constructions humaines, la quatrième correspond à la paroi rocheuse retaillée. La tour comporte actuellement quatre étages encore bien visibles, trois d’entre eux correspondent à des décrochements aménagés dans le mur ; le plancher du quatrième étage était construit sur des corbeaux dont certains paraissent sculptés. , les murs sont percés d’archères  et comportent des portes devant donner sur une tour annexe. La tour devait autrefois s’élever bien plus haut, elle pouvait peut être servir de donjon


En poursuivant son chemin, on passe devant une autre petite salle à-demi troglodyte pourvu d'un renfoncement dans le rocher et d’un chenal d’évacuation qui fait penser à des latrines.

Prochain article : la partie sommitale

BONNE ANNÉE A TOUS LES LECTEURS DE CE BLOG
MERCI DE VOTRE FIDÉLITÉ.

samedi 29 décembre 2018

Cinq châteaux des Vosges gréseuses (5) FALKENSTEIN

Promenade-découverte au château de FALKENSTEIN

Pour accéder au château de Falckenstein, il faut marcher une vingtaine de minutes sur un chemin d’abord large puis qui se transforme en un sentier gravissant le versant de la montagne au sommet duquel se trouve le château. Le paysage est celui d’une belle forêt, principalement de conifères, dont les arbres masquent la vue du château presque jusqu’à la porte  Nord. C’est seulement à son niveau que se déploie la haute falaise de grès qui porte le château. En avant de cette falaise et plaquée contre elle, se trouve une grosse tour en pierres bien appareillées appelée la tour du puits.

Le plan de la basse-cour servant de lices
Les parties en pointillés, mentionnées sur le plan figure un bas rempart ceignant autrefois la butte.

1 porte nord.
2 lices sud-ouest.
3 piton rocheux.
4 petite construction adossée au rocher.
5 porte sud qui coupe en deux la basse-cour et donne accès à la rampe menant aux logis sommitaux.
6 lices sud-est.
7 salle aux dix niches.
8 écuries.
9 mur bouclier qui devait protéger l’entrée basse du château.
10 tour du puits.











Le chemin d’accès à la porte Nord et la porte vue de l’extérieur puis de l'intérieur des lices

Passée la porte nord, on se trouve dans la lice sud-ouest. Celle-ci a été constituée en retaillant la roche en place afin d’aplanir le sol qui a conservé son assise gréseuse mais aussi d’augmenter la verticalité de la paroi afin d’en rendre impossible l’escalade. La lice était limitée par un mur construit sur le rebord de la partie aplanie.

C’est dans  cette lice que le château apparaît dans toute sa splendeur. On se trouve d’abord en contrebas du niveau terminal de la paroi rocheuse dont on peut s’étonner de l’étroitesse ; on a peine à réaliser  qu’une falaise si frêle  puisse supporter les logis seigneuriaux de la partie sommitale. A cet endroit,  la roche possède deux apparences : la partie basse est lisse et comporte encore les traces des coups de burin qui retaillèrent le grès an créant les lices ; au-dessus, se trouve la roche en place, l’érosion y a différencié les différentes strates de grès, les plus dures sont en saillie ; les autres, recreusées par l’érosion, forment des rentrants en creux. Au sommet, un bloc rocheux en nette avancée évoque, dit-on, la tête d’un faucon qui aurait donné son nom de Falkenstein à la famille des ministériaux ayant reçu la garde du château des comtes de Lutzelburg. .


En poursuivant son chemin dans la lice sud-ouest, on longe latéralement le promontoire dans sa plus grande longueur. C’est à cet endroit que l’on peut que l’on peut admirer, dans les parties en creux, l’étonnante dentelle constituée par les eaux de ruissellement émanant des rochers en saillie.



Les lices sud sont barrées sur toute leur largeur par une tour-porte appelée « porte sud » . Cette porte coupant en deux la basse-cour,  possède une double fonction :
   . D’abord, elle barre la voie d’accès au haut-château à des assaillants ayant réussi à prendre la porte Nord. Ceux-ci étaient piégés entre les deux portes et devaient subir les traits lancés du haut par les défenseurs du château.
   . Par une arcade voisine de la porte, il était possible d’accéder à la rampe d’accès au haut château. Sur la photo, on en voit les escaliers actuels.

Au-delà de la porte sud, s’étendent les lices du sud-est. La paroi rocheuse est creusée de salles troglodytes : la plus élaborée est une grande salle comportant dix niches rectangulaires. Il est probable que ces niches devaient servir de rangement et que la salle servait d’entrepôts. Elle était fermée par un mur constitué par la roche en place, deux entrées latérales avaient été creusées.


prochain article : la rampe de montée

jeudi 27 décembre 2018

Cinq châteaux des Vosges gréseuses (4) FALKENSTEIN


La LOCALISATION et L’ASPECT D’ENSEMBLE du château  de FALKENSTEIN corroborent exactement les caractéristiques que j’ai  mentionnées dans les trois articles précédents : il est établi sur un éperon dominant une voie secondaire de communication reliant  Haguenau à Bitche. Cette route, actuellement la D1062, emprunte la vallée de la Zizel du Nord, un sous-affluent du Rhin, puis elle  redescend vers le plateau lorrain ; elle existait probablement déjà aux époques celtiques et romaines.

La photo aérienne montre la même organisation de l’espace que celle décrite à Dabo :

1 falaise de grès retaillée pour en rendre l’escalade impossible.
2 partie laissée plane  lors du façonnage de la falaise afin de créer une basse-cour servant de lice. Au niveau de cette basse-cour, sont creusées dans la falaise, des salles troglodytes.
3 haut château établi sur l’étroite crête du promontoire.
4 chemin d’accès au promontoire bordé de salles troglodytes.


L’HISTOIRE DU FALKENSTEIN A L’ÉPOQUE MÉDIÉVALE comporte toutes les phases précédemment décrites dans les articles d’introduction :

 Phase de conflit entre les puissances territoriales voisines pour la suzeraineté du château
Le château fut construit par le comte Pierre de Lutzelbourg, un vassal de l’évêque de Metz. Lorsqu’en 1142 où 1143, son fils mourut sans héritier direct, ses possessions revinrent de droit  à son suzerain qui était aussi son parent le plus proche, Étienne de Bar, évêque de Metz ; celui-ci l’inféoda à un de ses fidèles.

Cela ne faisait pas l’affaire du duc de Lorraine qui guignait ce comté afin d’agrandir ses possessions vers l’Est et décida de l’envahir. Étienne de Bar fit alors appel à l’empereur Hohenstaufen, Frédéric Barberousse et chassa les lorrains du comté. L’évêque de Metz récupéra son comté mais le château de FALKENSTEIN revint à l’empereur qui le donna en fief impérial au comte de Saarwerden

 Établissement d’un ministériel et montée en puissance de celui-ci
Selon la formule habituelle, le comte de SAARWERDEN, établit à Falkenstein un ministériel. Peu à peu, celui-ci s’émancipa et prit le nom du château.

Partage du château
Afin de contrer ceux qui sont devenus  les sires de Falkenstein, les comtes de Saarwerden décidèrent de nommer d’autres ministériaux, ce furent d’abord les BRONN (en garde du château de Wasenbourg, vassaux des Lichtenberg) puis les WINSTEIN (fief impérial). Chacune de ces trois familles se partagea les revenus de la seigneurie ainsi que  l’étroite crête sommitale constituée par le sommet de l’éperon rocheux  de Falkenstein où ils y construisirent trois châteaux  séparés. Il ne semble pas que ces cessions aient été dues à des gagières.

Pour résoudre les conflits entre les trois familles, il fallut rédiger une  Burgfriede (paix castrale) en 1335. Elle comportait trois  dispositions principales :
     . Chaque seigneur devra payer un valet d’armes pour assurer la garde du château,
     . Ils nommeront un « Baumeister » qui sera chargé de l’entretien et des réparations à effectuer.
     . Il sera possible aux comparsoniers de louer leur partie du château (ce qui semble indiquer qu’ils n’habitent pas le château, à l’exception probable des Falkenstein) ; la Burgfriede précise les tarifs : pour quatre jours, un seigneur devra payer quatre livres strasbourgeoise et une arbalète neuve ; par contre, un simple  chevalier ne paiera qu’une livre et une arbalète.

Guerre féodale et prise de possession par un autre seigneur qui revendique son indépendance envers toute sujétion
La dernière étape de l’histoire médiévale du château de FALKENSTEIN  correspond à  la mainmise progressive du château par la famille des LICHTENBERG, une puissante seigneurie primitivement vassale de l’évêque de Metz et suzerain des BRONN, déjà possesseur d’un tiers du château

En 1377, les FALKENSTEIN entrèrent en conflit avec les Lichtenberg, le château est pris et incendié, les Falkenstein gardèrent leur part de la seigneurie mais ils furent obligés de faire allégeance au sire de Lichtenberg.  Le château de Falkenstein fut alors, de fait, dans l’orbe féodale de ce dernier comme il est mentionné  sur la carte ci-contre.

C’est au début du 16e siècle que les Sires de Lichtenberg obtiendront la totale suzeraineté sur la seigneurie par désengagement des Saarwerden.

En 1564, le château sera incendié par la foudre et laissé à l’abandon.

La destruction totale du château sera le fait des français lors de la prise de contrôle  de l’Alsace par le roi de France afin d’empêcher toute velléité d’indépendance des seigneurs alsaciens.

Prochain article : UNE PROMENADE- DÉCOUVERTE DU CHÂTEAU

dimanche 23 décembre 2018

Cinq châteaux des Vosges gréseuses (3) PRÉSENTATION (Fin)

La troisième caractéristique générale des châteaux des Vosges gréseuses concerne leur structure architecturale. Pour moi, un des exemples les plus typiques est celui du château de DAGSBURG (Dabo).

Il est représenté ci-dessous tel qu’il était avant sa destruction par les français à l’époque de Louis 14. Ce roi avait, en effet,  décidé de raser la plupart des châteaux alsaciens, lorrains et franc-comtois afin d'empêcher toute tentative de révolte de la population dans des provinces qu’il avait décidé de contrôler en les matant.

L’auteur en est MATTHÄUS MERIAN (1593-1650) qui nous a laissé de magnifiques gravures représentant les villes et châteaux de son temps dans un recueil appelé : « Topographia Germania »


Le château de Dabo est établi en haut d’une des collines des Vosges gréseuses (1). Le sommet de la colline a été retaillé par les hommes afin d’augmenter les pentes et de rendre le château inexpugnable. En conséquence, les strates rocheuses apparaissent nettement (2)

Le château comporte deux ensembles de construction :
     . Au pied de la falaise, se trouve un espace servant de lices, entouré de murailles (3) ; ainsi, un assaillant ayant réussi à accéder à la basse-cour, se trouvait pris au piège entre ces murailles et la falaise.
   . En haut du promontoire était construit le haut-château (4), il  comportait le logis seigneurial, la chapelle castrale ainsi que tous les bâtiments utilitaires que nécessitaient  la vie quotidienne du château

Pour relier les lices et le haut-château, était aménagé un chemin d’accès (5) ; celui-ci était construit de telle manière que l’on puisse le démolir rapidement en cas d’attaque. A Dabo, à mi-chemin, se trouvait un rempart intermédiaire (6) permettant la défense avancée du château.

Pour assurer l’approvisionnement du château, on utilisait une grue à écureuil (7) bien visible sur le dessin.

La manière dont on résolvait à Dabo le problème essentiel pour tout château perché, de  l’approvisionnement en eau, n’apparaît pas sur la gravure. Dans les autres châteaux, on se servait de grandes citernes creusées dans le rocher mais cela ne suffisait pas, le promontoire ne comportant jamais d’eau du fait de la porosité de la roche. Il fallait avoir recours à des puits creusés au pied de la falaise. Autour de ce puits était généralement construite une puissante tour qui le protégeait,  il fallait, en effet, empêcher un assaillant d'empoisonner l'eau du puits. L’eau était également remontée au moyen de grues à écureuil.

vendredi 21 décembre 2018

Cinq châteaux des Vosges gréseuses (2) PRÉSENTATION


Carte  présentant la situation des régions périphériques des Vosges Gréseuses  en l’an 1400 
(Voir «  Heigiles Romisches Reich » disponible sur internet)

Beige : « Etats » dirigé par des seigneurs laïques.
Bleu foncé : « Etats » dirigés par des  ecclésiastiques qui associent à  leurs fonctions religieuses, une domination seigneuriale ; cette situation est habituelle dans le Saint Empire Romain Germanique.
Jaune : villes impériales libres.
Bleu clair : seigneuries établies sur le massif des Vosges gréseuses et sur ses pourtours ;  c’est dans ces seigneuries que trouvent quatre des cinq châteaux que je me propose de décrire, le cinquième ressortant de l’évêché de Strasbourg
   . 1 Falkenstein
   . 2 Lichtenberg-Hanau
   . 3 Lutzelstein (la Petite Pierre)
   . 4 Saarwerden
   . 5 Fénétrange

Il est évident que cette carte représente la situation politique à une époque précise sans rendre compte de l’évolution fluctuante des dominations.

Pendant tout le Moyen-Age, la région des Vosges gréseuses a été l’objet de conflits entre les puissances qui l’entouraient à l’Ouest et à l’Est :
        . Vers l’Ouest, se trouvaient les possessions des ducs de Lorraine et des évêques de Metz.
        . Vers l’Est, se situaient les terres dominées en 1400 par la ville libre impériale de Strasbourg et  l’évêque de Strasbourg. Le pouvoir impérial qui, à l’époque des Hohenstaufen possédait une influence dominante en Alsace, s’est considérablement étiolé à la mort de l’empereur Frédéric 2 (1250) et pendant le grand interrègne qui suivit ; au 14e siècle, les possessions impériales se réduisent au Grand-Baillage de Haguenau, récupéré en 1273 par le nouvel empereur, Rodolphe de Habsbourg.

Les Vosges gréseuses constituent, pour ces dominations, une zone de confins et de frontières qu’il est important de controler à cause des voies de communication les traversant. La configuration topographique fait que cette frontière est à la fois imprécise et fluctuante ce qui conduit à de nombreux conflits : ainsi lorsqu’une seigneurie de la région disparaît faute d’héritier, chacun des quatre protagonistes aspirant à récupérer la suzeraineté sur son domaine.

La situation se complique du fait que, comme ailleurs dans l’Europe féodale,  les « états » ne prennent pas le contrôle direct des seigneuries qu’ils récupèrent : ils y établissent des ministériaux en charge d’administrer et de garder le domaine castral entré en leur possession. C’est alors qu’à nouveau, la configuration topographique de la région joue son rôle ; en effet, souvent, ces ministériaux profitent de leur situation d’isolement  pour acquérir de plus en plus d’indépendance, ils prennent alors le nom du château dont ils ont la garde et ne livrent plus au possesseur primitif de la seigneurie qu’un serment de vassalité sans grande obligation.

Les seigneuries ainsi constituées, comme ailleurs, vont évoluer au fil des temps avec deux mouvements possibles, l’un de démembrement, l’autre de regroupement :

Les mouvements de regroupement des seigneuries se produisent en particulier dans trois cas :
            . Par la violence avec encerclement du château d’un adversaire.
            . Par achat.
            . De manière plus pacifique quand l’unique héritière d’une seigneurie  est une fille, les possesseurs des seigneuries voisines s’empressent autour d’elle pour l’épouser afin de réunir à leurs biens propres, ceux de leur femme.

Le démembrement des seigneuries ainsi constituées est un phénomène beaucoup plus courant, il  se produit selon diverses causes, j’en citerai trois en particulier :  
           . Les nouveaux occupants des châteaux doivent à leur tour protéger les limites de leur domination, ils érigent de nouveaux châteaux et les confient à la garde de nouveaux ministériaux qui peu à peu aspirent aussi à l’autonomie.
           . Lors de la mort du seigneur, en cas d’héritiers multiples, les terres de la  seigneurie sont partagées, chacun des héritiers s’empresse de se construire un nouveau château.
            . Enfin se généralisa peu à peu un système de « gagière » qui fut un des plus importants moyens de décomposition des seigneuries et de partage des  châteaux : en voici l’exemple type : un seigneur ayant besoin immédiatement  d’argent, décide de l’emprunter à un de ses voisins ou à une ville libre ; au titre de garantie, il cède à son créancier une partie  de la jouissance d’un de ses châteaux et des biens qui en dépendent  jusqu’au remboursement de l’emprunt. Si  ce seigneur a encore besoin d’argent, il pourra s’adresser à d’autres créanciers à qui il concédera une autre partie de son château. Ainsi, au fil du temps, se développe un système de seigneurs «comparsonniers » qui n’ont généralement qu’une double ambition, gagner le plus d’argent sur la part de la seigneurie dont ils ont la jouissance et dépenser le mon possible pour l'entretien des châteaux. En outre, ces «comparsonniers » ne s’entendent pas toujours, il faut souvent des « Burgfriede » (paix castrale) pour régler les problèmes.

L’évolution ultime se produit avec l’apparition des « chevaliers brigands », appelés ainsi quand ils ne reconnaissent plus aucun maître et vivent en s’emparant des biens des commerçants de passage et en les rançonnant. Ce sont souvent les troupes de la ville libre de Strasbourg, dont les intérêts commerciaux sont menacés, qui se chargent d'attaquer les châteaux de ces chevaliers brigands, de s’en emparer et souvent de les détruire.

Cette présentation générale sera illustrée lors de la description des cinq châteaux que je me propose d’effectuer ; il va de soi que l'interprétation que je viens de développer, m’est personnelle.

Prochain article :  FALKENSTEIN

mercredi 19 décembre 2018

Cinq châteaux des Vosges gréseuses (1) PRÉSENTATION



Dans ce nouveau chapitre, je me propose d’évoquer cinq châteaux médiévaux érigés dans la partie alsacienne des Vosges gréseuses : FALKENSTEIN, LE HAUT-BARR, FLECKENSTEIN, LUTZELSTEIN (la Petite Pierre) et LICHTENBERG.





Ces cinq châteaux sont actuellement situés de part et d’autre des départements de la Moselle et du Bas-Rhin, dans une région assez différente des paysages de la plaine alsacienne telle qu’on la représente habituellement : la région est en effet composée d’un moutonnement de collines aux versants arrondis et couvert de forêts.



Il existe parfois des crêtes rocheuses au sommet de certaines collines, elles furent retaillées par les hommes pour rendre leurs versants plus abrupts, il en résulte la présence d’éperons aux parois de couleur rouge  sur lesquels ont été érigés la quasi-totalité des châteaux médiévaux de cette région.

Comme le montre la photo, les sommets de ces collines sont toutes à la même altitude du fait qu’elles ont été constituées à partir d’une couche sédimentaire de grès (Buntsanstein) recouvrant le socle hercynien de roches cristallines. Lors de la création des Alpes à l’époque cénozoïque (ex tertiaire), le socle cristallin s’est soulevé, consécutivement à la surrection des Alpes, il a émergé dans les Vosges du sud ; par contre, dans les Vosges du nord, il subit une surrection moindre et resta  recouvert de la couche de grès. La couche sédimentaire a été ensuite érodée par les rivières, avec formation de vallées très évasées en V au fond desquelles se sont établis les villages et aussi les voies de communication.

Ces voies de communication utilisent les fonds de vallées des rivières nées dans les Vosges gréseuses qui se dirigent soit vers le Rhin, soit vers le plateau lorrain. Elles sont donc orientées Ouest-Est et relient, par des routes souvent incommodes, la Lorraine et l’Alsace. Elles eurent toutes une grande importance dans l’Antiquité et à l’époque médiévale comme je le montrerai dans l'article qui suit, ce fait explique, en particulier, la présence des châteaux destinés à contrôler ces routes.

Ainsi, c’est en grande partie la topographie qui détermine la localisation des châteaux fortifiés : ils sont établis sur les crêtes rocheuses retaillées pour les rendre inexpugnables et dominent, pour les contrôler,  les routes établies dans les fonds de vallées.

Les considérations géographiques expliquent la localisation des châteaux mais ce sont les circonstances historiques qui justifient leur présence.

PROCHAIN ARTICLE : les circonstances historiques

lundi 4 juin 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (16)

suite de l'article précédent

Il convient cependant de relativiser cette morne impression des banlieues de la ville et des bâtiments de l’époque communiste.

En effet, le long des rues menant à Riga, se trouvent des constructions nettement plus imposantes qui conservent encore beaucoup d’allure

En voici un exemple :

Ce bâtiment est conforme à la structure habituelle des édifices de l'époque communiste avec son rez-de-chaussée où se trouvaient les magasins collectifs remplacés par des boutiques privées et ses quatre étages de logement. Cependant, il comporte un corps central imposant constitué d’un portique de cinq piliers surmonté d’une corniche en avancée. De part et d’autre de ce portique, des fenêtres de formes différentes de celles des autres soulignent les cages d’escaliers tout en mettant en valeur le corps central.

Cet édifice témoigne à Riga, du fonctionnalisme cher aux architectes communistes et se place dans la continuité des œuvres architecturales du Jugendstil et du Jugendstil vertical. Ainsi, loin d'être en rupture avec l’art des  époques antérieures, l’art fonctionnaliste soviétique en constitue plutôt une sorte d’aboutissement.

Fin du chapitre sur Riga.

samedi 2 juin 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (15)

Suite de l'article précédent

Les édifices de l’époque communiste s’intercalent  entre les maisons de bois, les photos ci-dessous illustrent trois exemples de ce type de constructions :


La photo de gauche présente la forme habituelle des habitations  collectives de la période soviétique. Elles comportent quatre étages d’appartements  dont chacun possède un  balcon. La plupart de ceux-ci ont été fermés afin d’agrandir l’espace de vie dans des logements exigus. Le rez-de-chaussée était autrefois occupé par les magasins collectifs. C’est à ce niveau que l’on remarque le mieux l’évolution survenue : les ternes magasins collectifs ont été vendus et sont désormais utilisés par des boutiques privées qui signalent leur présence par leurs enseignes lumineuses.

La photo du centre montre un édifice semblable construit en briques et ayant comporté également autrefois un magasin collectif actuellement fermé. Ce bâtiment comporte une décoration soignée :
   . La façade, à partir du rez-de-chaussée, est rythmée par des piliers non saillants ressortant grâce à leur couleur, entre ces piliers se trouvent deux fenêtres.
  . Ces piliers sont surmontés par des consoles  portant une corniche à modillons.
  . Entre les rangées de fenêtres du premier et du deuxième étage, se trouvent des panneaux sculptés.
De tels motifs architecturaux, souvent à la gloire du communisme, sont typiques des habitations collectives de cette époque et étaient un moyen de propagande parmi d’autres.

La photo de droite montre ce qu’il adviendra probablement de la plupart des édifices de l’époque de la République populaire, beaucoup n’ont pas été entretenus et sont actuellement si vétustes qu’ils en deviennent inhabitables.
     . A gauche, se trouve un bâtiment collectif en briques si délabré qu’il est inhabité, il avait pourtant une certaine allure avec un corps central en avancée surmonté d’un fronton.
     . A droite, un terrain vague témoigne de récentes démolitions. Il est probable que ce quartier sera rénové et qu’il présentera une toute autre allure dans les années qui vont suivre.

A suivre...

jeudi 31 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (14)

LES MAISONS DES BANLIEUES DE RIGA

À la splendeur architecturale de la ville de Riga s’oppose le morne aspect de beaucoup  de ses banlieues.

Elles associent deux types de constructions :
     . Des maisons traditionnelles en bois,
     . Des bâtiments collectifs de l’époque soviétique.

Toutes les photos qui vont suivre ont été prises dans le même quartier et coexistent sur une faible superficie.

Les maisons en bois sont un reliquat du passé, datant de l’époque où il était interdit de construire en pierres hors de l’enceinte de la ville. Un certain nombre de ces maisons subsistent encore, cependant beaucoup ont dû être démolies à l’époque soviétique pour être remplacées par des bâtiments construits en briques.


Les trois maisons présentées ci-dessus sont évocatrices de l’aspect des constructions de bois.
   .  Elles sont construites sur un soubassement de briques qui comporte de petites ouvertures ouvrant sans doute sur des caves.
   . Au-dessus, se trouve le logis proprement dit. Il est ici à deux niveaux mais on peut trouver aussi des maisons à un seul rez-de-chaussée.
   . Les murs sont composés d’une ossature de bois donnant sa forme à la maison ; à l’intérieur de cette ossature sont insérées des planches généralement posées horizontalement ainsi que l’encadrement des fenêtres.
   . L’ossature de la maison et l’encadrement des fenêtres sont peints afin de souligner l’architecture.
   . Les fenêtres comportent un double vantail surmonté d’une imposte et sont doubles afin de protéger la maison du froid. Les fenêtres extérieures possèdent une ouverture à soufflet.
   . Le toit est intégré à l’ossature de bois et devait être autrefois recouvert de bardeaux de bois.

Ces maisons sont différentes de celles de la campagne construites également en bois, elles correspondent à une utilisation urbaine avec probablement boutique au rez-de-chaussée et logis à l'étage.

Concurremment à ces maisons modestes, se trouvent aussi des maisons construites sur le même principe mais comportant une ornementation de style classique, c’est le cas en particulier de ce bel édifice présenté sur la photo de gauche dont la façade est rythmée à l'étage par des pilastres de bois créant deux corps latéraux surmontés de frontons et un corps central couronné d’un entablement à trois niches qui devait comporter le nom du propriétaire.

A suivre..

mardi 29 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (13)

 Suite de l’article précédent

Le  JUGENDSTYL PERPENDICULAIRE se caractérise par une architecture plus rationaliste et ordonnée avec prédominance des lignes verticales.


On remarque encore des ornements caractéristiques de l’art nouveau tant  architecturaux (présence d’oriels, utilisation des courbes et volutes dans les fenêtres cintrées et au niveau des oriels) que décoratifs (panneaux entre les hauteurs de fenêtres) mais ces ornements sont intégrés dans la structure et n’en sont que des composantes.

On ne retrouve plus l’impression foisonnante du Jugendstil éclectique et l’ancrage letton du romantisme national, C’est un art qui paraît assagi, même s’il conserve en les assumant l’héritage des périodes précédentes,  et qui semble avoir atteint sa maturité et son point d’équilibre.

Le Jugendstil perpendiculaire n’est pas spécifique à Riga et à la Lettonie, il se développera dans toute d’Europe et deviendra un précurseur du fonctionnalisme qui apparaît à Riga vers 1920.

A suivre

samedi 19 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (12)

Suite de l'article précédent

J’ai donné du ROMANTISME NATIONAL une description dans le chapitre réservé à l’émergence d’une culture lettone (1) et me bornerai à rappeler ici ses caractéristiques en décrivant deux bâtiments significatifs de ce style.


Les photos ci-dessus, d’une maison construite par Eizen Laube, un des théoriciens de ce style, en 1909 dans la rue Brisvibas sont révélatrices de cet art qui conserve les caractéristiques du Jugendstyl éclectique (dont les oriels) en y ajoutant deux particularités :
     . Du matériel et des formes hérités des traditions des campagnes lettones : hauts toits pentus  évoquant ceux des  fermes, grosses colonnes ressemblant aux poutres de bois..
     . Des sculptures présentant des motifs tirés de la culture et de la nature lettone tant végétale qu’animale : parmi ceux -ci sont représentés sur la photo trois panneaux sculptés à partir des motifs de broderie et un relief figurant trois chouettes stylisées, encadrées de branches contournées. ..


Cette autre maison construite par Eizens Laube rue Alberta en 1908 semble, à première vue, très différente de la précédente ; pourtant, on y retrouve les mêmes caractéristiques décoratives : oriel, haut toit imité des fermes paysannes, panneaux décoratifs à base de scènes de la vie lettone, grosses colonnes rondes imitant les poteaux de bois, emploi de matériaux nationaux..

Deux détails caractéristiques de l’art du romantisme national apparaissent dans cette maison que  celle de la rue Brisvibas ne comportait pas : le portail d’entrée et le rez-de-chaussée construits en pierres de taille brute et les fenêtres à pans recoupés imitées des fenêtres de grange. Enfin au-dessus de la porte piétonne, figure la façade miniature d’une véritable maison à portique de bois, telle qu’on pouvait en rencontrer dans la banlieue de Riga.

(1) Estonie Lettonie, naissance d'une culture nationale

A suivre

jeudi 17 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (11)

Suite de l’article précédent

Le premier exemple est celui d’une maison construite sur les plans de l’architecte Karlis Johan Fiesko dans la rue Baumana en 1903.


Cette maison ressemble beaucoup dans ses caractéristiques générales, à la maison construite par Mihail Eizenstein décrite préalablement :
     . Au-dessus des deux premiers étages de pierres apparentes (1), on retrouve de hautes colonnes (2) séparant  trois hauteurs de fenêtres et se terminant par  des arcades en plein cintre,
    . Au-dessus de ces arcades et épousant leur forme, se trouve un portique à arcatures en berceau (3), il supporte la corniche de faîte soutenue par des consoles courbes (4).
     . Une rangée de petites arcades (5) sépare les deux niveaux des fenêtres supérieures.
L’utilisation des courbes humanise cette construction en contrebalançant la sécheresse néo-classique de la structure d’ensemble.

La maison comporte aux angles des pans coupés, cantonnés par quatre colonnes  sur lesquels se concentre la décoration symbolique : têtes de lion en médaillon, masques de  femmes, gargouilles… La plus étonnante de ces sculptures est celle qui se trouve au faîte du fronton dominant le pan coupé, elle  représente un dragon ailé prêt à s’envoler, semblant attendre celui qui oserait agresser la maison.

Le deuxième exemple est celui d’une maison datant de 1902,  construite dans la rue Smilnu par Konstantins Peksens, un des rares architectes letton du Jugendstil dans sa version éclectique.


L’organisation de la façade est semblable à celle construite par Mihail Eizenstein avec son premier niveau rectiligne et son oriel central cantonné de trois étages de fenêtres.

La décoration sculptée est également constituée de motifs associant les deux composantes de l’art nouveau : les motifs floraux et les personnages mythologiques.

Parmi ceux-ci on peut remarquer :
     . Les dessus d’encadrement de fenêtres comportant des volutes décorées en leur centre de masques, (6)
     . Un paon sculpté entre les deux fenêtres de l’oriel.(7)
     . Les deux cariatides supportant l'oriel (8), l’une masculine, l’autre féminine dont le corps semble émerger du feuillage ; elles encadrent une colonne centrale figurant un tronc d’arbre dont les branches contournées, se développent jusqu'au soubassement de l’oriel et encadrent les deux fenêtres qui se trouvent au niveau inférieur.

L’art nouveau de style éclectique décrit ci-dessus, fut rapidement critiqué pour sa surcharge décorative. il fut peu à peu relayé par deux styles dérivés : LE ROMANTISME NATIONAL et l'ART NOUVEAU PERPENDICULAIRE.

A suivre

mardi 15 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (10)

A l’extrême fin du 19e siècle et au début du 20e, apparaît en Lettonie une architecture qui n’a pas non plus de racines culturelles lettone : le JUGENDSTIL (Art Nouveau) dit ECLECTIQUE. Les maisons de ce style sont nombreuses à Riga, en particulier dans les nouveaux quartiers lotis après la destruction des remparts. Les immeubles les plus élaborés sont ceux des rues Alberta et Elisabete.

L'édifice du 8 de la rue Alberta fut construit en 1903 par le plus célèbre des architectes de l’art nouveau éclectique à Riga, le russe Mihail Eizenstein.


La partie surmontant le premier niveau est significative du Jugendstil :
     . Au centre est construit un oriel qui permet d’introduire les lignes courbes dans cette façade, Cet oriel est surmonté d’une fenêtre demi-elliptique puis d’un attique où dominent également les formes courbes.
   . De part et d’autre du corps central, des colonnes engagées structurent l’espace ; entre les colonnes, se trouvent les fenêtres étagées bordées d’un encadrement de briques bleues qui font ressortir la structure d’ensemble.


Outre l’utilisation de la ligne courbe au niveau du corps central, ce qui caractérise cette maison est l'étrangeté des décorations sculptées qui comportent de nombreuses connotations symboliques et peu explicites. J’en ai représenté quelques exemples sur la photo ci-dessus :
     . Les chapiteaux des colonnes sont composés de masques  de femmes sculptés (1) évoquant les masques du théâtre antique mais aussi ceux de Chine et du Japon ; leurs cheveux font penser à un décor végétal ; la colonne est décorée de traits verticaux qui figurent un arbre stylisé
     . Le soubassement de l’oriel montre une autre caractéristique : les piliers centraux de la porte principale se terminent en troncs d’arbres dont les branches contournées portent des feuillages (2).
   . Les motifs, qui séparent en élévation les fenêtres, comportent des masques  grimaçants,  surmontés d’arbres stylisés aux branches torses et de fleurs dont les pétales forment des carrés (3)
  . Enfin, la partie supérieure de l’oriel central comporte une profusion de sculptures avec, de bas en haut, un visage ressemblant à celui d’un faune (4) encadré de deux têtes portant la coiffe nemès. Au-dessus de la tête du faune, émerge un tronc stylisé (5) qui se subdivise en branches portant des feuillages. Enfin, comme en surimpression, est sculptée une volute (6) comportant en son centre un visage de lion.

Cette maison construite par M Eizenstein comporte, selon moi, deux caractéristiques qui permettent de définir le Jugendstil de Riga :
     . La surcharge architecturale faisant une large part aux formes courbes se surimposant à une structure de base marquée par un néo-classicisme simple et géométrique (colonnes engagées rythmant la façade et balustrade de faîte).
     . L’utilisation d’ornementations symboliques qui associe des éléments stylisés représentant la nature et des visages humains traités de manière  classique ou grotesque.

Ces deux caractéristiques s’appliquent à la quasi-totalité des maisons construites au tout début du 20e siècle ; cependant, en parcourant les rues de la ville, on peut constater que chacune possède un style qui lui est propre et témoigne de l’étonnante  diversité du Jugendstil comme si chaque architecte tentait de le renouveler en y apportant  ses propres conceptions et d'exprimer sa puissance créatrice.. Lors d’être un art figé, le Jugendstil de Riga témoigne d’une grande diversité comme en témoigne la description des deux maisons qui vont suivre dans l’article suivant.

A suivre...

dimanche 13 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (9)

LA FLORAISON ARCHITECTURALE DU XIXe SIÈCLE ET DU DEBUT DU XXe SOUS L’OCCUPATION RUSSE

Le 19e siècle fut, pour Riga, une période de floraison architecturale comme on en rencontre peu en Europe. Elle fut favorisée par trois facteurs :
     . Les remparts de la ville furent démolis,
    . La prospérité économique aidant, la ville se développa et le nombre des habitants augmenta considérablement : 107.033 habitants en 1867, 517.522 en 1913. Riga comportait, à cette dernière date, 40% de la population du pays letton.  L’espace urbain devenait désormais  insuffisant.
     . Les autorités de la ville permirent de construire en pierre hors de la cité, cela était interdit auparavant et toutes les constructions de la banlieue étaient érigées en bois.

Cela conduisit Riga à se doter d’un nouveau plan d’urbanisme afin d'organiser de nouveaux quartiers et aménager le bâti ancien. et explique que Riga soit devenu un véritable conservatoire des modes architecturales qui se sont succédé pendant la deuxième moitié du 19e siècle et jusque 1920.

Il n’est pas question ici d’établir une nomenclature de tous les édifices témoignant de ces divers styles, je me proposerai plutôt de donner un exemple significatif de chacun d’entre eux.

Le premier style bien représenté à Riga, est celui du REVIVIALISME avec de nombreux édifices de toutes les tendances néo-gothique, néo-classique ou néo- byzanto-roman. Outre les trois exemples donnés dans les articles précédents, voici, ci-dessous, deux édifices caractéristiques des arts néo-classique et néo-byzanto-roman.


Ce style n’est pas original, on le trouve dans toute l’Europe,   Il fut conçu hors de la Lettonie et fut le fait à Riga, des architectes germanophones ou russes.

À suivre..

vendredi 11 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (8)

Les deux types de maisons anciennes précédemment décrites (voir article précédent) se retrouvent un peu partout dans la ville et en particulier aux alentours de l’église Saint Pierre. On peut y reconnaître les deux styles principaux  précédemment décrites :
   . Des maisons à pignon avec ornement baroque pour masquer le toit dont le faite est perpendiculaire à la rue (A)
   . Des maisons dont le faite du toit est parallèle à la rue et qui comportent une grosse lucarne centrale correspondant à l’étage du grenier (B)

Entre ces maisons utilisant les  deux styles anciens s’intercalent des bâtiments de style classique comme la maison indiquée (C) dont la façade est rythmée par de fortes moulures horizontales séparant deux étages de pilastres.

Les deux plus belles maisons anciennes de la ville se trouvent face au Rathaus avec en particulier la maison des têtes noires qui fut le siège de l’ancienne guilde des marchands et  fut construite en 1334 ;  au 15e siècle, la maison devint le siège d’une confrérie de marchands qui s’y réunissaient pour les fêtes et les banquets.

Cette maison possède toutes les caractéristiques des maisons anciennes :
     . deux hauteurs de redents reliés par des volutes latérales masquant la pente du toit (D)
    . Quatre hautes arcades au niveau du faite du pignon  (E) et deux arcades latérales plus basses correspondant au niveau du redent (F)

 Cette construction étant destinée à montrer la puissance de la confrérie, elle ne comporte pas de greniers, par contre, on retrouve sous le niveau du pignon la grande salle (G)où les confrères se réunissaient.

A suivre

mercredi 9 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (7)

LES MAISONS DE RIGA DE STYLE HANSEATIQUE

Le style hanséatique est présent dans la ville d’abord par les anciennes boutiques surmontées d’entrepôts. Ces maisons présentent  sur la rue une façade haute et étroite terminée par un pignon ; par contre, elles se développent  en profondeur. Un style semblable se retrouve dans toutes les anciennes villes de la Hanse germanique et témoigne que, dans ces cités, il fallait que chaque commerçant ou artisan ait pignon sur rue au sens littéral du terme.

Un premier exemple de ce type de constructions est une maison formant un angle sur la rue Mazda Troksnu dont on peut voir à la fois la façade principale et une des faces latérales. Cette maison faisait office d’entrepôt et sans doute de boutique




La façade principale est à pignon ; tout en haut, se trouve une avancée qui comportait autrefois une poulie. Cette  poulie permettait de monter les marchandises de la rue dans les étages de l’entrepôt ; à chaque étage, se trouvait une porte fermée par un volet que l’on ouvrait pour rentrer les marchandises dans les greniers étagés. La partie haute de la façade latérale était percée de petites lucarnes d’aération des greniers. La partie inférieure de la maison comportait de grandes portes cochères qui devaient donner sur les boutiques établies au rez-de-chaussée et sur les caves.  Ces salles du rez-de-chaussée ainsi que les caves sont ici occupées actuellement par des restaurants qui profitent du cadre afin de tenter de créer pour leurs convives une ambiance médiévale.


La deuxième maison présentée sur les photos ci-dessus présente une autre forme de maison hanséatique différente de la précédente à deux points de vue :
     . D’abord, elle ne présente pas sur la ruelle un toit à pignon, le faite du toit est parallèle à cette ruelle, une lucarne s’ouvre au niveau de celui-ci et comporte l’avancée sous laquelle se trouvait la poulie. En dessous, se trouve la succession des greniers.
    . Ensuite, elle comporte sous les greniers un étage intermédiaire qui doit correspondre au logis d’habitation du marchand ; en-dessous, doit se trouver la boutique et l'accès aux caves et à la cour.

La maison faisant partie du complexe de maisons appelée des Trois Frères, montre la même organisation que la maison décrite en premier avec trois niveaux :
     . Trois étages de greniers à la partie haute avec un oculus qui peut correspondre à l’emplacement de la poulie.
    . En-dessous, un niveau s’ouvrant sur la rue avec des petites fenêtres circonscrites dans un alignement d’arcades.
   . Le  niveau du rez-de-chaussée pourvu d’une porte cochère  correspond probablement à la boutique et à l'entrée des caves. Il se peut aussi qu’il existe un entresol.


Le principal intérêt de cette maison est son toit à redents au niveau du pignon. Ce pignon se décompose en cinq arcades hautes et étroites qui comportent les petites fenêtres des greniers, la plus haute de ces arcades se trouve au centre, au niveau du faite du pignon ; les autres sont de plus en plus basses et correspondent à l’étagement des redents. Ce type de maisons à redents se retrouve dans toutes les villes germaniques et plus spécialement dans celles qui furent affiliées à la Hanse.

La maison du complexe dit des trois frères jouxtant la précédente est de style baroque : les redents du pignon ont été remplacés par des volutes à  courbe inversée ; au faite du pignon se trouve la lucarne centrale surmontée d’un fronton courbe. Cette maison comporte aussi un monumental portail d’entrée cantonné de deux pilastres et surmonté d’un entablement portant l’inscription Soli Deo Gloria  puis d’un fronton dans lequel on devine un blason. De part et d’autre de l’entablement est mentionnée la date 1746, ce qui permet de dater au 18ème siècle la transformation de la maison pour l’adapter au goût du jour.

A suivre...

lundi 7 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (6)

LES RELIQUATS DU PASSÉ  DE L’ANCIENNE VILLE DE RIGA

Du rempart primitif, démoli au milieu du 19e siècle n’ont été dégagés que quelques rares éléments tous situés à leur  niveau Nord :


   . Une tour appelée la tour Poudrière qui recelait les tonneaux de poudre de la ville
   . Un pan de muraille dégagé des maisons qui le masquait dont on voit, sur la photo, l’intérieur de la courtine avec son hourd.
   . Une porte appelée porte  des suédois, qui menait à la citadelle dont il ne reste rien, en avant de cette porte étaient situés des casernements du 16e siècle récemment réhabilités.



Le rempart d’artillerie a été transformé en un parc ; on retrouve néanmoins encore les formes d’ensemble des bastions actuellement mis en pelouses ; de même, au centre de ce jardin, se trouve un plan d’eau qui correspond aux anciens fossés.




Les églises sont les témoignages les mieux conservés du passé, même si elles ont perdu le haut clocher si caractéristique des villes hanséatiques (le haut clocher de l’église Saint Pierre est une reconstruction du 20e siècle). Ces églises sont toutes construites en briques, ce qui allège considérablement la structure et permet d’élever la voûte sans avoir besoin de contreforts imposants. A l’exception de l’église Saint Jacques restée catholique, les autres sont de confession protestante.


L’église saint Jean est la plus évocatrice du passé hanséatique. Elle conserve en particulier sa façade à pignons redentés composée d’arcades de briques enserrant des fenêtres aveugles, basses dans les coins latéraux et  de plus en plus hautes au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’angle central du pignon. Des oculus ajoutés surmontent chacune de ces arcades.

Du château de l’ordre de Livonie, ne subsistent que deux grosses tours d’angle circulaires ainsi que les soubassements des murs extérieurs. Le reste du château a été reconstruit selon le style classique. Ce château sert actuellement à la présidence de la République.

Enfin, les trois édifices importants des villes hanséatiques, le Rathaus, la maison de la guilde des marchands (grande Guilde) et la maison de la guilde des artisans (petite Guilde) ont été reconstruits selon le style éclectique en vogue au 19e siècle, néo-classique ou néo-gothique :


Au vu de telles conditions, le visiteur qui cherche les traces du passé tant au niveau des remparts qu’à celui des bâtiments officiels pourrait se sentir frustré s’il n’y avait pas une grande richesse architecturale des façades de maisons avec une panoplie de formes allant du passé hanséatique jusqu’au style fonctionnaliste du 20e siècle.

A suivre...

samedi 5 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (5)

LES PLANS ANCIENS DE RIGA (suite)

Un siècle plus tard, un nouvel aménagement  est venu s’ajouter au système de défense de Riga avec création d’une citadelle au Nord de la ville. La citadelle apparaît dans les deux documents  représentés ci-dessous :

Le premier document  montre Riga en 1720.

À cette époque, la ville est sous occupation russe mais reste officiellement encore possession suédoise. Cette situation cessera un an plus tard quand, par le traité de Nystad, l’Estland et le Livland deviendront russe. La citadelle (1) est représentée à gauche de la gravure ; on aperçoit son aspect général avec des bastions en étoile. Cette construction résulte de deux nécessités : contrôler le cours du fleuve avec possibilité de tirs croisés sur une flotte ennemie de concert avec l’artillerie du fort de Daugavgriva mais aussi surveiller la ville et de réprimer ses éventuelles  velléités de révoltes.

La construction de la citadelle rendit inopérant le rôle défensif du château construit par l’ordre de Livonie (2) ; celui-ci est désormais intégré à la ville  Le fossé qui séparait la ville et le château a été comblé et forme une large rue. Désormais le château est devenu une résidence utilisée par les gouverneurs de l’Estland qui représentent le souverain.



Le plan de droite dessiné par Stegman représente à ville après 1763, il permet de donner deux précisions :
   . La citadelle  (1) est intégrée au système de fossés en eau qui entoure la ville tout en étant séparée de celle-ci par une large douve.
  . Le projet d’extension du rempart en avant des défenses de la ville a été abandonné, il n’en reste que les parties déjà creusées au siècle précédent(3).




Ce sont ces derniers aspects de Riga qui pourront servir de base à la description de la ville. Celle-ci se fera à deux niveaux :
     . Les reliquats du passé dont il ne reste que quelques traces éparses.
     . Les éléments subsistant encore quasiment intact du passé et en particulier les maisons ainsi que des édifices publics anciens.

A suivre...

jeudi 3 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (4)

LES PLANS ANCIENS DE RIGA (suite)

Le plus ancien plan de la ville est, à ma connaissance, le plan de Matthias Mérian présentant la ville vers 1650, à l'époque de l’occupation suédoise.

Au niveau de la Dvina, on retrouve ce qui a été décrit dans la gravure de 1581 avec association de  navires maritimes au centre de la rivière et d’embarcations à voile faisant les allées et retours entre la berge et les navires. On retrouve aussi les trois églises principales, Saint Jacques (1), Saint Pierre ( 2)  et la cathédrale (3) auxquelles s’ajoute, sur ce plan, l’église saint Jean (4).

Le Rathaus (5), surmonté d'un beffroi central, se dresse sur un des côtés d’une grande place rectangulaire,

On retrouve également le château (6) établi au Nord de l’enceinte.

Ce plan témoigne surtout de l’évolution survenue au niveau de l’enceinte établie côté campagne : l’ancienne courtine (7) a été doublée par un rempart (8) adapté à l’artillerie avec des bastions comportant les canons, un mur d’escarpe, un mur de contrescarpe et des demi-lunes

On peut penser que le nouveau dispositif défensif était récemment réalisé si on en croit un plan de 1640  présentant le projet.

Un double fossé en eau entoure la ville : l’ancien fossé protégeant l’enceinte primitive (9) a été conservé. En avant de l'escarpe d’artillerie, se trouve un second fossé (10) dont l’eau provient d’une rivière proche canalisée. Ce rempart d’artillerie se termine au niveau du mur d’enceinte jouxtant les quais par deux bastions qui doivent être chargés de défendre le cours du fleuve si un ennemi y accédait. Pour le reste, la partie centrale du  rempart donnant sur le fleuve n’a pas été modifiée.

Le nouveau rempart intègre aussi le château, tout en lui conservant sa spécificité puisqu’un fossé en eau le sépare de la ville. Le château est précédé d’un bastion (11) prolongé par une barbacane.

Sur l’autre rive, se trouve la forteresse de Daugavgriva (12), elle fut construite par Albert de Buxhoevden pour protéger la ville d’éventuelles incursions venant de la Baltique. Cette forteresse a également été modernisée et pourvue de bastions d’angle.

Le plan ci-contre est sans doute contemporain du dessin de Merian, il n’est cependant pas daté.

Il  fait apparaître une seconde ligne de défense en avant du rempart, côté campagne. Cette ligne de défense comporte une succession continue de bastions aux flancs droits précédés d’un fossé.

Le dessin montre que cette seconde ligne est en cours d’aménagement avec une partie comportant le rempart précédé d’un  fossé déjà en eau, une autre partie  montre le fossé en cours de creusement et une dernière partie le présente simplement esquissé sur le terrain.

Ce projet peut procéder de trois objectifs :
     . Prévoir l’extension de la ville avec lotissement des terrains agricoles existants. À cette époque, il ne se trouve à cet endroit que deux constructions : l’hôpital saint Georges au Nord et l’église de Jésus au Sud,
    . Assainir et drainer le secteur probablement marécageux,
   . Créer une avant-ligne de défense de la ville.
Il est probable que ces trois objectifs se conjuguèrent pour expliquer la mise en œuvre de ces travaux.

mardi 1 mai 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (3)

LES PLANS ANCIENS DE RIGA

Pour découvrir une ville, il est souvent intéressant, en préalable à la visite, d’examiner les anciennes gravures afin de comprendre comment s’est constituée la ville.

En ce qui concerne Riga, les représentations de la cité aux 16e et 17è siècles sont suffisamment nombreuses pour permettre de rendre compte de son organisation spatiale ancienne. .

La première représentation datée de 1581, figure  Riga dans « civitates orbis terrarum » de Frank Hogenberg et G Braun vue de la rivière Daugava.


Les marchands des cités portuaires du Saint-Empire, quand ils  arrivaient dans la ville par le fleuve, devaient se trouver en pays de connaissance car le panorama de la cité qu’ils découvraient était, à peu de détails près, semblable à celui des autres cités  germaniques dont l’architecture découlait de leur passé commun hanséatique.

La première chose qu’ils pouvaient constater était l’importance du trafic fluvial ; de nombreux bateaux sont amarrés au milieu du fleuve (1), un grand nombre de petites embarcations (2) effectuent le trafic entre les bateaux de mer et le quai. Le quai (3) est porté par une rangée de pieux fichés le sol soutenant des  planches posées de champ, elles sont entrecoupées de rampes permettant le déchargement des barques.

Derrière ce quai qui devait être encombré par les marchandises, se trouve le rempart de la ville (4) ;  le mur d’enceinte comporte de grosses tours rondes  d’angle crénelées, des tours intermédiaires et des portes établies en avant des voies de déchargement.

Au-delà du rempart se profile la ville. Elle est composée de maisons hautes et étroites sur la rue, se développant en profondeur et formant un lacis serré entre lequel on devine les rues et ruelles.

Les trois églises dessinées (la cathédrale (5), l’église Saint Pierre (6) et l’église Saint Jacques (7) ont un aspect conforme à la plupart des églises hanséatiques. Elles comportent,  à l’ouest, une unique et  haute tour-porche surmontée d’un clocher effilé.

Enfin, dans la ville-même se trouve le Rathaus (8), la maison du conseil, d’où la ville est administrée, cette maison ne possède pas de beffroi comme c’est le cas habituellement  dans les Communes, on en aperçoit la façade latérale et son pignon à redents décoré de volutes également typique des villes hanséatiques.

Au Nord du rempart de la ville se trouve le château (9) ; il possède une longue histoire qui mérite qu’on s’y arrête.

Riga avait réussi à se soustraire à l’autorité de l’évêque mais il existait une autre force qui pouvait empêcher l’épanouissement de l’autonomie communale, l’ordre des chevaliers Porte-Glaives devenu en 1237 l’ordre de Livonie. (Cf : mes articles sur l'Estonie et la Lettonie). Au 13è siècle, le siège de l’ordre se trouvait dans un château au centre de la ville.

Entre la cité de Riga et l’ordre de Livonie, les casus belli furent si nombreux qu’ils débouchèrent sur plusieurs guerres intestines. Lors de celle de 1304, les bourgeois attaquèrent puis démolirent le château des moines-chevaliers, cependant ils furent vaincus par l’ordre et durent lui en reconstruire un autre.

L’ordre préféra s’installer hors de la ville sur son emplacement actuel ; les chevaliers y gagnèrent en moyens défensifs et purent plus efficacement surveiller la cité du haut de leurs remparts. En  1581, l’ordre de Livonie fut sécularisé et le duché de Livonie fut placé sous obédience polonaise ;  le château fut occupé alors par un gouverneur polonais. Plus tard, les envahisseurs successifs, suédois et russes, firent du château la résidence de leurs gouverneurs.

Sur la gravure de Braun et Hogenberg, le château possède une forme carrée comportant des tours d’angle ; il possède également un accès à la Daugava sous la forme d’une tour sur la rivière (10) et d’une passerelle reliant le logis à la tour.

À suivre…

dimanche 29 avril 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (2)

LES ORIGINES DE LA VILLE (suite)

La ville prit très vite de l’ampleur du fait de sa situation à l’embouchure de la Daugava ; en effet, le fleuve était, avec la Neva, une voie fluviale qui permettait de gagner l’intérieur de la Rus puis la mer Caspienne par la Volga et la mer Noire par le Dniepr.

Riga devint un intermédiaire commercial de premier plan entre la Rus et la Baltique.

 La ville se peupla rapidement de marchands et artisans d’origine germanique.

Afin d’augmenter la prospérité de Riga, Albert prit deux dispositions supplémentaires :
     . Il obtint une bulle papale qui décréta que tous les marchands allemands en route vers la Rus devaient passer obligatoirement par Riga,
     . Il mena des campagnes militaires contre Polotsk afin d’obliger  cette cité à permettre le libre cours de la rivière aux marchands allemands.

Le 13ème siècle fut marqué par deux événements qui orientèrent pour longtemps le destin de la ville :

     . La prospérité aidant, les  habitants se sentirent bientôt assez forts pour entrer en conflit avec l’évêque et obtenir de lui le droit de fonder une « commune », une cité qui possède son autonomie en ne dépendant de personne et en se gouvernant elle-même : la cité obtient en 1221 le droit de rédiger une constitution ; en 1225, l’évêque accepte la création d’un conseil de 12 membres élus qui choisit quatre d’entre eux pour gouverner la cité,  A cette même date, Riga obtient de ne plus rien payer à l'évêque. Riga est devenue une «  ville libre » de toute sujétion

     . En 1282, Riga s’affilie à la Hanse Germanique et devient le débouché naturel du comptoir hanséatique de Novgorod qui rassemble,  dans cette ville, tous les produits venant de l’intérieur de la Rus. La période qui suivra sera celle de la plus grande prospérité de Riga qui prend à cette époque l’aspect d’une ville proprement hanséatique.

A suivre..

NB la Rus comportait un ensemble de principautés  qui dura jusqu'aux invasions mongoles du 13è siecle

vendredi 27 avril 2018

Impressions de voyage : RIGA (Lettonie) (1)

LES ORIGINES DE LA VILLE

La ville de Riga fut officiellement fondée en 1201 par Albert de Buxhoevden, le troisième évêque de Ikskile, dans la double  perspective d’évangéliser les tribus des pays Este et Letton mais aussi de participer à l’expansion du commerce germanique dans la Baltique après la fondation de la Hanse dans la deuxième moitié du 12ème siècle.

Pour expliquer, cette fondation, il convient de revenir aux prémices de l’évangélisation des tribus baltes.

Elle avait commencé quelques années plus tôt vers 1180 et avait déjà comporté trois phases chronologiques :

   . A l’origine, la christianisation avait débuté  de manière pacifique avec la venue de missionnaires et en particulier du moine Meinhard qui réussit à fonder une église à Ikskile et à se faire reconnaître évêque par l’archevêque de Brême. Cette évangélisation fut quasiment un échec.

  . Dans ces conditions il fallut recourir à la force, c’est ce que fit le deuxième évêque, le moine cistercien Berthold : après avoir vainement tenté de convertir les tribus locales, il rentra en Allemagne et recruta des croisés. Il fut tué lors de la bataille qui s’engagea à son  retour, mais les croisés furent vainqueurs, les tribus lettones se convertirent dans un premier temps, mais dès que la croisade quitta le pays, ils retournèrent à leurs croyances antérieures.

   . Devant ce nouvel échec, l’archevêque de Brême nomma son neveu, Albert de Buxhoevden, évêque d’Ikskile, à charge pour celui-ci de conduire une nouvelle croisade afin de vaincre définitivement  les tribus lettones. Il instaura aussi le principe de la croisade perpétuelle afin de disposer à tout moment  d’une force armée suffisante (chaque croisé devait servir pendant deux ans afin de bénéficier des indulgences établies par le pape). Lorsqu’il arriva en pays letton, Albert décida de transférer le siège de son évêché d’Ikskile  sur un site mieux protégé à l’embouchure de la Dvina (Daugava) : la ville de Riga était fondée. Albert fit construire des murailles et posa la première pierre de la cathédrale. C’est à partir de Riga que fut menée la conversion forcée des tribus Estes et Lettones.

NB, les informations ci-dessus peuvent être retrouvées dans la serie d'articles intitulée : ESTONIE ET LETTONIE, LES VICISSITUDES DE L'HISTOIRE

À suivre…

dimanche 22 avril 2018

Le manuel d'EPICTÈTE : un mode de pensée (2)

La deuxième  notion de logique morale abordée par le manuel d’Epictète est appelée CORRÉLATION. Cette notion est complémentaire de la précédente : le dualisme antécédent/conséquent, avec la démarche de l’esprit qui en découle,  concerne essentiellement l’individu seul utilisant les valeurs qui composent la liberté de son âme au moyen de la raison. La corrélation concerne plutôt les relations de l’individu et de son « en soi »  avec le monde extérieur dans toutes ses composantes : son propre corps, les autres hommes pris individuellement et collectivement, la nature et même les objets inanimés.

Pour illustrer cette notion, je prendrai l’exemple de deux personnes, A et B ; ils se rencontrent dans la rue et A se met à invectiver B suffisamment violemment pour que les passants s’arrêtent ; B est alors placé devant un dilemme :
   . S’il décide de ne pas se laisser faire, il répliquera par d’autres insultes et l’altercation pourra se terminer par une rixe qui, si elle est menée à son terme, risquera d’aboutir à la mort de l’un des individus.
   . S’il juge nécessaire de ne pas réagir et de passer son chemin, il sera certes traité de lâche et de «poule mouillée », mais il conservera sa tranquillité d’esprit.

La quasi-totalité des êtres humains choisiront la première solution tant est grande chez eux le désir de considération face aux autres ; par contre, le philosophe qui suit l’enseignement d’Epictète, optera pour la seconde : Il ne réagira pas et se laissera injurier et même frapper.

Cette absence de réaction est mentionnée explicitement dans le manuel et expliquée dans deux  aphorismes :
   . 20 : «  Souviens-toi qu’on n’est pas outragé par celui qui injurie ou qui frappe mais par le jugement qu’il vous outrage. Quand quelqu’un te met en colère, sache que c’est ton jugement qui te met en colère »
   . 30 : «  …Un autre ne te nuira pas si tu ne le veux pas, mais on t’aura nui si tu juges qu’on te nuit »

Traduit dans un langage de notre époque, ces deux aphorismes peuvent s’exprimer ainsi en se référant au dualisme « ce qui dépend de nous, ce qui ne dépend pas de nous » :
   . Si on est agressé par autrui, on se trouve dans la situation de ce qui ne dépend pas de nous et dont nous sommes esclaves : Nous ne pouvons empêcher que quelqu’un nous déteste au point de nous frapper
   . C’est dans cette perspective, qu’il convient que notre esprit analyse la situation : je décide donc, en usant de ma liberté absolue de jugement, que je ne me sens pas concerné par cette agression et que  je trouverai en moi des valeurs telles que l’indifférence ou le courage qui me permettront de ne pas réagir.

Ainsi, lorsqu’au moyen des ANTÉCÉDENTS et des CONSÉQUENTS, on a déterminé en toute liberté  une manière d’être, il convient de s’y tenir en toutes circonstances en en tirant les conséquences dans ses rapports avec autrui, c’est ce qu’Epictète appelle CORRÉLATION. Pourtant cela ne suffit pas, car il est nécessaire de déterminer si cette démarche est logique et cohérente par la DÉMONSTRATION, troisième étape de la logique du philosophe.

À suivre

mardi 16 janvier 2018

PAYS BALTES (3) une nature apaisée après un douloureux passé

Suite de l’article précédent



Les clairières cultivées sont constituées de vastes parcelles au sol plat ou faiblement ondulé, entrecoupées par de petits bosquets d’arbres sous lesquels se dissimulent les fermes. Une large palette de couleur y est présente,  formant un patchwork en constant renouvellement lorsqu’on parcourt le pays : le vert tendre des prairies s'harmonise délicatement  avec le vert plus sombre des bosquets et des arbres, avec aussi le brun des terres labourées et le jaune ocre des chaumes et des céréales attendant la moisson.

Dans ces paysages, tout respire la sérénité et la paix d’une nature qui paraît réconciliée avec l’homme. On a l’impression que la nature remercie l’homme de l’avoir préservé en lui donnant tout ce qu’il a besoin. En échange, l’homme se fait discret, cachant les fermes dans les bosquets comme s’il voulait les dissimuler afin de ne pas rompre la sérénité du lieu.

Cette description un peu idyllique des paysages baltes réussit actuellement  à masquer un douloureux passé : en effet, pendant de longues périodes, la paysannerie fut placée sous le joug de dominateurs étrangers qui imposèrent leur puissance par la force.

Prochain article : la situation de la paysannerie aux 18ème et 19ème siècle.

dimanche 14 janvier 2018

PAYS BALTES (2) une nature apaisée après un douloureux passé

Suite de l'article précédent

Dans les pays baltes dominent les forêts, elles ferment  systématiquement l’horizon des clairières de cultures, constituant une limite vert-émeraude qui donne à l’espace une dimension humaine sans démesure.

La forêt associe, entre autre, deux aspects très spécifiques représentés sur les photos ci-dessous :


Les paysages de la forêt de conifères sont assez surprenants : les arbres se dressent tout droit, tels des poteaux dénudés, tous égaux en diamètre ; c’est seulement au niveau de leur cime qu’apparaissent quelques branches qui s’entremêlent d’un arbre à l’autre pour former une canopée ;  comme celle-ci a du mal à laisser passer la lumière, les sols ne sont couverts que d’une végétation pratiquement rase. A cela s’ajoute la brume résultant de l’humidité amenée par les dernières pluies. Ces caractéristiques créent une étrange impression, on se croirait dans une forêt mystérieuse d’où pourraient surgir les trolls mais aussi des fées et des lutins sortis de palais enchantés.

La réalité de cette forêt est cependant bien différente de ce qu’elle paraît, elle résulte des campagnes de  reboisement rendues nécessaires  après les ravages de la seconde guerre mondiale. Les arbres ont été plantés en même temps, ce qui explique qu’ils aient tous la même apparence : cette forêt révèle aussi l'opiniâtreté des hommes à toujours dominer les catastrophes pour toujours reconstruire.

La forêt de bouleaux est bien différente : elle se développe en deux strates avec un sous-bois abondant et touffu de petits arbres d’où émergent les troncs blancs des bouleaux qui s’ennoient peu dans le feuillage de leurs cimes.

La forêt est entrecoupée de lacs restant encore sauvages malgré le développement  des résidences de loisirs qui s'installent sur ses berges. Les eaux calmes de ces lacs se muent en miroirs dans lesquels la forêt se dédouble,  créant dans l’eau une illusion de forêt symétrique à peine troublée par d’éphémères clapotis.

Entre ces forêts, se déploient de grandes clairières de cultures qui constituent la seconde facette des paysages baltes.

A suivre